KAPITAL

La gratuité, un cauchemar pour le client

Dans le domaine de la télévision comme dans celui du Net, tous les coups sont permis pour élargir ses parts de marché. Les compagnies offrent des services gratuits sans assurer leurs arrières.

Ce n’est que lorsqu’un ancien patron de la chaîne à péage britannique BskyB décida d’acheter lui même son téléviseur et de se brancher sur le bouquet numérique Sky Digital qu’il se rendit compte du casse-tête que la chaîne imposait à ses clients: une centrale d’appel débordée, des mises en attente interminables, bref, un cauchemar.

L’anecdote que rapporte le Guardian de Londres illustre les aléas d’un marché en pleine expansion. Depuis dix ans, la chaîne jouissait d’une bonne image grâce à un service à la clientèle efficace. Mais les choses ont changé avec le passage au numérique et la nouvelle stratégie du groupe contrôlé par Rupert Murdoch.

Dans la lutte aux parts de marchés qu’elle livre à Ondigital, la compagnie britannique vient d’innover en distribuant gratuitement ses décodeurs numériques et en proposant même un adaptateur pour les boîtiers des chaînes concurrentes. Selon le nouveau patron de la chaîne, Paul Collis, «si vous attendez d’avoir une offre parfaite, le marché vous glissera des doigts. Mieux vaut se lancer et tenter de régler les problèmes ensuite». Mais les problèmes, les 5’000 employés du centre d’aide à la clientèle ne suffisent plus à les régler…

Cette évolution du marché de la TV numérique britannique n’est pas sans rappeler les offres d’accès gratuit à internet qui se succèdent en Europe. Six nouveaux acteurs sur le marché français, fait remarquer Le Monde, se ruent pour acquérir de nouveaux abonnements.

Le but est certes de «convaincre» de nouveaux utilisateurs, mais aussi, et pour la première fois, d’entamer les parts de marché des autres prestataires. Le Journal du Net de mercredi publie les chiffres de World Online, qui présente 50’000 nouveaux abonnés depuis le début de son offre, mais dont 90% proviendraient de la concurrence.

Le but avoué est la course au clients, dont le nombre déterminera finalement la valeur de l’entreprise sur les marchés boursiers. Suivent ensuite diverses astuces qui visent plus à limiter le coût d’une telle opération qu’à la rendre viable: services annexes payants, vente des fichiers d’utilisateurs à des compagnies de marketing et quelques revenus publicitaires.

Au delà de cette compétition, on peut se demander ce que vont entreprendre les fournisseurs d’accès quand le marché sera saturé. La concurrence en viendra-t-elle enfin à s’exercer sur le contenu plutôt que sur le contenant?