- Largeur.com - https://largeur.com -

Les «bushisms» qui trahissent George W.

«Bushism: erreur de syntaxe ou de grammaire du 43e président des Etats-Unis, George W. Bush.» Ainsi pourrait être libellée la définition de ce néologisme entré récemment dans le langage des Américains.

Le mot «bushism» a été inventé par Jacob Weisberg, éditorialiste à Slate.com, qui a dressé et publié l’inventaire des barbarismes infligés à la langue anglaise par le nouveau locataire de la Maison Blanche.

On savait que George W. Bush appelait «Gréciens» les habitants de la Grèce. On sait maintenant qu’il mélange les pluriels et les singuliers («Is our children learning?», «Est-ce que nos enfants apprend?») et qu’il a tendance à confondre les mots aux sonorités voisines (il a dit «hostile» à la place d’«otage»).

On pourrait multiplier les exemples. Les bushisms sont si fréquents dans les discours présidentiels qu’ils commencent à intéresser les scientifiques. Ces accidents langagiers révèlent-ils la personnalité intime de l’homme le plus puissant de la planète ? Et si oui, quelles conclusions peut-on en tirer?

Mark Crispin Miller, professeur en sciences de la communication à la New York University, est l’un de ces chercheurs spécialisés en bushism. Je l’ai rencontré récemment, à l’occasion de la sortie de son livre, «The Bush Dyslexicon: A National Disorder».

Son verdict? Ces lapsus ne devraient pas faire rire, ils devraient faire peur. Ils sont particulièrement grossiers lorsque le président manque de sincérité, le plus souvent quand il tente de faire preuve de compassion envers les moins bien lotis de la société.

Mark Crispin Miller cite cet exemple relevé lors de la campagne dans le New Hamsphire. «Je sais qu’il est dur de mettre de la nourriture sur la famille»* (au lieu de «sur la table»), affirmait Bush dans un meeting élecoral. Et la foule d’éclater de rire.

«On ne devrait pas rire de cela», dit Miller, pour qui ce lapsus n’est que la manifestation de la mauvaise foi du président. Dans la même veine, le chercheur cite cet autre passage d’un discours récent: «En tant que président qui déclare qu’il n’y a pas de place dans le racisme, cela commence en disant qu’il n’y pas de place pour le racisme en Amérique.»**

A l’inverse, Miller note que «quand Bush parle de choses auxquelles il croit, son élocution est parfaite». Et de citer cette tirade extraite du second débat électoral qui l’opposait à Al Gore, à propos de la peine de mort:

«Nous avons une telle loi au Texas (contre les crimes haineux), et vous savez quoi? Les trois hommes qui ont tué James Byrd (un Noir lynché par trois hommes blancs en juin 1998), devinez ce qui va leur arrriver? Ils seront mis à mort. Un jury les a inculpés, et ce sera difficile de les punir plus sévèrement que par la mort. C’est une cause juste, c’est une décision juste.»***

Mark Crispin Miller regrette que les écarts de langage de Bush n’aient pas été pris plus au sérieux pendant la campagne: «D’avoir fait de Bush un Prince idiot lui a finalement servi», dit-il. Car s’il ne fait aucun doute pour lui que Bush est un inculte, il n’est pas un imbécile pour autant. «Il fait preuve d’une sagacité étonnante lorsqu’il s’agit de politique et surtout de politique négative.» En fait, Bush a été sous-estimé, et cela lui a servi pendant la campagne.

La télévision a ensuite fait le reste. Parce qu’elle avait pris en grippe Al Gore, candidat trop sérieux, trop pointilleux, pas assez télégénique, elle s’est automatiquement entichée de son adversaire, «maladroit souvent, voire incohérent mais qui a eu le mérite de répéter inlassablement des slogans, soit la forme de langage la plus adéquate pour la télévision».

L’analyse de Miller, même si elle très orientée politiquement (il a voté pour l’écologiste Ralph Nader), a le mérite de soulever des questions qui, jusqu’ici, ont rarement dépassé le stade de l’anecdote. Ses longues retranscriptions d’interviews et de discours, truffés maladresses et de non-sens, ont de quoi laisser songeurs les plus convaincus des Républicains.

——-
*«I understand and know how hard it is to put food on your family.»

**«In terms of being a president that says there’s no place in racism, it starts with saying there’s no place for racism in America.»

***«We have got one in Texas – and guess what? The three man who murdered James Byrd. Guess what’s going to happen to them. They’re going to be put to death. A jury found them guilty, and it’s going to be hard to punish them any worse after they get put to death. And it’s the right cause, so it’s the right decision.»