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Quand le snowboard rencontre le militantisme

Championne du monde de snowboard freeride, Anne-Flore Marxer est aussi réalisatrice de documentaires et militante féministe. Rencontre.

Anne-Flore Marxer est à l’image de Lausanne: sportive, culturelle et militante. Multiple vainqueur au Championnat du monde de snowboard dans la catégorie freeride, la jeune trentenaire a mis entre parenthèses la compétition le temps de réaliser le documentaire «A Land Shaped By Women». Partie en retraite en Islande, pays qui se distingue dans l’égalité des genres, elle a saisi sa caméra afin de montrer la force féminine de l’île. Résultat? Son documentaire est déjà auréolé de 18 distinctions cinématographiques.

Quels sont vos premiers souvenirs du snowboard?

Anne-Flore Marxer: Tous les membres de ma famille sont des sportifs de haut niveau et des champions de ski. J’étais donc prédestinée aux sports d’hiver. En 1985, des températures extrêmement basses et un blizzard ont enseveli tout le canton de Vaud. Mes parents m’ont alors mise sur des skis pour la première fois à Préverenges. Maman m’a raconté que j’avais gardé un souvenir radieux de cette journée. J’ai continué à en pratiquer dans les alentours et notamment au Chalet-à-Gobet. C’est ici que tout a débuté.

Vous êtes devenue championne du monde de freeride en 2011 et avez remporté l’Xtreme de Verbier en 2011 et 2017. Comment se sent-on après de telles victoires?

Gagner à Verbier, presque à la maison, est une sensation unique. C’était une vraie fierté de m’imposer ici. Mais cette victoire, je la dois surtout à ma volonté de donner davantage de visibilité aux femmes dans les sports d’hiver.

Justement, comment évolue-t-on en tant que femme dans ce milieu?

C’est un sport jubilatoire et bénéfique, mais qui reste un bastion masculin en termes professionnels. Environ 40% des femmes pratiquent le snowboard et le ski en tant que loisir. Par contre, il est ensuite difficile d’en devenir une professionnelle, d’en vivre et de trouver le soutien financier nécessaire à une carrière sportive professionnelle. De plus, les contrats de sponsoring et les «prize money» féminins sont extrêmement bas et ne favorisent pas l’éclosion d’une sportive. Je me suis donné comme objectif de faire évoluer les mentalités, pour favoriser l’inclusion des femmes dans le sport aussi au niveau professionnel.

Ce combat se décline aussi dans votre récent film, intitulé «A Land Shaped By Women». Pourquoi avoir mis la compétition entre parenthèses au profit de la réalisation de ce documentaire?

Les différents combats pour favoriser l’égalité dans mon sport m’avaient fatiguée. J’avais donc besoin de trouver de l’inspiration et de la force. Je me suis alors intéressée à l’Islande et à sa journée «Sans les femmes» survenue en 1975 qui a abouti à l’élection de la première femme présidente en 1980. Comme un voyage initiatique, je suis alors partie en van y passer l’hiver, en immersion totale dans cette culture féministe positive. Avec l’objectif de rencontrer les Islandaises. En faire un film était la plus belle façon de retransmettre l’inspiration qu’elles m’avaient apportée. J’ai ensuite eu l’occasion de présenter le film dans environ 150 festivals, partout dans le monde, où il a remporté 18 récompenses. J’en suis extrêmement fière.

Quel est votre rapport à Lausanne?

J’y suis née, et j’y habite toujours, de même que ma famille. Pouvoir bénéficier à la fois de la proximité du lac et des montagnes est extrêmement important pour moi. La région se montre aussi particulièrement vivante en matière d’offre culturelle. Et lors de la grève des femmes du 14 juin, j’ai eu le plaisir de découvrir un autre visage de Lausanne et de ses habitantes. Voir ces revendications féministes, cette sororité et cette énergie positive étaient incroyables. J’aime dédier mon énergie aux rassemblements du comité de la Grève dans le collectif de Lausanne, entre autres, pour réclamer plus d’égalité dans les salaires, de respect et de valorisation.

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans The Lausanner (no4).