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De l’adultère au best-seller

Alice Vinteuil, coiffeuse, nous confie chaque semaine une chronique inspirée par les confidences de ses clients. Elle raconte ici la brillante vengeance d’une femme trompée.

Le 13 juin 1971, Jacques D., né le 8 septembre 1945, étudiant en médecine, épousait Gisèle C., née le 11 mars 1947, première danseuse à l’Opéra de Lyon.

Promis à un bel avenir et certain de pouvoir subvenir rapidement aux besoins de sa femme, Jacques – qui avait des relations hommes/femmes une vision plutôt traditionaliste – avait souhaité que Gisèle renonce à sa carrière artistique pour le suivre à Genève. Par amour pour lui, elle accepta.

Trois enfants naquirent de leur union: Clément, Marie et Louis. Comme dans les meilleures familles bourgeoises, quatre ans séparaient l’aîné du benjamin.

Pendant vingt ans, on peut dire que Jacques et Gisèle vécurent un amour presque parfait. Puis, comme souvent après le départ des enfants, le couple commença à marquer des signes d’épuisement.

Il arrivait à Gisèle de se demander ce qu’aurait été son destin si elle n’avait pas sacrifié la danse à son mariage. Il arrivait de plus en plus souvent à Jacques de tromper sa femme avec des étudiantes.

A 50 ans, auréolé de son titre de professeur en chirurgie cardio-vasculaire, Jacques avait le vent en poupe. A 48 ans, frustrée de n’être que l’ombre de son mari, Gisèle se sentait vieille. Plus rien ne l’intéressait.

Aller au cinéma était devenu une corvée, faire ses deux tennis par semaine une torture, partir en week-end avec ses amies un supplice. Même les premières du Grand-Théâtre – institution dont elle était membre d’honneur – lui faisaient horreur.

Morte à elle-même, elle passait l’essentiel de ses journées à dormir et à grignoter des petits beurre dans son grand huit pièces de la Vieille Ville, avec vue sur la tour Saint-Antoine.

Une seule chose l’amusait encore: noter sur son petit carnet à spirales les différentes excuses inventées par son mari afin de justifier ses nombreuses absences.

Pour passer du bon temps avec ses jeunes maîtresses, dont certaines étaient mineures, Jacques, obsédé par sa respectabilité, était capable d’imaginer les scénarios les plus savants, les plus sophistiqués.

C’était à chaque fois des histoires très élaborées, des petits scénarios de courts métrages. Il poussait le vice de la vraisemblance jusqu’à produire de fausses quittances, de faux témoignages, de fausses rencontres.

Depuis deux ans, Gisèle avait consigné dans son petit cahier une vingtaine de ces fictions. Curieusement, elle trouvait dans l’enregistrement méticuleux des mensonges de Jacques une forme de réconfort.

Au fil des mois, le réconfort fit place à la haine. Gisèle, qu’une aventure fugace avec un ténor sur le retour avait sortie de la déprime, n’avait désormais qu’une envie: se venger de Jacques, faire savoir à cette bonne société genevoise qui le citait en exemple combien le grand professeur en médecine n’était au fond qu’un sinistre clown.

Elle tenait l’outil de sa vengeance. C’était juste une question de temps et… d’éditeur.

Le 7 mai 1999, Gisèle D. signait en première mondiale au Salon du Livre de Genève «Mensonges, mon amour». «Le Magazine littéraire» salua son style concis; «Lire» reconnut en elle l’héritière de Maupassant et Bernard Pivot la présenta sur le plateau de «Bouillon de culture» comme la nouvelle François Sagan.

Six mois plus tard, son éditeur devait retirer 50.000 exemplaires de «Mensonges, mon amour», couronné par les lectrices de «Elle» et deuxième sur la liste des meilleures ventes du mois.

Dans sa clinique de repos de Biarritz, Jacques D. se faisait soigner pour dépression nerveuse et délire de persécution.