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Lain, la fillette qui fascine les informaticiens

Elle s’appelle Lain (prononcez «Léin») Iwakura, elle a 14 ans et elle est devenue en quelques mois un personnage culte de la cyberculture mondiale, en particulier dans la communauté des informaticiens. Lain reste perplexe: elle a reçu un e-mail posthume d’une camarade de classe qui vient de se suicider.

C’est ainsi que commence la série «Serial Experiment Lain» que l’Europe découvre après le Japon et en Amérique. La jeune fillette entame alors une longue quête, qui se transformera en une interrogation philosophique.

Elle essaie de comprendre ses origines en naviguant entre le monde réel et un cybermonde baptisé «The Wired». On ne sait jamais précisément dans quel espace elle vit, car elle communique directement avec l’univers informatique, comme dans «Matrix», qu’elle a sans doute inspiré.

La complexité de son univers suscite des analyses infinies parmi les internautes. «Ses interrogations sont profondes, explique Lawrence Eng, étudiant américain qui a monté l’un des sites les plus complets sur la série. Sa quête a une dimension mystique. Chacun peut analyser ce voyage en fonction de sa propre vie.» Et l’on s’interroge: le père de Lain doit-il être comparé à Dieu et la jeune fille à Jésus? Que symbolise The Wired? Lain est-elle réelle? Qui l’a fabriquée?

Concrètement, Lain a d’abord été conçue pour un jeu PlayStation, mais son créateur, le scénariste de films d’horreur Chiaki J. Konaka, l’a rapidement intégrée dans une série télévisée destinée aux jeunes adultes.

Elle fait partie de la nouvelle vague manga, autant au niveau de son graphisme subtil que par l’intelligence de son scénario où les scènes de violence sont rares. «Le début de la série, avec ce message venu d’une enfant morte, est typique du genre, explique Chiaki J. Konaka au magazine HK. Mais, ensuite, nous sommes arrivés sur une tout autre idée qui se résume ainsi: «Et si le paradis était branché sur le réseau?»

Diffusée en 13 épisodes en 1998 sur une chaîne japonaise, la série a obtenu de nombreuses distinctions au Japon. Son exportation aux Etats-Unis en 1999, sous forme de vidéo et DVD, est passée inaperçue avant de trouver un formidable écho dans la communauté des ingénieurs informaticiens. «La dimension philosophique de la série fascine les développeurs, poursuit Lawrence Eng. Elle a rapidement acquis le statut d’icône de la cyberculture.»

Maladivement timide, voire autiste, Lain navigue surtout dans ses pensées et dans l’univers numérique, un peu comme les informaticiens perdus dans leurs lignes de codes. «Son succès est assez étonnant, analyse l’étudiant. Les informaticiens préfèrent généralement les filles violentes et sexy, genre Lara Croft.»

C’est que Lain maîtrise les outils: «Elle apprend à programmer en langage C à l’école ou lance des commandes en Lisp (n.d.l.r.: un langage complexe basé sur des règles de logique) à son téléphone mobile», détaille Frédéric Dubouchet, ingénieur lausannois passionné de la série.

Lain a été dessinée sur Macintosh, raison pour laquelle les références à Apple sont nombreuses. Le slogan de la marque, «Think Different», est répété à plusieurs reprises par la jeune héroïne.

Les 13 épisodes de Serial Experiment Lain ont été diffusés l’été dernier sur Canal Plus. Plusieurs chaînes européennes s’y intéressent, notamment en Italie.

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Cet article de Largeur.com a été publié le 16 décembre 2001 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.

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