Quatrième épisode de notre feuilleton de politique-fiction. Ce récit présente le scénario-catastrophe auquel le Forum de Davos a échappé de justesse en délocalisant sa prochaine édition à New York.
Dans la nuit qui précède le Forum de Davos, un certain Tsutsui, repris de justice, veut faire sauter un relais de téléphonie mobile. De son côté, Max vom Pokk, invité au Forum se retrouve au lit avec la directrice de l’hôtel, la belle Frénésie. Lire ici le début du récit.
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Chapitre 4.
Max a juste le temps de se rincer la bouche qu’il entend la porte se refermer. Frénésie n’ose faire un pas, un peu essoufflée, vêtue d’un gros manteau d’hiver. Elle le retire lentement, s’explique:
– C’est que, avec toutes ces caméras dans le couloir, j’ai dû passer par le garage, me plaquer contre les murs, prendre l’escalier de service.
Oui, c’est assez cocasse, une directrice observée par son propre système de sécurité. Max la prend par la main, la fait asseoir sur le canapé, lui propose des fraises, un kiwi ou une orange, offerts, comme dit la carte signée de la main de Frénésie, par la Directrice de l’Hôtel de La Montagne magique.
Ils s’embrassent, elle se relève pour baisser les lumières, grâce à un interrupteur que Max n’avait pas remarqué. Ils échangent encore quelques phrases sur leurs carrières respectives, histoire de ne pas se retrouver trop soudain nus. Les questions se font de plus en plus intimes. Max retire ses chaussures, elle ses bottes de neige.
Elle l’appelle par son prénom. Il aurait préféré garder un peu de distance, aurait eu l’impression de pouvoir se reprendre, mais ce n’est plus possible.
Elle l’embrasse dans le cou, il caresse ses cheveux noirs. Elle veut savoir s’il est déjà venu à Davos. Il prend ses seins, elle défait sa cravate, passe la main dans sa chemise. Il lui raconte comment, à l’âge de six ans, il a passé six mois dans un sanatorium pour soigner son asthme. Son père était venu le trouver, l’avait aidé à rattraper les classes perdues, lui avait appris à écrire la lettre R. Aujourd’hui encore, Max le rend responsable de sa difficulté à écrire cette lettre à la même vitesse que les autres.
Frénésie veut savoir où Max habite à New York, un moyen simple de le situer sur l’échelle sociale. Elle s’amuse à tirer sa chemise de son pantalon. Il respire le parfum au ras de sa joue et passe un doigts derrière son soutien-gorge. Il lui demande son âge, puisque le sien, elle peut le vérifier sur la fiche d’hôtel. Elle dit simplement:
– Vingt ans de moins que toi.
Ce qu’il savait bien sûr, mais qui commence déjà à le gêner. Il a beau avoir aimé de nombreuses femmes, jamais encore… Il trouve cela plutôt bizarre, en tout cas lorsqu’on les voit en société, ces couples où l’homme a une génération de plus que la femme. Elle dit, comme on dit dans ces cas-là:
– Tu ne fais pas ton âge.
Frénésie veut encore savoir comment s’appelle son restaurant préféré à Manhattan. Soudain elle se dégage, se met debout pour mieux se déshabiller. Il s’y est mis aussi, à toute vitesse pour terminer le premier. Elle, au contraire, prend son temps et plie soigneusement chaque pièce de vêtement sur le canapé.
Il est déjà sous la couette bleue quand elle arrive enfin, toute noire, mais souriante, comme la pleine lune au-dessus de Harlem. Il n’ose pas lui dire qu’il n’a jamais, mais vraiment jamais, fait l’amour avec une Noire. Elle dit sans connaître sa pensée:
– Tu as des préservatifs?
Il ressort de sous la couette, repart jusqu’à la salle de bain, renverse sa trousse de toilette, en sort trois sachets plats à l’emballage rose, essaie de distinguer dans le miroir si son ventre n’est pas gonflé par les deux bières qu’il a bues tout à l’heure, pose les préservatifs sur la table de nuit, enlève sa montre pour ne pas la blesser, écarte le faisceau de la liseuse pour qu’aucun d’eux ne s’y brûle. Puis Max recommence avec Frénésie le jeu des baisers partout.
Sans en être conscients, ils ont changé de langue. Jusqu’à maintenant, ils se parlaient anglais et maintenant, c’est en allemand. Elle le parle avec un fort accent américain. Au début, c’est par jeu, mais maintenant c’est comme une langue secrète sous la couette. Wer bin ich, wer bist du? Ils continuent les présentations. Elle dit:
– Ça ne fait rien si tu as les mains froides, mais tu dois d’abord m’apprivoiser.
Il a sur la question une vue différente. Pour lui, c’est elle qui doit l’apprivoiser, car il est dans son hôtel, dans une situation qu’elle a choisie elle-même. Elle dit:
– Ce n’est pas moi qui t’ai embrassé dans l’ascenseur, je n’en reviens pas de ton culot.
Il fait valoir que même s’il a l’air d’avoir fait le premier pas, c’est qu’elle aussi….
– Pas du tout. Depuis exactement quatre ans et demi, je n’ai plus été dans le lit d’un homme. Je n’ai plus couché avec personne. Et voilà Max vom Pokk, sûr de lui et de mes sentiments, qui m’embrasse. A froid. D’abord sur le front, puis pile sur la bouche. Et maintenant tu viens me dire que j’étais d’accord… J’ai même pensé que tu avais trop bu, que tu ne savais pas ce que tu faisais.
Il ne sait pas si elle dit vrai. Mais en tout cas ce n’est pas lui qui a proposé de venir la rejoindre dans sa chambre.
(A suivre)
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Jusqu’au 30 janvier 2002, les épisodes de «Davos Terminus» seront publiés sur Largeur.com chaque lundi, mercredi et vendredi.Lire ici le cinquième épisode.
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A la même cadence, «Davos Terminus» sera publié en traduction anglaise sur le site new-yorkais Autonomedia.org.
