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Crozemarie: une piscine avec l’argent du cancer

Une piscine, des voitures de fonction, des domestiques et des maîtresses… L’ex-président de l’ARC (Assocation pour la recherche sur le cancer) est accusé d’avoir détourné l’argent destiné à la recherche.

On l’a vu des dizaines de fois à la télévision. Il apparaissait dans un spot publicitaire de l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC), dont il était le président. Avec toute l’autorité que lui conférait sa blouse blanche, Jacques Crozemarie fixait les téléspectateurs dans les yeux en leur ordonnant d’envoyer de l’argent: «Donnez pour la recherche sur le cancer, rejoignez l’ARC!»

On imagine les familles modestes qui, émues par l’urgence de l’appel, ont envoyé leurs économies à l’association dirigée par Jacques Crozemarie. On imagine tous ces sacrifices financiers effectués pour la bonne cause, ces gestes de solidarité, de confiance et d’espoir.

On imagine aussi la colère de ces familles qui apprennent aujourd’hui que des centaines de millions de francs provenant de dons auraient été détournés par l’homme en blouse blanche, pour financer sa piscine privée (FF. 445’000.-), son matériel vidéo sophistiqué (FF. 250’000.-), la climatisation de l’une de ses villas (FF. 460’000.-), sans oublier l’aménagement de son appartement à Villejuif (FF. 1,2 million), ses voitures de fonction, ses voyages en avion, ainsi que les salaires de ses domestiques et de ses maîtresses.

Ce sont au moins 300 millions de francs français qui ont été détournés. Toutes les dépenses mentionnées ci-dessus figurent dans l’acte d’accusation de Jacques Crozemarie, dont le procès s’est ouvert lundi à Paris.

La méthode de détournement paraît à la fois simple dans son principe et très complexe dans son application: en résumé, Crozemarie confiait ses campagnes de communication à la firme International Development, qui surfacturait ses services et reversait aussitôt des salaires indus à la société du patron de l’ARC.

Le système mis en place par Crozemarie fonctionnait à merveille depuis des années: les structures de l’ARC avaient si bien été verrouillées que ni l’Etat, ni les chercheurs n’ont tiré la sonnette d’alarme. Quelques employés avaient bien tenté de dénoncer des irrégularité dans la gestion de l’association, mais à chaque fois, Crozemarie s’offusquait et réussissait discrètement à refermer le couvercle.

Il faudra attendre un rapport accablant de la Cour des comptes, en 1996, pour que Jacques Crozemarie daigne démissionner. Ce rapport indiquait que seuls 26% des dons pour la recherche parvenaient effectivement aux scientifiques.

Aujourd’hui, l’ex-patron de l’ARC risque jusqu’à cinq ans de prison et 2,5 millions de francs français d’amende. Mais il n’est pas sûr qu’il assiste à son procès: ses avocats le disent très affaibli. Aux dernières nouvelles, il a d’ailleurs été hospitalisé suite à un malaise.

Le grand public sait désormais que les blouses blanches portées par Jacques Crozemarie dans ses spots télévisés n’étaient qu’un déguisement de circonstance: le patron de l’ARC n’a jamais été médecin. Titulaire d’un diplôme d’ingénieur en radio-électricité, il était parvenu, grâce à son culot phénoménal, à contrôler tous les rouages de la principale association faisant appel à la générosité des Français.

Depuis la révélation du scandale, les fonds récoltés par l’ARC ont chuté des deux tiers.