Les nombreux naufrages de startups créent de nouveaux besoins, que certains entreprenautes exploitent avec succès. L’échec sur Internet? Un marché en pleine croissance.
La fête est finie pour les startups. Depuis que le marché des valeurs technologiques du Nasdaq s’est effondré en mars dernier, des wagons d’entreprises ont sombré corps et biens. Mais dans la Nouvelle économie, on s’adapte vite. Certains surfent déjà sur la vague des faillites.
Cela s’avère assez payant si, comme Allison Hemming, vous animez les Pink Slip Parties, soit, en gros, des fêtes pour ceux qui ont dérapé (to slip, en anglais) mais voient quand même la vie en rose.
A New York, ces Pink Slip Parties sont du dernier chic. Les hôtes les plus assidus vont jusqu’à dire qu’un vétéran de 28 ans qui a une faillite derrière lui en connaît bien plus long qu’un jeune prétentieux à qui tout réussit. Aux Etats-Unis, l’échec n’est décidément pas une tare. Une philosophie plutôt réjouissante à l’heure où en Europe, celui qui échoue doit encore et toujours se couvrir la tête de cendres.
Avec le boom de l’industrie du Net, il y a eu les First Tuesdays, ces soirées informelles où jeunes entrepreneurs et professionnels du capital-risque venaient se rencontrer chaque premier mardi du mois. Et bien maintenant, il y a les Last Wednesdays pour les chômeurs de la Nouvelle économie.
Malgré les récents revers de l’industrie du Net, le marché de l’emploi est toujours tendu et pour les recruteurs, c’est l’occasion rêvée de trouver quelques informaticiens à embaucher.
De plus, la débâcle des entreprenautes a paradoxalement généré de nouveaux sites. Dans le genre pratique, Startupfailures.com offre une foule de ressources pour les débarqués des entreprises.com: adresses de soutien psychologique, liste des symptômes de faillite prochaine, bourse aux emplois… Lancé en mai 2000, le site est devenu rentable six mois plus tard. Un exploit dont peu d’entreprises peuvent se vanter.
«Devenir entrepreneur est très libérateur au premier abord. Mais avec le temps, cela pèse sur votre santé, vos finances et votre bien-être», m’a dit Nick Hall, fondateur de Startupfailures.com. Une vision qui explique l’orientation résolument servicielle de son site.
Moins constructif mais plus jubilatoire, Fuckedcompany.com permet de parier sur les prochaines startups à faire naufrage. Philip Kaplan, créateur de Fuckedcompany, relaye les dernières rumeurs sur un ton sardonique. Avec 200’000 visiteurs par semaine, le site fait un malheur grâce à des informations d’initiés et à une bonne dose d’humour noir.
Il y a là les derniers licenciements dans la branche, les plans de grève au centre d’expédition d’Amazon.com ou encore la facturation de l’expédition par les sites qui juraient de livrer gratuitement leurs clients. Les pages sont actualisées pratiquement heure par heure.
A Silicon Valley, la journée de l’informaticien standard commence invariablement par une connexion sur Fuckedcompany, pour se mettre de bonne humeur. Et curieusement, les messages de remerciements de la part des perdants affluent aussi. C’est apparamment réconfortant de figurer en bonne place sur le site lorsqu’on est en train de faire faillite.
La morale de l’histoire? «A moins qu’une startup ait un modèle économique qui paraisse sensé à votre grand-mère, n’y allez pas… Simple, non?» C’est le fondateur de Fuckedcompany qui vous le dit.
