Ce mot, aujourd’hui, contamine tout ce qui est à la mode: «trash». Peut-on risquer une hypothèse à ce sujet? Voici Gallaz.
C’est «à la trash» qu’il faut désormais décoder la civilisation moderne. Cet équivalent anglo-saxon des «ordures» et de la «poubelle» contamine en effet tout ce qui relève aujourd’hui de la mode (terme dont on notera qu’avant de désigner des «goûts collectifs» et des «attitudes passagères», il signifiait, voici trois siècles et davantage, une «manière individuelle de vivre, d’agir ou de penser»: la grégarisation, vieille affaire!): TV-trash, pochettes, chaussures trash, sacs à main trash ou musique «trash» – tout n’est plus donc que ça, du banal quotidien jusqu’au produit manufacturé le plus chic, et subséquemment jusqu’au plus cher.
Risquons une hypothèse, d’ordre psychologique et sociologique, susceptible d’éclairer le phénomène. Ce qu’il y a de touchant, lorsqu’on observe les jeunes générations du monde dit occidental, c’est de les voir tenter de difficiles harmonisations entre deux comportements que plus aucune égide intellectuelle, et a fortiori spirituelle, ne leur permet d’accorder vaille que vaille.
Le premier de ces comportements, c’est l’affirmation brutale et cynique de soi, généralement par écrasement d’autrui, notamment dans le domaine professionnel et financier…

…et le second, c’est le besoin forcené d’une régression molle au moyen de rassemblements massifs entre congénères, de parades urbaines tous azimuts et multiformes, de micro-verlans crypto-scouts et d’obéissance rituelle aux blockbusters momentanés de la sous-culture spectaculaire.
Or le «trash», n’est-ce pas une version particulière de cette régression-là? Par l’esthétique dont vous caractérisez vos émissions de télévision, vos pochettes, vos sacs à main ou votre musique, vous les salissez, ou plus précisément vous suggérez qu’ils sont littéralement bons à jeter. C’est-à-dire que vous vous définissez vous-même comme le gérant, le complice et finalement un élément, parmi d’autres, du vaste dépotoir qu’est l’existence à vos yeux. C’est exactement la même démarche, sauf qu’elle est infléchie dans votre cas par votre pouvoir d’achat de jeune adulte bourgeoisemennt rétribué, qu’adoptent les tout petits enfants quand ils mangent de la terre ou du caca.
Une manière comme une autre, après tout, de se réfugier dans la consommation du non-grandir.
