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Iridium retrouve le chemin des étoiles

Ce projet pharaonique est né du rêve de Bary Bertiger, haut dirigeant de la firme américaine Motorola, en 1985. Il voulait mettre en place un réseau téléphonique permettant d’appeler depuis n’importe où sur la Terre. Dix ans plus tard, Iridium, le premier réseau grand public de téléphonie par satellite, était né. Une courte vie: l’entreprise a été mise en faillite quelques mois seulement après son lancement en 1998, et le réseau arrêté il y a un an. Cette semaine, on apprenait que le projet Iridium ressuscitait: depuis ce vendredi, les communications vocales recommencent à circuler dans l’espace.

Je me souviens de ce matin de novembre 1998. J’avais été invité par Motorola pour tester Iridium, enfin opérationnel après des mois de retardements. Dans la main, je tenais l’appareil, un gros machin avec une longue antenne qui rappelait les premiers cellulaires.

Comme la plupart de mes confrères, j’avais publié un article sarcastique sur la qualité des connexions: le son lointain et cette voix déformée qui semblait provenir des fonds sous-marins. La technologie utilisée par ce réseau spatial continue pourtant de me fasciner: une constellation de 66 satellites en orbite basse (à 780 km de la Terre) véhicule les appels.

Le signal émis par l’usager passe d’un satellite à l’autre avant d’atterrir dans l’une des onze stations terrestre, la plus proche du destinataire. Les satellites se positionnent entre eux au moyen de rayons lasers pour rester dans les axes de transmission. La durée du décalage sonore varie en fonction du nombre de satellites traversés par le signal: instantané jusqu’à trois satellites, quelques secondes pour un appel de l’autre côté de la Terre.

Les liaisons téléphoniques par satellite existent déjà depuis plusieurs années mais les stations orbitales, encore éparses, nécessitaient jusqu’ici un équipement important: une grosse antenne parabolique et une puissance d’émission trop importante pour des petites batteries. Grâce à sa constellation dense, Iridium apportait donc miniaturisation et mobilité.

Le réseau Iridium a ainsi réalisé le rêve de l’homme cyber: celui de la connectivité absolue, depuis le milieu de l’océan, de la brousse, du désert ou dans le creux des vallées de montagne les plus reculées.

Mais la prouesse technologique n’a pas suffit et Iridium s’est effondré. Le service n’a jamais trouvé son public. L’entreprise pensait qu’en plus des marins, des explorateurs et de certains journalistes, son réseau intéresserait les hommes d’affaires et les fous de gadgets. Le groupe a donc principalement diffusé sa communication dans les revues de luxe et les magazines business. Il faut dire qu’à 7 dollars (12 francs suisses) la minute de conversation – soit aussi cher que les appels dans les avions – et 3500 dollars (6000 francs suisses) l’appareil, le service ne visait pas vraiment le grand public.

La cible s’est révélée mal choisie: le réseau cellulaire répond très bien aux besoins de la clientèle business qui fréquente plus volontiers les villes, les grands axes et les aéroports que la forêt amazonienne ou l’Afrique centrale. Au lieu des 600’000 clients prévus, Iridium n’en a séduit finalement que 55’000. Le projet, qui a coûté plus de 5 milliards de dollars à ses actionnaires, dont principalement Motorola, a tourné au fiasco.

Pour tout arranger, plusieurs concurrents (Globalstar, ICO) sont arrivés sur ce même marché, avec des réseaux plus simples (moins de satellites, placés plus haut en orbite) et donc moins chers. On pensait que la marque Iridium était définitivement enterrée. Mais voilà qu’elle réapparaît.

C’est l’avionneur Boeing qui a repris la majorité des actions du nouvel Iridium. L’infrastructure a été acquise pour 25 millions de dollars, soit 200 fois moins que le prix de son développement… A ce prix, Boeing semble avoir conclu une excellente affaire.

Le produit a été repositionné: les conversations coûteront au maximum 1,50 dollars (2,55 francs suisses) par minute et les appareils moins de 1000 dollars (1700 francs). Iridium vise cette fois une clientèle plus spécialisée: la firme a signé un accord de 72 millions de dollars avec le département américain de la Défense…