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7. Où l’on constate que le commandant Moritz surveille aussi bien les invités que les non-invités

Septième épisode de notre feuilleton de politique-fiction. Ce récit présente le scénario catastrophe auquel le Forum de Davos a échappé de justesse en délocalisant sa prochaine édition à New York.

Dans la nuit qui précède le Forum de Davos, chacun se prépare. D’une part, le jeune Japonais, Tsutsui, monte au-dessus de la station pour s’attaquer à un relais des télécom. D’autre part, Max vom Pokk, conférencier invité, se retrouve au lit avec la directrice de l’hôtel. Et pendant ce temps-là, le commandant Moritz surveille ceux qui veulent perturber le Forum. Lire ici le début du récit.

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Chapitre 7.

– Voilà les résultats, chef. Ils sont rapides, ces Japonais, dit Ruth.

De nouveau il suffit au commandant Moritz de cliquer pour dérouler les vues anthropométriques de face et de profil du nommé Tsutsui, de père inconnu, et de mère décédée, Shizuko Tsutsui (1945-1998). Condamné pour meurtre sur la personne d’une dirigeante de la mafia japonaise. Etat civil, célibataire, un enfant, vit séparé de la mère, Vania vom Pokk, née à Lugano (Suisse) en 1960.

Ruth a complété les renseignements transmis par un double commentaire personnel. Un: Tsutsui a sans doute des raisons familiales de reconnaître Max vom Pokk dans la foule des participants. Deux: Tsutsui a passé une nuit cet été (le 8 août) à Davos (cf. fiche d’hôtel).

Ruth propose d’ouvrir une enquête. Le commandant Moritz n’est pas d’accord. Il est chargé de contrôler les flux. Si quelqu’un du dedans connaît quelqu’un du dehors, il faut que l’un et l’autre soient suspects avant de considérer cette donnée comme une menace.

Le contrôle des flux est, le commandant Moritz ne le dira jamais assez, le but de son travail. On n’a pas le temps de se faire plaisir avec des enquêtes, genre commissariat. On occupe le front, on ne travaille ni pour les juges ni pour les journalistes. On doit fonctionner comme des sismographes qui, dans le frémissement tectonique, détectent les tremblements à venir.

Conclusion: le commandant Moritz boit un verre de Coca light, déballe un autre Hollywood à la menthe et dit à Ruth de vérifier si le fichier de Schengen porte la trace de Max vom Pokk. Comme motif de la demande, Ruth donnera: menace contre les flux de capitaux.

Dès treize heures demain commence la manifestation contre le Forum. Le commandant Moritz a convoqué pour dix heures une séance de coordination qui servira à définir ce qu’on racontera à la presse vers onze heures. Il se lèvera donc à huit heures, après avoir dormi six heures.

D’ici peu, avant de descendre dans sa chambre, il fera quelques pas dans la nuit d’hiver. Il aime cet endroit presque autant que la haute Engadine, la vallée est plus étroite, a plus d’intimité. Il serrera la main de quelques hommes en uniformes qui montent la garde, ça fortifie leur motivation. Il marchera jusqu’à la Haute Promenade. Après ça, on dort mieux.

Arrivent sur son écran les renseignements sur Max vom Pokk. Edifiant! Soupçonné en 1975 d’avoir saboté le pavillon d’une centrale nucléaire. Mais depuis lors: Sans Comportement Subversif Connu.

Ce genre de type, le commandant Moritz est-il vraiment chargé de le protéger? Ou bien est-ce un infiltré, un voyou qui n’attend que l’occasion d’incendier le Centre des congrès?
S’ajoute le résultat des recherches personnelles de Ruth:

– Max vom Pokk est arrivé ce soir à La Montagne magique, prononcera demain une conférence intitulée «De Mai 1968 à Septembre 2001», est domicilié à New York, U.S.A. depuis 1983. Profession, architecte, partenaire associé du bureau MNOP.

Si c’est un infiltré, il cache bien son jeu.

(A suivre)

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Jusqu’au 30 janvier 2002, les épisodes de «Davos Terminus» sont publiés sur Largeur.com chaque lundi, mercredi et vendredi. Lire ici le huitième épisode.

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A la même cadence, «Davos Terminus» est publié en traduction anglaise par nos confrères new-yorkais d’Autonomedia.org et en allemand sur le site zurichois Paranoiacity.ch.