L’opérateur national vient d’annoncer une baisse de 50% du prix des connexions ADSL, qui permettent le surf à haut débit. Objectif: amadouer le Tribunal fédéral.
Les internautes attendent avec impatience le développement de l’ADSL, cette technologie qui permet des connexions rapides, bon marché et permanentes à internet par les fils du téléphone. Swisscom a lancé ce service en août dernier, mais à des prix trop élevés pour intéresser les particuliers. Pour l’instant, seuls cinq sociétés, dont le romand VTX, revendent des connexions ADSL par l’intermédiaire de Swisscom.

La semaine dernière, l’opérateur national annonçait une baisse de 50% sur les communications ADSL. «C’est un geste bienvenu que nous avions anticipé, mais la baisse n’intervient pas au bon endroit, relativise Francis Cobbi, directeur de VTX. Nos frais viennent surtout de la location de la ligne qui rappatrie le trafic entre le central de Swisscom et le nôtre. Et l’opérateur ne baisse que le prix des communications sur la liaison entre l’usager et le central.» VTX ne répercutera donc pas la baisse des tarifs de Swisscom et maintiendera son offre, qui commencent à 99 francs suisses par mois pour une ligne de 256 kbps. Bluewin annoncera une nouvelle formule ADSL en février, dans cette gamme de prix.
En prenant connaissance de ces chiffres, on peut s’interroger sur la stratégie tarifaire de Swisscom: si le prix baisse de moitié, est-ce à dire qu’il était deux fois trop cher? A cette question, l’opérateur donne toujours la même réponse: «Nous fixons toujours les prix en fonction de nos coûts. Si les tarifs baissent, c’est que notre productivité et notre rentabilité augmentent grâce à l’optimisation de nos processus», déclare Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom, au sujet d’ADSL (et de toutes les autres baisses).
En répétant cette litanie, l’opérateur national essaie de faire croire que ses tarifs sont calculés au plus juste et que les réductions sont systématiquement répercutées vers l’usager.
Même lorsque les prix des communications internationales ont chuté de 70% d’un coup ou les tarifs d’interconnexion de moitié, sous pression évidente de la concurrence, Swisscom affirmait fièrement avoir baissé ses coûts internes grâce à un changement de logiciel ou une augmentation de la productivité dans un service.
En fait, pour comprendre les tarifs de Swisscom, il faut toujours regarder ailleurs que dans la logique des coûts, justement. Le geste est souvent politique, parfois judiciaire, toujours stratégique.
Dans le cas d’ADSL, il faut chercher du côté des tribunaux. L’an dernier, Diax a porté plainte auprès de la Commission fédérale de la Communication (ComCom). L’opérateur privé accuse Swisscom d’abuser de sa position dominante sur le dernier kilomètre, c’est-à-dire sur la location de la liaison entre l’usager et le central téléphonique, nécessaire pour ADSL. Diax exige une libéralisation du dernier kilomètre (appelée «dégroupage»), planifiée dans toute l’Europe, ce qui entraînerait une chute des prix des connexions à haut débit. En novembre, la ComCom a donné raison à Diax et ordonné l’ouverture partielle du marché. Swisscom a bien entendu fait recours auprès du Tribunal fédéral (TF).
«En baissant le prix de l’ADSL, Swisscom veut montrer au TF, qui tranchera cet été, que le marché est dynamique et qu’une libéralisation n’est pas nécessaire, analyse Fulvio Caccia, président de la ComCom. J’ai bon espoir cependant que, d’ici à la fin de l’année, on arrive à un dégroupage, au moins partiel, par la voie juridique.»
Les consommateurs auront alors des raisons de se réjouir. Les tarifs ne baissent jamais autant que quand Swisscom est forcé de le faire.
