TECHNOPHILE

Enfin quelqu’un au bout de la souris

Le moteur de recherche WebHelp offre un contact gratuit avec des assistantes roumaines ou mauriciennes qui répondent à toutes vos questions. Il vient de décrocher 17 millions de francs pour son développement. Interview de son directeur général.

A chaque fois que je donne mon cours de Recherche sur internet, c’est le clou de la matinée: WebHelp, «le premier moteur de recherche à assistance humaine».

Le concept est aussi vieux que le 111: l’internaute pose sa question, et une opératrice (c’est souvent une femme) va effectuer une recherche sur le Net pour trouver la réponse et l’envoyer sous la forme d’un lien. Une fenêtre de messagerie instantanée permet de dialoguer avec l’assistante pour préciser et détailler sa recherche:

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Question: Qui est le président du Botswana?

Cécile: Soyez le bienvenu chez Webhelp.fr, Gabriel. Veuillez patienter pendant que j’effectue votre recherche.

Cécile: J’ai trouvé un site qui pourrait vous intéresser. Je vous l’envoie tout de suite.

(Le site Quid.fr apparaît dans la fenêtre.)

Cécile: Je vous invite à consulter la rubrique «Chef de l’État», Gabriel.

(Le nom du président (Festus Mogae) est inscrit.)

Cécile: Qu’en pensez-vous? Ce site répond-il à votre question?

Gabriel: Est-ce une source récente? C’est le dernier président?

Cécile: Oui, Gabriel. Si vous le souhaitez, je peux vous envoyer un autre site pour confirmer l’information.

Gabriel: Volontiers.

(Un autre site apparaît dans la fenêtre avec la date de l’élection de Festus Mogae.)

Cécile: Merci de consulter la rubrique «Politique», Gabriel.

Gabriel: Parfait. Merci, Cécile.

Cécile: Merci de votre intérêt pour ma réponse, Gabriel. N’oubliez pas que nous sommes à votre disposition 24/24, 7/7 aussi souvent que vous le souhaiterez.

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Ce moteur humain gratuit a été lancé en septembre 2000 en France. Le concept et la technologie ont été hérités d’une firme canadienne – qui porte le même nom – puis adapté et commercialisé en France par deux jeunes entrepreneurs.

La société WebHelp France est détenue à 20% par WebHelp Inc. (Canada), et à 28% par Europ@Web, le fonds technologique du groupe de Bernard Arnault. Le reste appartient à des privés, aux dirigeants et aux employés. La société vient de lever 70 millions de francs français (soit 17 millions de francs suisses) de ses investisseurs. Comment gagne-t-elle de l’argent? Nous avons intérrogé Olivier Duha, son directeur général.

Comment fonctionne WebHelp?

Nous avons une équipe de chercheurs, que nous appelons les «webwizards» et qui sont spécialement formés pour répondre aux questions des usagers. En premier lieu, ils profitent de l’expérience accumulée et recherchent dans la base des questions déjà posées. Ensuite, ils utilisent les moteurs de recherche classiques du Web dont ils connaissent toutes les subtilités.

Les webwizards répondent-ils vraiment à toutes les questions?

Nous excluons bien sûr les demandes à caractère pornographique ou raciste. Nous fournissons un service professionnel de recherche et nous nous limitons à cela. Nos wizards ont pour instruction stricte de couper court à toute discussion privée du genre «Qui êtes-vous?», «Etes-vous libre ce soir?», etc.

Combien sont-ils et où travaillent-ils?

Nous employons 120 webwizards qui sont localisés d’une part sur l’Ile Maurice et, pour la plupart, en Roumanie, pour des raisons de coût. Les deux tiers sont des femmes, car elles sont généralement plus douées pour les langues, surtout les Roumaines qui se débrouillent très bien en français écrit. Il est très difficile de délocaliser un Call Center téléphonique car l’usager remarque immédiatement un accent roumain, africain ou marocain. Par contre, avec l’interface textuelle, nous n’avons pas ce problème. Pour ces raisons, un système d’assistance en ligne comme le nôtre coûte trois fois moins cher qu’un centre téléphonique. Nos employés sont formés sur place. WebHelp emploie par ailleurs une trentaine de personnes à Paris.

Pourquoi croyez-vous au modèle humain sur internet?

Internet reste un environnement trop compliqué. Une très large majorité des usagers du réseau a besoin d’aide. Il existe des quantités d’études qui démontrent que le frein principal au commerce électronique vient du manque d’assistance humaine dans les transactions. Les clients veulent avoir des informations sur la livraison, les réductions de prix, les produits, la sécurité, etc. Le courrier électronique permet de répondre à ces questions, mais le délai d’attente est imprévisible. L’interaction par messagerie en direct («chat») apporte une solution élégante et bon marché. Par exemple, nous avons installé un tel système d’assistance en direct sur le site de la boutique «Du Pareil Au Même», qui vend des produits pour enfants. Depuis, les ventes ont été multipliées par quatre!

D’où tirez-vous votre revenu?

En intégrant notre système de messagerie en direct à des sites commerciaux comme celui de cette boutique. Nous fournissons clé en main des systèmes d’assistance en ligne. Nous formons ensuite notre personnel pour répondre aux questions. Nous installons notamment notre solution sur le site du Club Med ou sur celui de la librairie Bol.fr. Notre métier s’est déplacé vers la gestion des relations clients. Le moteur de recherche n’est qu’une vitrine, notre seule activité directement tournée vers l’internaute. Nous ne faisons aucune promotion pour l’adresse WebHelp – le bouche à oreille suffit – qui ne rapporte que peu d’argent avec la publicité. Cette année, 70% des revenus proviendront de la vente de prestations de services à d’autres sites. Nous pensons générer un chiffre d’affaire de 20 millions de francs français (5 millions de francs suisses, ndlr) en 2001.

Et la suite?

Nous lançons un système d’assistance pour les téléphones mobiles avec Orange (filiale de France Télécom). L’usager pose sa question à un serveur vocal, du genre «Quel est le chemin le plus court pour me rendre à tel endroit, compte tenu du trafic?» ou «Qui a gagné à Wimbledon?». La question est transmise numériquement par internet à notre centre d’assistance. Là, un webwizard va chercher la réponse sur un site WAP et envoyer l’adresse sur le téléphone de l’usager.