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Le Daft Club: un système sécurisé pour contourner Napster

L’affaire Napster évolue de jour en jour. La compagnie, qui souhaite maintenant légaliser l’échange de musique sur le Net, propose de facturer l’accès à son service (entre 3 et 10 dollars par mois) en fonction du nombre de téléchargements autorisés. Elle envisage aussi de verser un milliard de dollars sur cinq ans aux compagnies discographiques lésées par le trafic de fichiers MP3, apprenait-on mercredi.

Mais malgré les gros sous, ses chances de mettre tout le monde d’accord restent minces. «En plus, le dédommagement est trop bas compte tenu de la masse de documents téléchargés: 2,7 milliards en janvier seulement», expliquait hier le cabinet californien Webnoize…

Pendant que Napster se creuse la tête pour trouver un modèle économique viable et légal, certains artistes réfléchissent à d’autres moyens de diffusion en ligne. Le duo français Daft Punk est de ceux-là.

Avec son nouvel album «Discovery» – qui sortira à la mi-mars et que quelques privilégiés pourront découvrir en exclusivité jeudi soir à Genève grâce à Largeur.com –, le groupe entend inaugurer un nouveau genre de relation avec les internautes en leur distribuant des cartes de membre de son «Daft Club».

Au format d’une carte de crédit, ce morceau de plastique est livré avec le disque. Il contient un code unique à 16 chiffres qui permettra jusqu’en décembre 2002 de télécharger des documents numériques exclusifs du groupe sur le site daftclub.com. Ces fichiers ne sont pas uniquement des morceaux de musique, mais de véritables productions multimédia, avec son et animations visuelles.

«Les musiciens de Daft Punk ne veulent pas s’opposer au trafic de fichiers MP3 et à Napster, au contraire, explique Thierry Jacquet de Virgin France. Ils veulent simplement privilégier l’acheteur du disque par rapport au pirate. Ils y réfléchissent depuis deux ans. L’idée a germé d’offrir un supplément gratuit aux internautes qui ont acheté le CD – et uniquement ceux-là – sous forme de productions exclusives.»

Pour mettre en place ce système, Daft Punk s’est adressé à la firme américaine Intertrust, cotée au Nasdaq, qui est en train de s’imposer comme le numéro un de la transmission de données sécurisées. Explications.

Les données contenues dans les fichiers téléchargés sur le site du Daft Club sont codées par un algorithme d’encryption fort (128 bits) pour devenir un document informatique protégé, ce que la société Intertrust appelle une «DigiBox». Dans le cas de Daft Punk, il sera par exemple impossible d’exploiter cette DigiBox dans un logiciel de lecture MP3 classique comme WinAmp. Pour pouvoir écouter la musique, l’internaute devra lancer le «Daft Player», un logiciel développé spécialement pour le groupe, qui ne fonctionnera qu’au moyen du code personnel.

Chaque code ne peut être utilisé qu’une seul fois, et il est donc impossible d’utiliser celui de quelqu’un d’autre, ni d’exploiter son code sur deux machines différentes. C’est d’ailleurs la faiblesse du système: on peut désinstaller le logiciel et le réinstaller sur une nouvelle machine, mais il est impossible d’exploiter le Daft Player avec le même code sur son PC et son laptop, par exemple. Pas plus qu’on ne peut exporter la musique vers un lecteur MP3 portable.

«Le système mis en place pour Daft Punk nous sert de prototype, explique Andrew Robins, responsable du développement d’Intertrust en Europe. C’est un moyen original de mettre en relation le monde réel et l’univers digital. Je pense que de nombreux artistes s’intéresseront à un tel modèle qui permet en plus de nouer des liens étroits avec ses fans.»

La Daft Card ne nécessite pas d’identification: l’internaute peut introduire son code sans donner son nom ni aucune autre donnée personnelle. Il ne doit pas non plus payer pour avoir accès au fichier. Ensuite, il peut l’exploiter autant de fois qu’il le désire.

Plus généralement, la technologie développée par Intertrust permet à l’artiste de choisir plusieurs types d’accès à la clé de décryptage des données. «Notre logiciel contient un «porte-monnaie virtuel», poursuit Andrew Robins. L’artiste ou la maison de disque peut décider d’un paiement unique, ou à chaque écoute.» Des réseaux de diffusion comme AudioHighway permettent par exemple de télécharger légalement quelques titres avec ce système, pour environ 2 dollars le morceau. Le succès de telles plate-forme reste pour l’instant limité puisque Napster, juste à côté, propose le plus large catalogue du monde gratuitement…

Malgré le système d’encryption d’Intertrust, l’internaute malin pourra cependant toujours brancher un enregistreur – ou une carte d’encodage – sur la sortie audio de son PC et le convertir en format MP3 avant de le diffuser sur Internet gratuitement… «C’est clair, il n’existe aucun système permettant d’empêcher d’enregistrer de la musique à partir des câbles de haut parleur, reconnaît Andrew Robins. Mais la diffusion de contenu électronique sera certainement ralentie par la généralisation de notre technologie.»

Après une entrée en bourse fracassante, Intertrust a signé des accords avec les principaux géants des médias (Universal, BMG, AOL). Au début du mois, Nokia a acquis 5% du capital de la société pour 20 millions de dollars, faisant grimper l’action de 60% en un jour. Le numéro un du mobile intégrera le décodeur d’Intertrust dans ses futurs Mediaphone. Même Napster envisage d’intégrer cette technologie dans une future version de son logiciel…