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Trois minutes chrono pour rencontrer l’âme soeur

A Manhattan, des soirées d’un nouveau genre permettent aux célibataires de faire un maximum de rencontres en un minimum de temps. Le 11 septembre n’a pas changé leurs habitudes, au contraire.

Cela se passait au début de septembre, quelques jours avant le 11. Ma curiosité m’avait entraînée dans une soirée de célibataires au concept novateur. Hurrydate Party, c’est son nom, propose des rencontres multiples et minutées aux personnes en quête de l’âme soeur. J’avais envie de découvrir le dernier truc à la mode des marieurs professionnels. Trois minutes pour faire connaissance.

Je m’étais franchement amusée. Et puis, l’actualité m’avait fait oublier Hurrydate.

C’est par curiosité que j’y suis retournée mercredi. Pour savoir si l’attentat du World Trade Center avait modifié les habitudes des «singles» new-yorkais qui disent avoir plus de mal à assumer leur état civil depuis les attentats.

En arrivant devant le Belmondo, sur l’avenue B, je me suis surprise à apprécier le retour à une certaine normalité. La foule bigarrée était au moins aussi nombreuse que le mois précédent.

Des dizaines de participants, entre 25 et 35 ans, patientaient, assez nerveusement pour certains, devant l’hôtesse qui vérifiait nom, prénom et adresse e-mail de chacun. «J’ai besoin de l’e-mail, pour que nous puissions vous avertir si vous avez réussi un match.» Ce n’est que lorsqu’ils recevront le kit d’information que les participants comprendront vraiment le déroulement de ces tête-à-tête particuliers.

Désirée, 23 ans, une jolie métisse portant jupe violette et bustier noir, nous explique, assise devant une table portant la lettre D, qu’elle verra défiler 25 garçons pendant la soirée. «Nous avons trois minutes pour faire connaissance, ensuite nous devons cocher sur nos feuilles oui ou non en face du numéro de la personne, pour dire si nous avons envie ou pas de la revoir. Si nous disons les deux oui, les organisateurs nous contacterons dans un ou deux jours.» Archisimple, non?

A ses côtés, Carole, 26 ans, d’origine française, rit des questions agrafées au formulaire. «Si on est en panne pendant l’entretien, on peut toujours se rabattre sur leur questionnaire.» Genre? «Avez-vous peur des fantômes? Aimeriez-vous être célèbre?» Carole se marre. Mais elle se raccrochera plus d’une fois à sa liste pendant la soirée.

Larry, 34 ans, a entendu parler de la soirée par un ami. «Je m’étais inscrit avant le WTC. Ensuite, j’ai hésité à venir. Et puis je me suis dit qu’après tout, la vie continue.» Gil, 35 ans, pense comme lui. «Je connais des gens qui bossaient au WTC, dont un gars avec qui j’ai travaillé pendant cinq ans, mais je dois aller de l’avant.»

Pour Claire, 29 ans, le WTC a même été un élément de motivation. «Je ne l’aurais pas fait avant. Mais là, plus que jamais, je me dis que la vie est courte. Alors si Hurrydate peut m’aider à rencontrer quelqu’un…»

A 19 heures, Ken, marieur en chef et organisateur de ces joutes sentimentales, lance un premier coup de sifflet. «Vous avez trois minutes. Au prochain coup de sifflet, les garçons passent à la table suivante dans l’ordre alphabétique, les filles restent où elles sont.» Les conversations sont étouffées sous un fonds sonore garantissant un minimum d’intimité.

Les cinquante premiers couples se prêtent au jeu pendant que les cinquante suivants (car il y aura deux rounds) observent, médusés. «Franchement, j’hésite à rester», commente Devin, 33 ans, un brin nerveux. Son compagnon de bar, Jason, 28 ans, l’encourage: «Allez, pour des mecs comme nous, c’est peut-être bien.» Je ne peux m’empêcher de leur demander: «Des mecs comme vous?»

«Ben, oui, on n’est pas le genre aggressif qu’une fille remarque immédiatement dans un club», explique Jason, un grand blond, costard-cravate. «Pas genre latin lover, quoi», renchérit Devin. Mon intrusion lui fera oublier son intention première. Le second round commence. Jason et Devin prennent place chacun en face d’une partenaire potentielle.

«Bonjour, je suis Jason»

«Salut, moi c’est Nancy, répond la jeune femme aux cheveux bruns courts. Tu viens d’où?»

Jason: «J’ai grandi sur la côte ouest à Portland, et toi?»

Nancy: «Moi je suis de Montréal. Je suis avocate. Et toi, tu fais quoi dans la vie?»

Jason: «Je suis éboueur.»

Consternation chez la jeune femme. Jason éclate de rire: «Non, je suis conseiller technique chez JP Morgan.»

Nancy: «Mais qu’est-ce que tu fais là?»

Jason: «Ben, si une femme me….»

Coup de sifflet, la conversation s’interrompt. «C’est quoi ton numéro?» lance encore Jason. «Le 44».

Nancy reste à sa place, Jason file à la table suivante où il retrouve Nedda, une jolie indienne aux cheveux noirs très longs et aux rondeurs généreuses. Nancy décide qu’elle ne veut pas le revoir. Jason nous avoue qu’il hésite lui aussi: «C’était un peu froid.»

Ken, célibataire et heureux de l’être, virevolte d’une table à l’autre. Le succès de ses soirées se confirme, malgré les attentats du 11 septembre. «Pendant les deux premières semaines, tout tournait au ralenti. Ensuite, les inscriptions ont commencé à rentrer, à un rythme soutenu. Ce doit être le contre-effet. Les gens ont doublement besoin de sortir, de faire des rencontres.»

A l’origine, il avait imaginé le concept Hurrydate avec son amie Adèle, pour le fun. Ils en ont rapidement fait un business, et sont aujourd’hui actifs dans huit villes américaines. Ils vont s’attaquer à l’Europe dès la fin de l’année. A Londres d’abord. Suivront la France et l’Allemagne.

Debbie, qui a fait le déplacement de la capitale britannique, va organiser la première Hurrydate Party sur les bords de la Tamise cet hiver. «Il faudra revoir les détails, les Anglais sont plus réservés. Nous limiterons peut-être les rencontres à une dizaine.»

Ken n’est pas étonné de l’audience de ses soirées: «Nous vivons dans un monde, une ville où tout va de plus en plus vite, les gens n’ont plus le temps de rien, même pas de se rencontrer. Là, en un soir, on vous propose de rencontrer 25 filles ou 25 gars. Et même si ça ne marche pas, vous êtes certains de passer une bonne soirée, en tous les cas
différente.»

Jason fait partie des convaincus. Malgré les 24 dollars (40 francs suisses) déboursés pour être de la liste des élus ce soir-là. Trois jours après l’événement, il me rappelle pour me dire qu’il a fait deux «paires». «Je suis ravi et j’y retourne le mois prochain. Là, je vais écrire aux deux filles qui m’ont choisi, on verra ce que ça donne.»

Devin, lui, joue les déçus: «Je n’ai que trois matches», m’écrit-t-il dans un e-mail. Quand on sait que la moyenne de ces soirées est précisément de trois matches, il s’en sort plutôt bien. C’est ce que je le lui ai écrit. Il ne m’a pas répondu depuis.