Les femmes ont plus de matière grise que les hommes. Leur fonctionnement cérébral est-il pour autant différent? Coup de projecteur sur la Semaine internationale du cerveau.
Le cerveau a-t-il un sexe? Après le traitement caricatural du sujet dans «Ce que veulent les femmes», une conférence tombait à point nommé pour clarifier les choses. Dans le cadre de la Semaine internationale du cerveau, le professeur Pierre Magistretti présentait vendredi dernier un exposé intitulé: «Femme-Homme: nos cerveaux sont-ils si différents?»
Dans le film de Nancy Meyers actuellement sur les écrans, Mel Gibson, le héros macho devenu capable d’entendre ce que les femmes pensent, fait de la psychologie féminine sa nouvelle arme fatale. Branché sur les cortex féminins qu’il côtoie, il prend la mesure de la différence entre les sexes.
Si la comédie construite autour de cette étonnante faculté ne m’a pas vraiment convaincue, elle a, en revanche, aiguisé ma curiosité. Que sait-on vraiment? Les différences entre le cerveau des femmes et celui des hommes, sujet à forte portée médiatique, fait régulièrement les grands titres de la presse non spécialisée. Or bien souvent, il s’agit d’interprétations hâtives de publications scientifiques.
Pour la quatrième année consécutive, la Semaine internationale du cerveau a permis de faire le point sur les découvertes récentes. Parmi les nombreuses manifestations, l’Université de Lausanne a confié à Pierre Magistretti, professeur de physiologie à l’Université de Lausanne et président de la Fédération européenne des sociétés de neurosciences, le soin de traiter du sexe de notre cerveau.
Il y a quelques décennies seulement, le canton de Vaud avait dû baisser d’un demi point le barème d’entrée au collège pour les garçons sous peine de se retrouver devant des classes à forte majorité féminine… a rappelé l’organisateur de la soirée en guise d’ouverture.
«Les cerveaux des hommes et des femmes sont-ils vraiment si différents?» C’est la question la plus fréquemment posée au neurobiologiste Magistretti. Le conférencier tient à relever non les différences mais «les immenses variations interindividuelles» même si «quelques lignes de démarcation peuvent être mises en évidence grâce aux nouvelles techniques d’imagerie cérébrale». Les différences sont qualifiées de «subtiles» par un orateur que l’on sent extrêmement réservé.
C’est dans le traitement du langage que des chercheurs ont pu mettre en évidence des différences entre la stratégie mise en place par les hommes et les femmes pour gérer l’information. Il s’agissait, en l’occurrence, de reconnaître des rimes dans un texte. Pour y parvenir, les hommes ont mobilisé exclusivement l’hémisphère gauche alors que les femmes ont fait appel aux deux hémisphères.
Face au test qui consiste à trouver la sortie d’un labyrinthe, hommes et femmes font aussi appel à des stratégies différentes. Les hommes reconstruisent le labyrinthe dans l’espace à trois dimensions alors que les femmes fixent des points de repères. Résultat, les premiers activent la région baptisée «hippocampe» de leur cerveau alors que les secondes mettent à contribution leur cortex pariétal frontal.
Notre cerveau est constitué de 100 milliards de neurones qui comptent chacun 10’000 synapses permettant autant de contacts avec d’autres neurones. La matière grise est composée de l’ensemble des corps cellulaires des neurones alors que la matière blanche comprend l’ensemble des voies de communication. Or les femmes ont plus de matière grise, ce qui signifierait qu’elles traitent localement l’information.
Un dernier volet consacré à la plasticité neuronale (capacité de s’adapter) a permis au professeur Magistretti de conclure non sur un déterminisme biologique très différencié, mais sur le constat que «nous sommes le produit de l’interaction entre nous et notre environnement».
Même si la neurobiologie a fait d’énormes progrès, dans l’état actuel de ses connaissances, cette science ne permet pas d’expliquer les différences de comportement entre hommes et femmes. «En ce qui concerne le sexe du cerveau, la frontière entre l’inné et l’acquis n’est pas nette et précise.»
