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Les deux amies vont au lupanar

Alice Vinteuil, coiffeuse, nous raconte ici le cadeau que sa cliente Odile a offert à l’une de ses amies. Un présent encore plus coquin que prévu…

Le salon sent la fin d’année. On solde les rancoeurs, on boit un peu plus que de raison, on attend avec impatience que se termine cette saleté de 2001!

Certaines clientes hésitent encore sur leurs cadeaux de Noël. Certaines pensent qu’il vaudrait mieux ne pas trop dépenser, d’autres se disent que c’est peut-être la dernière fois qu’elles pourront choyer leurs aimés, alors….

C’est dans ce climat d’avant fêtes un peu sinistre qu’Odile a débarqué mardi après-midi au Salon. Elle portait des cuissardes en simili cuir, un blouson en tapis de salle de bain rose et une mini jupe à défier les pires pronostics météorologiques.

Elle n’avait pas franchi le seuil, qu’elle lançait à la cantonade: «Alice, il faut absolument que vous remplaciez mon postiche. Celui-ci perd tous ses poils! C’est beaucoup trop compromettant pour tous ces hommes mariés qui me courtisent!». Comme toujours, elle était surexcitée. Comme toujours, la plupart des clientes ont grimacé à son passage, jugeant probablement que cette fille aux tenues criardes n’avait pas sa place ici.

Moi, je l’aime bien Odile. Elle me fait rire. Chaque semaine, elle me raconte des histoires qui se sont produites dans sa boîte – elle travaille comme attachée de presse dans une grande maison de pub – ou ses dernières mésaventures amoureuses.

Elle met de la dérision en toute chose, mais aussi, paradoxalement, une certaine conviction, comme si le récit de ce qu’elle venait de vivre éclairait rétrospectivement ses comportements ou ses désirs.

Ce jour-là, elle me fit part de sa dernière découverte: l’Angels Fun House, un bordel situé à Leibstadt, dans le canton d’Argovie, réservé exclusivement aux femmes. Pour 150 francs vous avez un strip-tease personnalisé, pour 600 la totale. Six prostitués non professionnels y vendent leurs charmes. Il y a Gino qui n’embrasse pas, Max qui se flatte d’être endurant et Calvin qui fait tout du moment où ça lui plaît.

Pourquoi suis-je si bien informée, me demanderez-vous? Et bien parce que j’ai appris l’existence de cette maison close en lisant un article dans «Le Temps», puis un autre quelques jours plus tard dans «Le Monde».

– Alice, ma brave Alice, vous me connaissez! Quand j’ai su qu’un tel paradis existait en Suisse, j’ai immédiatement voulu en faire profiter mon amie, Nelly, une fille magnifique mais complètement coincée avec les garçons. Je voulais lui faire une surprise pour son anniversaire. J’ai donc réservé pour deux personnes – il n’y a pas de raison que je ne me montre pas solidaire – le week-end dernier.

Pour la convaincre, je lui ai fait croire que nous irions visiter deux expositions, l’une à Bâle et l’autre à Zurich. Et comme Leibstadt est à mi-chemin…Elle était folle de joie. Mais les choses ne se sont pas du tout passées comme je l’aurais imaginé.

Odile poursuivit son récit alors que je continuais à fixer son nouveau postiche, une grande queue de cheval à la Moiselle Jeanne, la copine de Gaston Lagaffe. Une coiffure très appropriée quand vous apprendrez l’immense maladresse dont elle fit preuve dans cette affaire.

Nelly ne se doutait de rien quand Odile sonna à la porte du chalet à trois étages illuminé par de petites lumières rouges. Un grand garçon balèze aux yeux candides vint leur ouvrir. Nelly imagina que c’était le réceptionniste d’une pension de famille.

Avec courtoisie, le jeune homme invita les deux femmes à le suivre pour visiter «cette caverne qui vous rendra baba», dit-il avec un fort accent alémanique. Nelly ne s’étonna pas outre mesure du clin d’oeil lancé par le jeune éphèbe à Odile. Elle savait son amie chaleureuse, un peu allumeuse aussi. «C’est un jeu, ma chérie, une sorte de parcours pisté au terme duquel tu trouveras ton cadeau. Derrière chaque porte, il y a un garçon. A toi de savoir déchiffrer le message», lui dit Odile pour la rassurer. Nelly, confiante, s’exécuta.

Elle ouvrit six portes, sans émotion particulière, tandis que son amie s’extasiait sur les muscles de Gino, le sourire adorable de Calvin ou le regard si intelligent de Philippe. Pendant ce temps, Nelly restait impassible.

Après avoir fait le tour du propriétaire, les deux femmes allèrent boire une coupe de champagne au bar. Odile essaya de sonder Nelly sur ses goûts. Elle n’obtint aucune réponse. Elle avait beau tourner autour du pot, Nelly semblait ne rien comprendre. Fatiguée de procéder par allusions, Odile demanda à son amie tout de go: «Lequel de ces merveilleux garçons préfères-tu? Je te l’offre pour la nuit. Tu pourras lui demander tout ce que tu veux!»

Les yeux de Nelly commencèrent à s’embuer. Une larme glissa sur sa joue. Dans un sanglot, elle finit par dire: «Je n’en veux point. Pas plus ceux-ci que les autres. Je n’aime pas les hommes. Ne comprends-tu pas, Odile, que c’est de toi que je suis amoureuse? Mon cadeau c’est toi. Je sais que tu as voulu me faire plaisir, mais je suis triste maintenant. Comment peux-tu me connaître aussi mal?»

Abasourdie par cette révélation, Odile ne trouva rien de mieux à dire que: «Mais ma chérie, ce n’est pas possible. Tu ne peux pas m’aimer, je suis une femme!» Nelly partit dans un immense éclat de rire. «Oui, et alors! Il n’est pas plus incongru de faire l’amour avec une femme que de coucher dans un chalet kitsch avec des culturistes amateurs et inconnus!»

Odile ne savait plus que faire. Même si elle mourrait d’envie de jouer avec ces jeunes éphèbes, elle ne pouvait pas décemment laisser son amie seule un soir d’anniversaire. Elle résolut d’annuler sa soirée et de dédommager les braves garçons avant d’aller manger avec son amie, en tête-à-tête comme elle le souhaitait.

Pendant le repas, des images de «Mulholland Drive», le film de David Lynch, revinrent dans la tête d’Odile. C’étaient les seules représentations qu’elle avait du monde lesbien. Elle n’en dit rien à Nelly. Ensemble, elles burent beaucoup, riant de ce qui s’était passé.

Le soir même, décidée à se faire pardonner et curieuse d’une expérience qu’elle n’avait encore jamais imaginée pour elle même, Odile accueillit son amie dans son lit.

– Et comment cela s’est-il passé? lui demandai-je.

– Honnêtement, Alice, je n’ai pas regretté ces beaux garçons. C’était la première fois, peut-être la dernière que je faisais l’amour avec une femme, mais c’était inoubliable. Et je peux vous jurer, chère Alice, que contrairement à ce que je pensais, Nelly est tout, tout, sauf une fille coincée.