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Poudrière balkanique: un détonateur au Montenegro

Depuis la chute de Slobodan Milosevic, nous avons pu avoir l’impression que tout était réglé et que la crise balkanique glissait vers son dénouement. Il n’en est rien. Les équilibres sont toujours instables. Les guerres successives n’ont pas vraiment apporté de solution au nationalisme balkanique, la Slovénie exceptée.

La Croatie qui s’est dotée l’an dernier d’un gouvernement non nationaliste jouit d’une stabilité intérieure très fragile. Les hommes du défunt président ultra nationaliste Franjo Tudjman disposent encore de solides appuis dans la population.

Mais, plus grave, les nationalistes contrôlent l’Herzégovine, la partie croate de la Bosnie, et ont mis en place depuis quelques semaines un gouvernement autonome chargé de rompre avec la Fédération croato-musulmane imposée par les Américains à Dayton. Ces mêmes nationalistes désertent les forces de police et l’armée de la Fédération pour jeter les bases de leur propre Etat. Si l’on regarde la carte, il saute aux yeux que leur insurrection annoncée concernera tous leurs voisins.

Du côté des Albanais, même si les foyers frontaliers de guérilla en Macédoine et dans le sud de la Serbie ont été éteints, la question de l’indépendance reste à l’ordre du jour. Même un modéré comme Ibrahim Rugova répétait encore juste avant Pâques qu’il voulait l’indépendance du Kosovo.

La position des Occidentaux, repliés sur la mise sous tutelle internationale de la région, est difficilement tenable. Cette semaine un groupe de travail formé d’experts internationaux et kosovars doit présenter une espèce de futur cadre constitutionnel permettant d’organiser des élections législatives avant l’hiver prochain.

En Serbie, la situation économique est toujours catastrophique et ce ne sont pas les 50 millions de dollars débloqués suite à l’arrestation de Milosevic qui vont donner l’impulsion nécessaire à une reprise. Politiquement, l’affrontement politique se polarise aujourd’hui entre le premier ministre serbe, Djindic, et le président yougoslave Kostunica. La position de ce dernier, malgré sa popularité, risque d’être affaiblie dimanche prochain à cause des élections législatives du Monténégro.

Ce petit pays montagneux de 650’000 habitants (la moitié de la Suisse romande) forme avec la Serbie (10 millions d’habitants!) la République fédérale yougoslave, résidu fantomatique de l’ancienne Yougoslavie détruite par Milosevic.

Si dimanche, les partisans du président monténégrin Djukanovic parviennent à obtenir une majorité au parlement local, le processus indépendantiste sera inexorablement mis en marche. Pour l’instant, les sondages leur accordent la victoire. S’ils gagnent, Kostunica ne sera, à court terme, plus président de rien! Très mauvais pour les nationalistes serbes qui voient en lui la dernier rempart contre la dilution de leur nation!

Ces événements ont amenés l’administration Bush à revoir ses positions et à renoncer à rapatrier ses troupes basées en Bosnie et au Kosovo. Mais tant que les puissances qui prétendent avoir des responsabilités dans les Balkans (Europe, Etats-Unis, Russie) se contenteront de placer des emplâtres militaires sur des jambes de bois, aucun répit n’est à attendre.

Comme à la fin du XIXe siècle, l’imbroglio balkanique ne peut être résolu qu’autour d’une table de conférence réunissant tous les partenaires. Paradoxalement, près d’un siècle (et de nombreuses guerres) après son énonciation en 1918, c’est encore la mise en œuvre d’un précepte du président Wilson (le droit des peuples à l’autodétermination) qui est à l’ordre du jour.