La chirurgie osseuse est à la mode en Corée du Sud. Les jeunes femmes sont toujours plus nombreuses à se faire limer les os du visage pour correspondre aux critères de la beauté occidentale.
A Séoul, il suffit de regarder les affiches placardées dans toute la ville pour constater que les Coréens ont une réelle attirance pour l’Occident. Ou plutôt pour les Occidentaux. En couverture des magazines de modes, des mannequins blancs, sur les posters publicitaires, des modèles blancs et sur 90% des affiches de cinéma, des acteurs blancs.
Ce phénomène ne se limite pas à une simple attirance. Nombre de Coréens et surtout de Coréennes se sont mis dans l’idée que la beauté correspondait avant tout aux critères occidentaux. La jeune génération ne croit plus au mythe de la race coréenne parfaite. Le visage doit être fin, le menton, le nez et les pommettes saillants, les yeux grand ouverts et le teint couleur neige.
Pour parvenir à cet objectif, la première étape concerne la couleur de la peau. Les grands magasins et les produits de beauté européens en profitent: pendant de longs mois, la devanture de Lotte, l’un des plus grands magasins de la capitale, était ornée d’une publicité de trente mètres de hauteur d’un produit Chanel destiné à blanchir la peau. Il n’est évidemment pas besoin de se promener très longtemps dans les rues de Séoul pour rencontrer des utilisatrices de ces poudres de riz et crèmes pâlissantes. Près d’une femme sur deux en est couverte. Parfois à l’extrême.
La cosmétique s’avère pourtant insuffisante. Les Coréens se tournent désormais vers la transformation chirurgicale pour une ressemblance plus que parfaite au modèle occidental. Là, les gagnants ne sont plus les grandes marques de produits de beauté mais les chirurgiens plasticiens. L’opération la plus commune concerne la peau: silicone pour le gonflage de la poitrine, liposuccion et lifting, débridage des yeux par relèvement des paupières et rehaussement du nez par simple tension sur sa base.
Ces techniques sont cependant sur le point d’être dépassées par la chirurgie osseuse. Limage du menton pour le rendre plus saillant, limage des mâchoires pour faire ressortir l’ensemble du bas du visage, et limage, encore, associé à l’extraction d’une partie du cartilage de la joue, pour tirer ensuite sur les muscles et finalement rendre la joue expressive.
Selon le Docteur Shim Jae-do, classé en huitième position des chirurgiens plasticiens les plus demandés de Corée du Sud, la chirurgie osseuse ne constitue qu’un début: après les os, certains médecins s’en prennent désormais aux muscles. L’objectif est de satisfaire les Coréennes, qui trouvent leurs jambes trop épaisses. Pour les affiner, le meilleur moyen est l’ablation partielle du principal muscle du mollet. Décollé du tibia, sa partie supérieure est découpée tandis que sa partie inférieure est retendue pour reprendre la place de l’ensemble précédent. Ces opérations sont menées discrètement, par certains chirurgiens seulement. Le Docteur Shim refuse de les effectuer en raison des risques encourus par les patients.
Selon le ministère de la Santé, 13% des Coréens, hommes et femmes, seraient passés sous le bistouri. Le nombre de chirurgiens plastiques référencés a plus que doublé en dix ans. Leurs clients sont en majorité de jeunes femmes qui sortent de l’université. Elles se payent un changement de visage, dit-on, pour espérer trouver un emploi dans ce pays où les hommes occupent encore tous les postes de pouvoir.
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Tristan de Bourbon, journaliste, vit à Séoul.
