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Bowie confidentiel sur les pavés lausannois

David Bowie a laissé peu de traces de sa vie dans la capitale vaudoise, mais une myriade de souvenirs à ceux qui l’ont rencontré. Balade commentée.

Aux rares indiscrets qui l’abordaient dans les rues de Lausanne pour lui demander un autographe, David Bowie avait l’habitude de répondre simplement «I’m not David Bowie». L’artiste caméléon aimait se fondre dans la masse et rester incognito.

La fameuse discrétion suisse est précisément l’une des raisons pour lesquelles David Robert Jones, de son vrai nom, s’est établi à Blonay en 1976 avant de poser ses valises sur les hauts de la capitale vaudoise en 1982. C’est à cette date qu’il a acquis le Château du Signal, une splendide demeure de 14 pièces, située à deux pas du parc de Sauvabelin.

Il la mettra en vente quinze ans plus tard à la demande de sa seconde épouse, Iman. Le top-modèle d’origine somalienne et interprète de Ziggy Stardust se sont mariés en petit comité à l’Hôtel de Ville situé sur la place de la Palud en 1992. «J’ai été très ému par leur simplicité et la force des sentiments qui les unissait», se souvient Michel Perret, officier d’état civil à la retraite.

L’appréhension de voir débarquer un David Bowie aussi excentrique que sur les pochettes de ses albums a vite été balayée. «Je me rappelle d’un homme charmant et très souriant. Il était habillé comme un jeune cadre dynamique. Quant à Iman, j’ai été frappé par sa beauté solaire. Elle était si heureuse qu’elle m’a d’ailleurs fait la bise en partant.» C’est dans ce même esprit de simplicité que les jeunes mariés, accompagnés de leurs témoins et interprètes, ont trinqué à leur union au restaurant Le Raisin, situé en face de l’Hôtel de Ville.

Un Lausannois comme les autres

Entre deux tournées, l’artiste aux 140 millions de disques vendus dans le monde aimait flâner dans les rues lausannoises. Les habitants de la cité ont pu l’apercevoir au marché le samedi matin, en train de faire ses courses à Globus (l’Innovation à l’époque, ndlr) ou de choisir un filet de boeuf à la boucherie de Montelly.

Il comptait aussi parmi les clients réguliers du Sapri Shop, un magasin de disques aujourd’hui fermé. L’artiste anglais avait pour habitude d’y venir plusieurs fois par mois, casquette vissée sur la tête. Il repartait les bras chargés de disques après avoir fait le tour des bacs. Le chanteur a laissé le souvenir d’un homme discret, aux goûts musicaux éclectiques et faisant preuve de curiosité. «Il était une véritable éponge et s’imprégnait de ce qui l’entourait. Il enregistrait absolument tout», se remémore Luc Debraine, directeur du Musée suisse de l’appareil photographique à Vevey. Alors vendeur auxiliaire en parallèle à ses études, l’ancien journaliste se souvient, non sans fierté, lui avoir recommandé le disque du groupe écossais Big Country. «Bowie est reparti avec, c’était comme recevoir la médaille d’honneur», plaisante-t-il.

D’illustres amis

Son amour pour la musique, David Bowie le partageait aussi avec Claude Nobs chez qui il avait l’habitude de séjourner. C’est par ailleurs via le fondateur du Montreux Jazz Festival que The Thin White Duke s’est rapproché de l’ancien directeur de l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL) Pierre Keller, déjà rencontré à Londres en 1967. Les deux hommes avaient plusieurs passions communes, dont celles pour la peinture et le dessin. Avant d’occuper la fonction de directeur de l’école lausannoise d’art, Pierre Keller était enseignant en arts visuels au Gymnase du Bugnon.

En 1982, il invita son grand ami Bowie à un atelier créatif, à l’issue duquel il convia l’une de ses élèves à partager leur table au restaurant La Grappe d’Or. «Pierre Keller m’avait à la bonne», se souvient Élisabeth Laufer, âgée de 19 ans à l’époque. «Nous parlions beaucoup de musique et je le soupçonne de m’avoir présentée à David Bowie comme une pointure en la matière. Il a dû rapidement déchanter.»

De ce moment surréaliste, Élisabeth retient l’humour et l’extrême gentillesse de son hôte. «J’étais très nerveuse à l’idée de le rencontrer. Mais il m’a rapidement mise à l’aise en s’intéressant à moi et mes projets d’avenir. Et puis le vin coulait à flot, ça m’a certainement aidée à me détendre aussi.» La légende veut qu’une petite gravure signée David Bowie est exposée au sein du Gymnase du Bugnon. Mais comme son propriétaire, l’œuvre d’art reste discrète.

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans The Lausanner (no4).