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La musique qui ne se vend pas comme une savonnette

De la musique à télécharger légalement sur le net? Sans passer par les coûteux systèmes des maisons de disques? C’est le pari de Bernard Barut avec son entreprise «MadeInMusic» lancée il y a six mois, après un an et demi de développement. Cette start-up basée à Genève a développé une communauté en ligne et un outil très puissant de distribution musicale sur le web.

«Le marché de la musique est malade, explique le fondateur de MadeInMusic. Une cinquantaine de musiciens génère 40% du chiffre d’affaires mondial du secteur. Et cette pyramide se ressert de plus en plus. Pour chaque nouvelle sortie, les majors doivent vendre 700’000 disques pour rentabiliser leurs frais, notamment de promotion. Du coup, elles commercialisent de la musique de masse, qui n’a plus rien à voir avec le talent. Il y a de moins en moins de place pour les petits artistes indépendants, qui n’arrivent pas à distribuer leurs compositions.»

Pianiste lui-même, Bernard Barut milite avec son projet pour le redéploiement d’une «classe moyenne de la musique», afin qu’un artiste puisse vivre de son art «sans se vendre comme une savonnette» ou «vivoter en donnant des cours de piano».

Ainsi, la plate-forme MadeInMusic permet à tout artiste de diffuser lui-même ses morceaux. A travers sa page personnelle et le genre de musique qu’il compose, il peut se faire connaître auprès des autres membres de la communauté (mélomanes et autres musiciens). Ses morceaux sont proposés gratuitement en «streaming» (diffusion en temps réel) en basse qualité audio. S’il veut télécharger un titre au format MP3 de bonne qualité – et le graver par exemple sur un CD –, l’usager doit payer environ 1 franc par morceau. «Le système est légal, poursuit Bernard Barut. Nous reversons automatiquement les droits d’auteur.»

Cet été, MadeInMusic lance un nouveau concept: la MP3 Music Card, une carte – vendue ou offerte – qui contient un code permettant de télécharger gratuitement quelques morceaux de musique en passant par le site. «Ce système intéresse les sponsors et les artistes, qui peuvent ainsi fidéliser les spectateurs d’un concert en distribuant la carte à la sortie. Nous la proposerons par exemple au festival Paléo de Nyon et à la Street Parade de Zurich. Un label pourra aussi l’intégrer dans la pochette d’un CD pour pouvoir proposer des titres inédits ou faire découvrir d’autres artistes à ses clients.»

Aujourd’hui, MadeInMusic rassemble 1600 musiciens de 28 pays et propose 10 000 titres à télécharger. La communauté de 4800 usagers grandit de 100 nouveaux membres chaque semaine. Pour l’instant, la plate-forme ne fait pas d’argent et la société de Bernard Barut vit de la réalisation de sites. «Notre outil logiciel s’adapte à d’autres communautés. Le site MassiveEffort.org, initiative mondiale de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria, utilise par exemple notre technologie.»

MadeInMusic est bien sûr concurrencé par les plates-formes d’échange de musique gratuites comme Kazaa ou AudioGalaxy, qui ont succédé à Napster. «Il y aura toujours des stars piratées, répond Bernard Barut. Notre service s’adresse à d’autres artistes et aux auditeurs conscients. Aujourd’hui, les freins principaux à notre développement viennent de la bande passante encore trop étroite et coûteuse, et de l’habitude de la gratuité généralisée sur l’internet.»

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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 5 mai 2002 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.

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