TECHNOPHILE

Les Napstériens affichent une santé insolente

Pendant le mois d’août, plus de 3 milliards de chansons et de films ont circulé illégalement sur les communautés en ligne. Au mieux de sa forme, Napster n’était jamais allé si loin.

Personne n’a cru que la mort de Napster allait mettre fin à la musique gratuite sur internet. Surtout pas Largeur.com, qui présentait les alternatives à la plate-forme d’échange dès le lendemain de son enterrement solennel. Mais les chiffres qui viennent de paraître vont encore bien au-delà de ce que l’on pouvait espérer.

Durant le mois d’août, sur les quatre systèmes les plus populaires, les internautes se sont échangés trois milliards de fichiers, la grande majorité illégalement puisqu’il s’agissait de musique, d’images ou de films protégés par copyright.

Au total, les réseaux FastTrack, AudioGalaxy, iMesh et Gnutella ont été utilisés pour télécharger 3,05 milliards de fichiers, selon l’institut californien Webnoize. En février 2001, au sommet de sa notoriété, Napster totalisait «seulement» 2,79 milliards d’échanges. Le piratage de fichiers ne s’est donc jamais aussi bien porté, malgré les efforts judiciaires des «majors».

Selon Matt Bailey, de l’institut Webnoize, «les nouveaux systèmes qui ont pris la place de Napster sont plus faciles à utiliser et permettent aussi aux usagers de télécharger des films et des logiciels de manière beaucoup plus fiable. D’où une croissance rapide des nouvelles plate-forme.»

Le système FastTrack, développé en Hollande, est devenu en quelques mois le réseau le plus populaire pour échanger de la musique et des images sur le Net. Légalement, Fasttrack n’a aucun problème avec les droits d’auteur: l’entreprise hollandaise commercialise seulement la technologie permettant d’échanger des fichiers entre des ordinateurs. Ce sont les clients de FastTrack – les entreprises qui exploitent cette technologie et encouragent les internautes à échanger de la musique et des vidéos – qui sont potentiellement en ligne de mire.

Parmi ces entreprises, on trouve MusicCity (et son logiciel Morpheus), Kazaa et Grokster.

Selon Webnoize, les logiciels du réseau FastTrack totalisaient 970 millions de téléchargements en août 2001. En deuxième place (910 millions) on trouve l’excellent AudioGalaxy, qui bénéficie depuis peu d’une interface encore plus performante. L’israélien iMesh (640 millions) et le réseau réparti Gnutella (exploité notamment par les logiciels LimeWire ou BearShare), sur lequel ont circulé 540 millions de fichiers, ferment la marche. WinMX, sur le réseau OpenNap (le même protocole que Napster), défend encore sa place (pour combien de temps?).

Plus loin dans la liste, on trouve de très honorable logiciels dont Edonkey, particulièrement performant pour télécharger des films ou des clips. Aimster a perdu du terrain, mais reste l’un des rares choix pour les utilisateurs de Macintosh, décidément mal lotis en matière d’échanges de fichiers multimédia.

Selon Webnoize, la rentrée s’annonce sauvage: «Tous ces réseaux vont croître de manière impressionnante dans les mois qui viennent, dopés par leurs utilisateurs les plus actifs, les étudiants, estime Matt Bailey, qui a conduit l’étude. Dans les écoles et les facultés, les jeunes bénéficient d’un accès facile, illimité et rapide à internet ainsi que d’une capacité quasi infinie de stockage des données. De plus, dans l’environnement scolaire, ils s’échangent rapidement des conseils d’utilisation des nouveaux systèmes.»

En plus de ces communautés d’échanges de fichiers, l’été a vu apparaître de très nombreux sites illégaux sur lesquels on peut télécharger des albums entiers d’artistes récents. Avantage: pas besoin de logiciel particulier à installer (et ça fonctionne donc aussi sur Mac). Le nouveau stagiaire de Largeur.com suggère ainsi notamment les adresses suivantes: MP3sound, MP3-2000 ou AudioFind.

«La musique reste le secteur dominant, mais l’échange de films se développe rapidement, notamment parce que certains titres apparaissent sur internet avant d’arriver dans les salles», commente encore Matt Bailey.

L’industrie audiovisuelle pourra-t-elle réagir aujourd’hui comme elle l’a fait avec Napster? «L’approche judiciaire a été un échec total, répond l’analyste. Il a fallu 15 mois et des dizaines de millions de dollars aux majors pour boucler Napster. Six mois plus tard, les consommateurs peuvent télécharger plus de contenu multimédia que jamais. Par ailleurs, les nouveaux réseaux seront beaucoup plus difficile à couper. Par exemple, FastTrack est tellement décentralisé qu’il n’y a aucun moyen technique d’arrêter les données qui y circulent.»