- Largeur.com - https://largeur.com -

«Skam» et les autres mots de février 2020

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur notre usage des termes «skam», «annulation» et «maquillage».

Skam

Ce petit mot suédois ne vous est pas inconnu. Il signifie «honte». On l’a découvert dans «flygskam», ce néologisme destiné à susciter la honte de prendre l’avion, ce moyen de transport polluant. Depuis peu, on le retrouve accolé à «köp», avec le concept de «köpskam», ou «honte d’acheter», qui se focalise l’achat de vêtements et les préjudices portés par l’industrie de la mode sur la planète.

Nos innombrables «éco péchés» vont-ils alimenter autant de catégories de honte associée; une longue liste de vocables suédois se terminant par «skam»? La honte ne saurait constituer un levier efficace pour réorienter des comportements. Rien de tel pour démotiver et créer l’envie de descendre dans la rue pour revendiquer le droit d’avoir honte de ce dont nous voulons avoir honte. Mais en aucun cas de ce dont certains voudraient que nous ayons honte.

Comment dit-on «fier d’agir» en suédois?

Annulation

Pourquoi choisir en février déjà entre ski ou plage à Pâques? Réserver les deux options, attendre la dernière minute pour juger des conditions de neige et annuler la formule la moins attractive. Cette pratique désinvolte gagne du terrain.

Alors que sur les réseaux sociaux, on parle d’une «cancel culture», on relève sur le marché du voyage un recours abusif à l’annulation. Ce sont les arrangements «vol-hôtel-voiture de location» qui sont le plus touchés par des désistements. HRS Group, le premier portail hôtelier d’Europe enregistrerait un taux d’annulation de 66% alors que celui de Booking.com atteindrait 50%. Ces résultats d’une analyse menée par le groupe français Accor concernent 2018. Or 2019 a vu cette «annulationnite» s’aggraver encore, tant pour les réservations de vacances que pour les voyages d’affaires.

À relever que les contacts pris directement avec les hôtels échappent au phénomène. Les clients se sentiraient-ils davantage engagés face à des humains avec lesquels ils ont dialogué qu’envers des robots? Qu’en pensent les éthiciens?

Maquillage

Elle s’est installée en face de moi en gare de Soleure et est redescendue à Zurich. 18 ans en arrivant, 10 de plus en repartant. Entre les deux, une séance de maquillage: un volumineux beauty case sur les genoux, 50 minutes d’intense application de crèmes, poudres, mascara et la pose de faux cils. Pas un regard à l’entourage.

Emprunter matinalement le train permet d’observer régulièrement ce genre de scènes. Des pendulaires de la Génération Z se livrant à ce qui relevait jusqu’ici de l’intimité. Si leurs aînées osaient tout juste sortir leur rouge à lèvres, elles, ne camouflent plus les artifices de leur beauté.

Selfies et présence sur Instagram ont transformé leur visage en une carte de visite qui mérite d’importants investissements. Non seulement en temps. Une enquête britannique (menée par Vouchercodespro.co.uk) estime à 520 francs la valeur moyenne des cométiques possédés aujourd’hui par une jeune fille. Soit presque le double de ceux de sa mère.