L’une des premières directives signées par George W. Bush lors de son entrée en fonction portait sur le code vestimentaire de rigueur à la Maison Blanche. Bannis les jeans et les tenues débraillées: place désormais au traditionnel costume-cravate pour les hommes et les tailleurs, jupe ou pantalon, pour les femmes. Même le week-end, précise la notice.
«Le président souhaite que la Maison Blanche soit traitée avec respect», avait alors souligné en conférence de presse, Ari Fleischer, son porte-parole. L’allusion était claire. George Bush, contrairement à son prédécesseur, ne fait exception à la règle du costume gris ou bleu de préférence que dans son ranch texan de Milford où il lâche généralement le veston pour un ensemble en jeans et des bottes de cow-boy.
Washington n’est pas seule à connaître sa restauration vestimentaire. Wall Street, après s’être laissé allé au «business casual» importé directement de la Silicon Valley et de sa cohorte d’entrepreneurs en jeans et polo, impose à nouveau à ses banquiers….des tenues de banquiers.
Ces messieurs de la finance sont priés de laisser au vestiaire pantalon kaki et chemises fantaisie pour réendosser chemise blanche ou bleue et complet. Les spécialistes attribuent ce retour à plus de formalité à la déconfiture des sociétés internet. S’il y a encore un an le «casual wear» était souvent synonime de la formidable réussite des startups, aujourd’hui il est plutôt associé à l’étiquette de loser.
«Le retour à des tenues plus strictes est réel», confirme dans son atelier de la 37e Rue, au cœur du quartier de la mode à New York, Anthony Giliberto, tailleur réputé de la place et accessoirement couturier du nouveau locataire de la Maison Blanche quand il ne confectionne pas les costumes de la série TV culte, les Sopranos.
Anthony, dont la famille d’origine sicilienne fait dans le costard depuis 47 ans, n’est pas peu fier des six complets, du smoking et du manteau confectionnés par ses soins pour la seule journée d’investiture du 43e président des Etats-Unis.
«La tendance décontractée a été amenée par les dotcoms, maintenant l’euphorie est terminée, et on vit un retour aux anciennes valeurs, économiques et vestimentaires», poursuit ce tailleur, plutôt ravi par cette tendance. Car les affaires ont repris. «Franchement, si je m’habille en tenue de golf, eh bien j’ai envie de faire du golf. Tandis qu’en costard, je suis prêt à faire du business.»
Les premiers chiffres publiés par l’industrie confirment le sentiment de la rue. Selon Incomm International, une centre d’études de marché à Chicago, 30% des compagnies américaines ont abandonné le «casual dress». L’an dernier, les ventes de complets pour hommes ont augmenté de 22,7 millions d’unités, soit une hausse de 7,5% depuis 1998.
Les femmes semblent résister à la tendance. La vente de tailleurs est en baisse de 3% depuis 1998. «Les hommes reviennent plus rapidement à une tenue sérieuse car ils sont plus effrayés par la tournure des événements économiques », explique David Wolfe, directeur artistique du groupe de consultants de mode Doneger, qui se réjouit, lui aussi, de ce retour au formalisme.
«C’est sûrement bon pour le business, mais surtout pour la vue. Franchement, les gens commençaient à s’habiller de plus en plus mal, à confondre les tenues de plage avec les habits de bureau», dit-il, flamboyant dans sa chemise orange ornementée d’une cravate jaune. «Les couleurs vives seront tendance ces prochaines années pour les hommes… Le week-end ou dans des entreprises moins strictes qu’à Wall Street», ajoute-il après une pause.
Et de m’adresser quelques conseils après m’avoir assuré que ma tenue (pantalon grenat, chemisier noire et veste mi-longue ceintrée sous la poitrine, noire aussi), bien que parfaite pour mon métier, me ferait échouer n’importe quel entretien d’embauche à Wall Street et encore plus à la Maison-Blanche sous l’équipe actuelle. J’ai pris tout cela pour un compliment.
Pour se faire respecter à Wall Street, la femme doit avoir dans sa garde-robe un tailleur jupe et pantalon, un chemisier en soie, un pull en tricot, une robe à manches longues, un cardigan et des chaussures fermées.
Pour l’homme, un complet trois-pièces et une chemise blanche pour les entretiens avec le client. David accepte «une petite fantaisie sur le noeud pap». Pour les journées au bureau, un veston sport mais aux couleurs discrètes, en lainage en hiver voire en lin en été, une paire de pantalon gris et une paire de kaki pour le «casual Friday» là où il est encore autorisé.