KAPITAL

Le commerce en ligne n’est pas un cadeau

L’an dernier, les sites de vente avaient eu quelques ratés à l’approche de Noël. Mais les consommateurs ne sont pas rancuniers et cette fin d’année 2000 pourrait bien consacrer le boom du commerce en ligne.

Depuis le krach du Nasdaq, les magasins en ligne ne peuvent plus trop compter sur les sources de capitaux pour se maintenir à flot. Ils doivent maintenant gagner de l’argent, et vite. Comme décembre est traditionnellement la période des plus grosses ventes dans le commerce de détail, cette fin d’année sera cruciale pour l’avenir des e-tailers. Bon nombre d’entre eux ne passeront pas l’hiver.

Souvenez-vous, l’orgie consumériste de Noël 1999 devait être celle de la révolution Internet. Les sites se sont multipliés, vendant des livres, des animaux en peluche, du vin, des balles de golf, des chaussettes, du maquillage, des luminaires…

Pour se faire un nom en quelques semaines, ces magasins ont consacré des sommes indécentes à leurs campagnes publicitaires. Alléché, le public s’est précipité dans ce supermarché virtuel où il a dépensé trois fois plus que l’année précédente.

Le plus important pour les e-tailers, c’est évidemment que tout fonctionne à temps. Mais à ce jeu-là, en 1999, il y a eu surtout des perdants. Et parmi eux, les consommateurs.

D’après une étude d’Andersen Consulting, des problèmes techniques ont empêché toute commande pour un quart des visites des cent premiers sites de vente de détail.

Les enquêteurs d’Andersen ont interrogé 1500 clients. Près de 88% d’entre eux ont fait état de problèmes tels que pénurie de stock, retard de la livraison, voire disparition pure et simple du site de vente.

Et il y a eu pire. Dans la deuxième semaine de décembre 1999, deux géants du commerce de détail, Toys’R’Us et Wal-Mart, ont annoncé qu’ils ne pouvaient plus garantir que les articles commandés sur Internet soient livrés avant Noël… Compte tenu des délais, il était également impossible d’annuler sa commande sur le réseau.

Autre vendeur de jouets, eToys a craint de ne pas arriver à suivre le rythme des commandes. La compagnie a mandaté un partenaire pour exécuter une partie des livraisons – avec un piètre résultat: des milliers de commandes ont été sabotées par les distributeurs sous-traitants.

Pour éviter qu’une telle mésaventure se reproduise, eToys a investi par la suite des millions de dollars dans la construction de centres d’expédition, alors que la compagnie est toujours profondément plongée dans les chiffres rouges.

Bonne nouvelle pour les entreprenautes: les consommateurs n’ont pas été rancuniers cette fois-ci. Une étude de BizRate indique qu’à la fin novembre 2000, les ventes en ligne étaient en progression de 125%. Le boom du e-commerce serait donc peut-être encore devant nous.

Les experts décrivent la période actuelle comme une phase de consolidation. Les compagnies les plus solides sont en train de s’imposer comme leaders, tandis que les canards boîteux sombrent corps et biens.

Les gagnants les plus prévisibles sont les chaînes de magasins déjà installées qui proposent leurs services sur le Net, comme les groupes américains Wal-Mart, JC Penney ou Target. Ces compagnies jouissent d’une forte image de marque et d’un solide réseau de distribution dont leus activités en ligne peuvent profiter.

Chez les détaillants uniquement présents sur le Web, Amazon reste une entreprise incontournable. La libraire virtuelle a encore renforcé sa position grâce à une alliance avec la chaîne de magasins Toys’R’Us. Cependant, l’action Amazon stagne à quelque misérables 25 dollars (48 francs suisses), alors qu’elle valait 105 dollars il y a douze mois.

Les investisseurs s’impatientent. Amazon – premier site mondial de e-commerce en terme de trafic avec 25 millions de clients – continue néanmoins à perdre beaucoup d’argent. La société espère devenir enfin rentable à la fin 2001.

Ce qui fera la différence, c’est qu’Amazon engrange déjà du cash. Le site prévoit de gagner un milliard de dollars (1,85 milliard de francs suisses) durant les trois derniers mois de l’année, mais il en consacre encore davantage à son développement, et reste donc dans les chiffres rouges. Au moins, les frais de fonctionnement sont couverts. Les e-tailers n’ont de loin pas tous cette chance.

L’économie de marché est cruelle, on le sait. Sur les milliers d’entreprises.com qui ont éclos ces trente derniers mois, pas plus d’une demi-douzaine ne réussiront à s’imposer comme poids lourds du e-commerce. Quelques sociétés réussiront à s’installer dans des niches. Et les autres disparaîtront.