Chaque semaine, Christophe Gallaz attrape au vol une expression ou un mot lié à l’actualité. Aujourd’hui, il s’intéresse au «pôle financier» du palais de Justice.
L’explorateur américain Robert Peary (1856-1920) fut le premier à gagner le pôle Nord, en 1909. Deux ans plus tard, le 14 décembre 1911, son confrère norvégien Roald Amundsen (1872-1928) fut le premier à rejoindre le pôle Sud, devançant le Britannique Scott de plus d’un mois.
Pôles, pôles, pôles! Le mot nous provient naturellement tout droit du substantif en grec ancien «polos», lui-même solidaire du verbe «polein», qui signifie «tourner». Et ses acceptions en langue française, jusqu’ici? Premièrement, «chacune des deux extrémités de l’axe imaginaire de rotation de la Terre»; deuxièmement, comme nous venons de l’illustrer, «chacun des points formant ces deux extrémités (« pôle nord », « pôle sud »)»; troisièmement, par analogie, «extrémité d’une pile ou d’un aimant»; quatrièmement, au sens figuré, «ce qui attire l’attention, centre d’intérêt»; et cinquièmement, «chaque borne d’un circuit électrique».
S’ajoute donc à ce lexique officiel, dès ce printemps, notamment grâce au fameux explorateur français Charles Pasqua, escorté de son collègue Xavier Dugoin, escorté de sa collègue Xavière Tiberi, escortée de son collègue Henri Emmanuelli, tous environnés de collègues moins connus, qui préfigurent chacun leur éventuel collègue Jacques Chirac, les uns et les autres étant d’autre part membres éminents du pouvoir hexagonal, l’expression de «pôle financier».

Le «pôle financier», les dictionnaires le définiront sans doute bientôt comme étant le point révélateur de la corruption politicienne et civile, ou le segment transparent des circuits financiers opaques, ou le haut lieu des investigations politiques et judiciaires les plus poussées. Peuplé de juges spécialisés dans la chasse aux profits véreux, aux détournements abusifs, aux trafics d’influence vénale et aux dessous-de-table crypto-mafieux, il exerce par conséquent sur les humains modernes, contrairement au pôle nord sur les boussoles, un effet totalement répulsif.
Pour les nouveaux explorateurs du genre Pasqua, hérauts de l’aventure extrême façon société du spectacle et par conséquent société du secret, l’objectif consiste donc à multiplier les expéditions sans jamais trop s’approcher d’aucun pôle financier. Les voyez-vous donc sillonner notre planète, chers frères et sœurs, tous ces voyageurs en saloperie? N’y a-t-il pas là promesse d’avenir? Matière à de nouveaux récits qui nous feront bientôt rêver? Fondement d’amour pour notre planète adorée? Et prétexte, en passant, à de magnifiques vocations littéraires? Ohé, petits Jules Verne du XXIe siècle, à votre plumier, vite, l’existence de nos jours est belle!
