Pressé par Washington après les attentats du 11 septembre, le premier ministre israélien se montre plus rigide que jamais. Il refuse de relancer les négociations avec les Palestiniens.
Lundi 24 septembre, Ariel Sharon, le premier ministre israélien, a une fois de plus bloqué tout redémarrage des négociations israélo-palestiniennes en interdisant à son ministre des Affaires étrangères, Shimon Peres, de rencontrer Yasser Arafat, le président de l’Autorité palestinienne.
Etant donné que Sharon subit depuis le 11 septembre de vives pressions américaines pour relancer enfin le processus de paix, cet entêtement à repousser tout contact avec les Palestiniens peut paraître surprenant. Il l’est moins si l’on sait que de tous les politiciens israéliens, Sharon, âgé aujourd’hui de 73 ans, demeure le plus incontrôlable (pour les Américains) et le plus imprévisible (pour ses concitoyens).
Emaillée de hauts et de bas, sa carrière militaire, puis politique, en témoigne. Ariel Sharon s’engage dans ce qui allait devenir l’armée israélienne à 14 ans. Il a vingt ans en 1948 lors de la guerre d’indépendance. Il est grièvement blessé en participant aux combats pour dégager Jérusalem encerclée par les armées arabes.
Trois ans plus tard, il commence sa vie de baroudeur en étant chargé de former l’Unité 101, ensemble de troupes spéciales chargées des représailles après les raids palestiniens.
En 1954, son commando massacre 69 personnes, en majorité des femmes et des enfants, dans un village jordanien. L’action suscite un scandale international, l’ONU condamne. Mais Sharon poursuit son action. Sa réputation est faite et il n’entreprendra jamais rien pour changer d’orientation. Pour lui, les Palestiniens sont des étrangers aux Pays d’Israël (Eretz Israël) et il les traite comme tels. A la trique.
C’est Sharon qui inaugure au début des années 70 la répression dans les territoires conquis en 1967 et occupés par Israël. C’est encore lui qui en 1982, laissera faire (bel euphémisme!) les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila à Beyrouth. Cet extrémisme ne nuit pas à sa carrière politique: depuis 1977, date de son entrée dans le cabinet Begin, il n’a pas cessé de siéger au gouvernement dans les fonctions les plus diverses, de l’Agriculture au Affaires étrangères ou à la Défense. Avec un seul but: empêcher toute paix qui provoquerait un retrait israélien des territoires occupés. Pour Sharon, les frontières d’Israël sont tracées par le Litani au nord et par le Jourdain à l’est. Il ne le dit pas ouvertement, mais il le prouve sur le terrain.
Arrivé au sommet du pouvoir en surfant sur la vague de rejet de la seconde Intifada, celle qu’il a lui-même provoquée en septembre dernier en allant parader sur la place des Mosquées, il n’a pas varié depuis dans son dessein.
Aujourd’hui, après les attentats du 11 septembre, il se trouve dans une situation paradoxale. Homme de pointe de la lutte anti-arabe, il devrait jouir du soutien inconditionnel de Washington. Or il n’en est rien: l’administration Bush fait son possible pour le freiner et l’amener à plus de souplesse envers Arafat.
Premièrement parce que l’enjeu de la crise déclenchée par les attentats dépasse de loin la simple question judéo-arabe. C’est tout l’édifice américain patiemment construit depuis cinquante ans sur les ruines de l’empire ottoman et de la colonisation britannique qui risque de s’effondrer.
Deuxièmement parce que le Pentagone, face au risque de conflagration générale, ne peut s’offrir le luxe de laisser la bride sur le cou à un boutefeu prêt au pire dans le seul espoir de jeter les Palestiniens de l’autre côté du Jourdain.
Mais Ariel Sharon a le temps pour lui. Qui peut dire quelle sera la configuration politique du Proche-Orient dans six mois ou dans un an ? Il va laisser traîner les choses, se faire tirer l’oreille, tout en se positionnant pour, au moment opportun, réaliser le rêve de sa vie : agrandir une fois de plus l’espace israélien.
