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Connaître Moneycab, nouveau média économique suisse

«Le lancement est pour fin avril.» Markus Gisler semble serein malgré la fièvre des derniers préparatifs. A lui seul, le journaliste garantit la crédibilité de Moneycab, ambitieux portail financier dont il a pris la direction. Sans sa présence, il serait difficile de ne pas sourire à l’évocation de la «totale indépendance rédactionnelle» du projet face au Credit Suisse Group, l’un des trois actionnaires de Moneycab.

En Suisse alémanique, Markus Gisler est une vedette de la presse. Fondateur et rédacteur en chef de Cash pendant onze ans, il a su rendre l’information financière attrayante et dynamique. Sous sa direction, l’hebdomadaire est devenu une publication redoutée ainsi qu’un succès financier pour l’éditeur Ringier.

Gisler a été débauché l’année dernière par Tamedia, le groupe du Tages-Anzeiger. Avec Moneycab, il s’attèle maintenant à un défi similaire, mais sur un média neuf.

Le fiasco du projet online y-o-u de l’estimée banque zurichoise Vontobel ne l’affecte en rien. Pourtant, l’évaporation de 250 millions de francs suisse dans un centre de services financiers virtuel a fait vaciller quelques certitudes. D’autant plus que cet épisode se déroule au royaume du sérieux et de l’austérité.

Mais Markus Gisler répète que Moneycab n’a rien à voir avec ce cas de figure. «Vontobel a lancé un projet chaotique, géré par un management non-professionnel, ce qui n’est pas du tout notre cas. De plus, nous ne faisons pas de «online banking» mais de l’information financière. C’est complètement différent. Pour nous, le marché est prêt. Nous sommes très optimistes.»

Le patron de Moneycab cite quelques estimations. Il y a en Suisse 1,8 million de connexions internet. On considère que 40% d’entre elles aboutissent chez des internautes qui ont des affinités avec l’économie. Pour les sites d’actualité financière, le potentiel est donc de quelque 720’000 utilisateurs. «Et c’est un marché en pleine croissance», ajoute Markus Gisler, effectivement très optimiste.

Lorsqu’on met en doute la viabilité du projet Moneycab, il coupe court, agacé: «Vous savez, quand Cash a été lancé, les gens disaient qu’il y avait déjà des journaux économiques sur le marché, que personne n’avait besoin d’une nouvelle publication. Il n’est pas étonnant qu’on dise aujourd’hui la même chose pour Moneycab…»

La rédaction du magazine en ligne est déjà pratiquement au complet, avec une vingtaine de journalistes. C’est Franzisca Hugli, anciennement chef de rubrique chez Bilanz et chroniqueuse sur la chaîne alémanique nationale SF DRS, qui la dirigera.

Les revenus doivent provenir en premier lieu de la vente de bannières publicitaires aux annonceurs. En outre, lorsqu’une entreprise de «online banking» gagnera un client par l’intermédiaire de Moneycab, elle versera une commission. Des recettes supplémentaires sont attendues de la vente de contenu rédactionnel à d’autres sites.

Les actionnaires du projet, Tamedia, Bluewin et le Credit Suisse Group, ont investi 20 millions de francs. Avec de tels moyens, Moneycab, tout taxi qu’il soit, se profile comme la Rolls du genre. Les sites Borsalino et Swissinvest, actifs sur le même marché, n’ont pas bénéficié d’investissements aussi importants. Ils n’ont pas pu se démarquer du look austère de la presse économique traditionnelle.

Hans Fischer, directeur de Borsalino, annonce 44’000 utilisateurs inscrits. Le monde médiatique est petit: Borsalino a justement pour partenaire Cash, l’hebdomadaire que Markus Gisler a quitté l’année dernière.

Actuellement à la recherche de nouveaux investisseurs, Swissinvest dénombre 45’000 utilisateurs inscrits. Indépendant de tout groupe d’édition, banque ou assurance, le site se veut davantage le siège d’une communauté qu’une publication rédactionnelle. «Nous reprenons des dépêches d’agences mais nous ne produisons pas de contenu nous-mêmes», indique Stephan Meyer, patron de Swissinvest.

Pour un site qui ne dépend pas des commissions sur les transactions financières, la débâcle boursière actuelle n’a rien d’inquiétant. «Les pages consultées sont plus nombreuses lorsque les marchés montent – et aussi quand ils chutent. Ce qui est négatif, c’est quand les mouvements sont inexistants», relève Hans Fischer.

Lancés tous deux en 1999, Borsalino et Swissinvest sont encore dans les chiffres rouges. Le premier compte en sortir d’ici 2003 ou 2004, le second dès la fin de l’année. Chez Moneycab, qui vise la place de leader sur son marché, on pense devenir rentable dans un délai de trois ans.

Si Swissinvest n’a pas l’intention de développer une version francophone, Borsalino et Moneycab s’intéressent aux internautes romands. Borsalino prépare pour l’automne une extension dont les ambitions n’ont pas encore été précisément définies.

De son côté, Moneycab est en discussion avec différentes entreprises romandes. Mais Markus Gisler précise: «La question de développements en langue française est encore ouverte. Cela n’aboutira pas avant l’année prochaine.»

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Mary Vakaridis est correspondante à Zurich pour la Télévision suisse romande. Elle collabore régulièrement à Largeur.com.