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Nous sommes entrés dans l’âge du plip

On connaît mieux l’objet que son nom. Le plip déverrouille la voiture et révèle son époque.

Sur la table de mon libraire, un titre me laisse perplexe: «L’âge du plip», paru aux éditions du Seuil.

En consultant la couverture, j’apprends que cette onomatopée, plip, désigne la petite boîte qui par simple pression du doigt déclenche le verrouillage ou le déverrouillage des portes d’une voiture.

Voilà mon ignorance en partie excusée: en tant que propriétaire d’une 2 CV, je vis encore à «l’âge de la clé». Mais combien de détenteurs de plip qui s’ignorent…

En partant de cet objet familier, Bruno Jacomy, directeur du Musée des Arts et Métiers de Paris, a dégagé des leçons plus larges sur nos relations aux techniques et aux machines.

Pourquoi les claviers de nos calculettes sont-ils inversés par rapport à ceux de nos téléphones? Pourquoi les robinets de gaz et les boutons électriques de nos cuisinières ne tournent-ils pas dans le même sens? Toute l’histoire de l’innovation technique, ses réussites et ses échecs, est passée en revue dans cet ouvrage qui a réussi, bel exploit, à captiver la technophobe que je suis.

On peut être surpris d’apprendre que les premiers bateaux à vapeur étaient aussi équipés de voiles. Personne, en revanche, ne s’étonnera de voir le détenteur de plip également équipé d’une clé pour ouvrir la même voiture.

Pourquoi n’abandonne-t-on pas la technique archaïque plus tôt? Pourquoi utilise-t-on simultanément deux objets ayant la même fonction? Le passage d’une technique à une autre – de la navigation à voile à la propulsion à moteur, de la manivelle au démarreur, de la clé au plip – est passionnant à analyser.

Parlons un peu du plip. «Après le Minitel, le pin’s et l’airbag, voici un petit nom qui claque bien, qui sonne anglais (et donc fait moderne), qui ressemble à celui du clip vidéo et qui, ultime avantage, rappelle le bruit des portes qui se verrouillent ou se déverrouillent.» Bref, ce nom satisfait aux règles du marketing.

Son créateur, Paul Lipschutz, directeur de la société Neiman (rachetée depuis par Valeo), a dénommé l’objet en associant l’initiale de son prénom aux premières lettres de son nom. Après le préfet Poubelle et le baron Bich, le nom de Paul Lipschutz pourrait donc bien passer à la postérité. Les anglophones utilisent le terme «plipper».

Voilà pour l’acte de naissance de l’objet. Penchons-nous un instant sur son usage. Bruno Jacomy commence par relever une fonction qui ne m’avait d’ailleurs pas échappée et qu’il qualifie de «fonction signe».

Qui n’a jamais observé la béatitude d’un conducteur qui, par un geste unique, à quelques mètres de distance, verrouille toutes les issues de sa voiture? Et quand, par un rapide clignotement de tous ses feux, le véhicule répond «tu peux partir tranquille, je veille sur ton bien», c’est l’extase.

«Le plip n’est donc pas uniquement un objet utilitaire, écrit Bruno Jacomy. C’est aussi un repère physique, un signe distinctif, comme le stylo à plume, les écouteurs du baladeur ou le téléphone portable.»

Avec le plip, c’est l’électricité qui s’introduit dans le processus de verrouillage d’une automobile. Et si le changement peut paraître mineur dans son principe (les essuie-glaces et les commandes à distance des rétroviseurs extérieurs sont déjà électriques), il est capital quant à la fonction à laquelle il s’applique.

Le passage à l’électricité n’a posé aucun problème tant qu’il s’agissait de faciliter le mouvement d’un accessoire. Avec le verrouillage, on touche une notion très sensible: la propriété. Or, depuis les clés romaines, c’était toujours la rotation d’une pièce de métal qui permettait d’ouvrir ou de fermer les portes.

L’introduction de l’électricité dans cette fonction cruciale s’est effectuée assez difficilement en raison, selon l’auteur, «de l’essence même de cette technique impalpable». D’ailleurs, différentes études avaient déjà constaté que, contrairement aux systèmes mécaniques, l’électricité n’inspire pas facilement confiance. Trop fluide, invisible, elle ne fait littéralement cialis common dosage face à la mécanique.

Cela expliquerait pourquoi nous nous retrouvons avec deux objets affectés à une même fonction: la clé et le plip. Si, dans cet état de concurrence, la clé subsiste, c’est parce que nous sommes dans une phase transitoire.

Il y a quelques dizaines d’années, on avait déjà vu des esssuie-glaces à moteur doublés d’une petite manivelle, au cas où…

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Moins ambitieuse que Paul Lipschutz, la designer zurichoise Ariana Pradal n’a pas jugé opportun de baptiser «apra» son antivol électronique pour bicyclette qui permet au cycliste de le commander à distance et de recevoir un SMS lorsqu’un malfrat s’empare du vélo. Son concept Trace X01 vient de lui valoir le cialis vancouver.

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«L’âge du plip», de Bruno Jacomy (éditions du Seuil).