L’an 2000 est enfin dans le rétroviseur, avec ses scooters volants et toutes les prédictions hasardeuses que les écrivains de science-fiction avaient coutume d’accrocher à cette date symbolique. 2000 appartient désormais au passé. Tant mieux pour le présent. Même si, au chapitre des prophéties démodées, l’année qui commence est presque aussi chargée que la précédente.
C’est la faute à Stanley Kubrick. Pour une bonne partie de l’Humanité occidentale, le chiffre 2001 est étroitement associé à la valse orbitale que le cinéaste avait mise en scène à la fin des années 60. J’étais adolescent quand je l’ai vu pour la première fois; je n’y avais pas compris grand chose mais «L’Odyssée de l’espace» m’avait semblé crédible dans sa représentation du futur – à l’exception des décors en mousse orange qui étaient, eux, très datés sixties.

Ironiquement, en ce mois de janvier 2001, ce sont ces mêmes décors en mousse orange qui sauvent le film de l’anachronisme total: ils s’intégrent parfaitement dans la tendance esthétique du moment (rétro-60, style Surface ou Wallpaper) alors que les autres prophéties de «2001» baignent dans un rétro-futurisme charmant mais complètement à côté de la plaque.
Kubrick et son coscénariste Arthur C. Clarke avaient prédit qu’en 2001, un astroport serait installé sur la surface lunaire; que les humains communiqueraient par visiophone; que des voyages de tourisme spatial seraient organisés par les compagnies aériennes Pan Am et Aeroflot; qu’un équipage scientifique exclusivement masculin (les femmes étant cantonnées dans le rôle d’aimables hôtesses de l’air) serait envoyé en direction de Jupiter; que l’avancée de l’informatique déboucherait sur des ordinateurs conscients de leur propre existence, tels le fameux HAL, machine autonome, orgueilleuse et meurtrière.
A la fin des années 60, ces prédictions paraissaient sensées, voire réalisables. La NASA dépensait alors quotidiennement l’équivalent du budget de cette superproduction hollywoodienne (10 millions de dollars de l’époque) pour une conquête spatiale considérée comme le grand projet technologique et philosophique de l’Humanité.
Le film, sorti dans les capitales lors des émeutes du printemps 68, eut un impact immense sur l’imaginaire collectif. Sa représentation d’une planète Terre isolée dans l’espace (qui précédait de quelques mois les images du premier homme sur la Lune) ont sans doute contribué à l’émergence d’une conscience écologique globale. On découvrait Gaïa.

En ce début d’année, il n’est pas interdit de s’interroger sur l’héritage symbolique du cinéaste disparu le 7 mars 1999. En quoi Kubrick a-t-il influencé l’an 2001?
Au chapitre scientifique, un projet spatial bien réel, baptisé 2001, Mars Odyssey, sera lancé le 7 avril et devrait atteindre la planète rouge le 20 octobre. Et surtout, un nouveau film d’anticipation imaginé par Kubrick arrivera sur les écrans américains à la fin juin (et en Europe à l’automne).
C’est Steven Spielberg qui tourne actuellement «A.I.» (pour «Artificial Intelligence»), sur la base de documents laissés par Kubrick. Adapté d’une nouvelle de Brian Aldiss, le récit est situé sur la Terre au milieu du XXIe siècle, à une époque où l’effet de serre a fait fondre la calotte glaciaire. Les grandes villes côtières sont immergées et la survie de l’Humanité dépendrait d’androïdes conscients de leur propre existence. HAL de retour en 2001 pour sauver Gaïa?
Les comédiens Haley Joel Osment (l’enfant de «Sixième Sens») et Jude Law tiennent les rôles principaux de cette fable écologique. Le site officiel du film a été ouvert il y a quelques semaines et la première affiche promotionnelle vient de sortir de presse. On en reparlera.
