- Largeur.com - https://largeur.com -

Sus au virus

L’un des effets spectaculaires de Covid-19 consiste à générer une communication officielle rassurante qui, bizarrement, ne rassure pas grand monde.

Un virus par définition ça ne respecte rien, ni personne, même pas les paradis – rappelez-vous le serpent. Bref ce satané Covid-19, est donc arrivé chez nous. Mais le carnaval est passé. Y compris celui de Bellinzone, capitale du premier canton frappé. C’est déjà ça de pris.

À ceux qui auraient des doutes donc, il faut le dire haut et fort: la Suisse est prête et même plus que prête. Si l’on en juge en tout cas d’après le Groupement des entreprises multinationales – oui, oui, cela existe – qui a même déjà défini la conduite à tenir si un employé, malgré les consignes, se rendait dans les régions particulièrement infectées, qu’on y parle mandarin ou les dialectes lombards: le mettre en quarantaine dès son retour et cesser de lui verser son salaire.

C’est à ce genre de détails qu’on mesure le degré de préparation d’un pays à repousser victorieusement les catastrophes, de même que le caporal Casse-Pompons, dans la chanson de Brel, établissait que c’était à la minceur des épluchures qu’on voyait la grandeur des nations.

N’empêche, Alain Berset a beau répéter que lui-même et l’Office fédéral de la santé (OFSP) sont «bien préparés pour faire face à une situation dont nous savons qu’elle peut être dure à contrôler» – phrase d’ailleurs à demi-rassurante suivant par quel bout on la prend – cela n’empêche pas la hotline du dit OFSP d’enregistrer un millier d’appels par jour.

On pourra toujours hausser les épaules et décréter que le peuple, moutonnier et craintif par nature, cède volontiers à la panique. Il faut néanmoins constater qu’il est abreuvé d’informations un chouïa contradictoires, le peuple.

Même puisées à meilleure source: dans la vénérable «NZZ» un expert soutient tranquillement que le virus pourrait faire «30 000 victimes en Suisse». Un autre expert dans le tout aussi vénérable quotidien «Le Temps» répond que ces chiffres sont «fantaisistes et alarmistes, basés sur de fausses hypothèses». Sauf que le même optimiste expert, à la question «comment voyez-vous la situation évoluer en Suisse?» répond: «Seuls les devins peuvent le dire.» Débrouillez-vous avec ça et lavez-vous bien les mains. Ponce Pilate s’en sort toujours.

Si la population s’alarme volontiers, les autorités, elles, préfèrent jouer l’air bravache du «Même pas peur». Tel le Conseil d’Etat du canton de Genève, qui en a sans doute vu d’autres et claironne que ce n’est quand même pas, nom de bleu, une raison pour annuler la messe de toutes les grands messes: le Salon de l’auto. Sauf que patatras! Entretemps, un premier cas était annoncé à Genève et deux dans les Grisons. L’OFSP changeait soudain de ton, annonçait qu’il fallait se préparer à la propagation du virus et reconnaissait un manque de masques. Mais les billets pour le salon continuaient de se vendre et les organisateurs n’en finissaient plus de se tâter. Ce qui pouvait sembler contradictoire avec la tendance signalée du public à s’exagérer la menace.

Peut-être parce que la voiture constitue un élément incontournable de tous les films de catastrophe, avec l’inévitable scène des embouteillages, où s’agglutinent  des conducteurs échevelés et en sueur, fuyant le péril vers on ne sait trop où, l’herbe étant de toute façon toujours moins contaminée ailleurs.

Cette valse-hésitation entre communication rassurante et moyennement rassurante rappelle, il y a quelques années, peut-être à propos de la grippe aviaire, la marionnette du ministre français de la santé Douste-Blazy, dit Douste-Blabla, sommé aux Guignols de l’info d’adresser une parole censée restaurer la confiance de la population et qui se fendait d’un mémorable et comme résonnant jusqu’à aujourd’hui: «Bien sûr. En effet. Fuyez.»