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«Pour la première fois, j’ai eu une sensation tactile sur le membre fantôme»

Marco Zambelli a perdu sa main droite à l’âge de 15 ans, pendant son apprentissage. Cinquante ans après, il retrouve l’espoir grâce à un nouveau type de prothèse qui lui permet d’effectuer tous les gestes du quotidien.

La manipulation d’une scie circulaire dans un atelier métallurgique a changé sa vie: Marco Zambelli a perdu sa main droite quand il était adolescent. Après plusieurs décennies à tester différentes prothèses, l’Italien de 65 ans fait aujourd’hui partie d’un projet qui a pour but de mieux comprendre les représentations neurales du membre fantôme dans le cerveau et d’utiliser ces informations pour créer des prothèses plus performantes.

Comment avez-vous organisé votre vie après avoir perdu votre main droite?

Marco Zambelli: Après avoir quitté mon apprentissage à la suite de l’accident, j’ai réintégré l’école et je suis devenu employé au sein d’un bureau d’études. Toutefois, cette amputation n’a pas représenté un problème social pour moi et j’ai tout de suite tourné la page en apprenant à utiliser ma main gauche pour toutes les tâches quotidiennes. Puisque j’ai appris à écrire avec la main gauche, je ne faisais plus attention à ma prothèse sur ma main droite. Elle est devenue une partie de mon corps.

Quelle a été votre prise en charge et quel type de prothèses avez-vous porté au cours de votre vie?

J’ai été pris en charge dans le centre de prothèses de Vigorso (province de Bologne), un pôle d’excellence aux niveaux italien et européen. L’institution nationale d’assurance pour les accidents du travail m’a assisté en mettant à ma disposition au fil des ans une quinzaine de prothèses, allant  de modèles purement esthétiques à des prothèses myoélectriques tri-digitales (fonctionnement à pince avec le pouce, l’index et le majeur actionnés par des contractions musculaires, ndlr). Elles ont toutes amélioré mon quotidien, mais leur fonctionnement ne ressemblait pas à celui d’une vraie main, car j’avais toujours besoin d’utiliser mon corps en appui. C’est pourquoi j’ai toujours vécu mon invalidité comme étant une question esthétique: ma prothèse me permettait de ressembler à tout le monde.

Depuis 2010, vous utilisez des prothèses dites polyarticulées. Quelles sont les différences avec les prothèses classiques?

Vigorso, en collaboration avec l’Istituto italiano di tecnologia (Institut italien des technologies), m’a proposé de participer à un essai de modèles polyarticulés (qui permettent au patient de bouger tous les cinq doigts, et à la prothèse de s’adapter à la forme des objets, ndlr). Depuis, il est possible pour moi d’utiliser les deux mains de manière de plus en plus naturelle pour accomplir les tâches quotidiennes, comme ouvrir avec précision un étui avec fermeture éclair.

De plus, en 2018, j’ai rencontré le Prof. Andrea Serino du CHUV. Sous sa supervision, une analyse poussée a été conduite sur le moignon, afin d’identifier les zones sensibles correspondant au pouce et au petit doigt, ce qui m’a permis d’avoir pour la première fois depuis l’amputation une sensation tactile sur le membre fantôme. Ce projet permettra peut-être à terme de réaliser des prothèses encore plus performantes en termes de sensibilité et de précision des mouvements. Maintenant, je peux rêver de la prothèse idéale: un outil activé directement par les commandes musculaires données naturellement par le cerveau.

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans In Vivo magazine (no 19).

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