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Service minimum

C’est, comme souvent, en direct du café du commerce que les sept Sages ont évoqué, à l’heure des célébrations patriotiques, le plat pays qui est le leur.


Parlotte, blablas, saucisses et compagnie: discours de 1er août oblige. Pourtant, la tradition et l’exercice forcé ont quand même bon dos. A un tel degré, la platitude et le cliché gros comme une maison paraissent plutôt une deuxième nature qui resurgit chez nos conseillers fédéraux au premier clignotement de lanterne.

Des patriotes tout réjouis ont donc découvert, stupéfaits, grâce à la présidente de leur chère Confédération, Doris Leuthard, qu’ils vivaient, est-ce dieu possible, «dans un pays où il fait bon vivre». Et qu’il s’agit là, disons-le tout net, n’ayons pas peur des grands mots ni des fortes considérations, «d’un privilège». Leurs bras noueux leur en sont sûrement tombés, aux patriotes.

Surtout qu’ils n’avaient encore rien entendu. Le showman de réputation mondiale qu’est désormais Johann Schneider-Ammann allait littéralement les scotcher sur leurs bottes-cul en rappelant, dans une lettre à Guillaume Tell, des fois qu’il n’aurait pas eu l’info, et qui a dû en gigoter d’aise dans sa tombe, que la Suisse jouissait, tenez-vous bien, et accrochez-vous aux branches des mélèzes, d’une «prospérité exceptionnelle».

Comme si cette fracassante nouvelle n’en suffisait pas, Ueli Maurer, de son côté, en a rajouté quelques couches, et des plus épaisses: la qualité du «swiss made» qui rend vert de jalousie le reste du monde, nos entreprises toutes toujours à la pointe, etc.

Par monts et Parmelin, comme dirait le chansonnier vaudois Dominique Scheder, c’est encore plus brillant: «Le pays le plus attractif du monde», ni plus ni moins, bien au contraire. Alain Berset, lui, a péniblement tenté de coller ensemble deux portes ouvertes parfaitement enfoncées: notre «ouverture au monde», justement, qui aurait eu comme conséquence miraculeuse «la stabilité» que nous connaissons.

Quant à Simonetta Sommaruga, on ne sait pas s’il s’agit d’une erreur de traduction, de transcription, d’une absence ou d’une absinthe, mais elle a trouvé, du fond du Val-de-Travers, où elle s’exprimait, que cet endroit-là, ma foi, était une sorte de, comment dire, «très long val qui mousse de boissons».

La cheffe du DFJP était donc en parfaite condition pour se fendre de l’obligatoire et maternel laïus sur les réfugiés: «Pour les personnes qui fuient la guerre et la persécution, notre pays doit garder ses portes ouvertes, aujourd’hui comme hier.» Pas sûr pourtant que ce «comme hier» soit la référence la plus appropriée. A la place des requérants, on s’inquiéterait.

Fidèle à son habitude, enfin, Didier Burkhalter, pour son dernier discours de 1er août en tant que conseiller fédéral, a tenté de casser un peu l’ambiance, avec cette forte découverte: «Nous vivons dans un monde qui inquiète.» On ne peut, c’est vrai, rien cacher à notre rusé ministre des affaires étrangères.

On accordera quand même à ces Sages adeptes du service minimum, qu’il est plus facile d’être inspiré par les trains qui déraillent que par ceux qui s’obstinent à respecter l’horaire. Que le Paradis est la partie la moins intéressante de la Divine Comédie, et l’Enfer de loin la plus palpitante, qui a fait seule la gloire de Dante.

Néanmoins, si, comme l’affirme le quotidien Le Temps, «les Suisses se désintéressent du 1er août», c’est peut-être bien que l’exemple vient d’en haut. Du sommet de l’estrade.