Le footballeur vedette de Manchester United souffre-t-il vraiment de troubles obsessionnels compulsifs? Ou est-il victime d’une époque obsédée par le tout-psy? Un film à l’affiche, ainsi qu’un livre paru récemment, permettent d’y voir plus clair.
Ainsi, le grand David Beckham serait victime de troubles obsessionnels compulsifs (TOC pour les initiés). C’est du moins ce qu’affirment des experts médicaux qui ont visionné le reportage que la chaîne de télévision anglaise ITV a consacré au milieu de terrain des Red Devils et qui sera diffusé mercredi 29 novembre.
Les experts ont déclaré que David Beckham souffrait de «modifications chimiques dans le cerveau qui entraînent chez lui des troubles obsessionnels du comportement», rapporte le service d’informations sportives de Yahoo.
La Spice Girl Victoria Adams, épouse du joueur, a même ajouté son grain de sel: «Il est complètement obsédé par le rangement. Tout doit être aligné à tel point que cela en devient ridicule.» Un divorce se profilerait-il à l’horizon?
Avec cette histoire de TOC, le couple le plus célèbre de Grande-Bretagne aurait aisément pu figurer dans «Ça ira mieux demain», le dernier film de Jeanne Labrune, actuellement à l’affiche. «C’est un film choral qui raconte les folies ordinaires d’un certain nombre de personnages qui nous ressemblent tous un peu», explique la réalisatrice dans un entretien.
En nous faisant partager le quotidien d’une bande de bourgeois normalement cinglés, «Ça ira mieux demain» met en scène le processus de dévoiement de la psychologie. Très symptomatiques, les insultes qu’on y entend: psychorigide, paranoïaque, folle, cinglée, déprimé, phobique, monomaniaque, obsessionnel, névrosé, mégalomane, schizophrène… Autant de diagnostics médicaux que les protagonistes s’expédient en pleine figure tout au long du film.
Jeanne Labrune stigmatise ces abus de langage psy que chacun d’entre nous propage inconsciemment. En traitant le sujet avec ironie, elle permet aux spectateurs de rire d’eux-mêmes, et ils ne s’en privent pas. Un moment de détente qui vaut bien une séance sur un divan.
David Beckham, quant à lui, devrait se reconnaître dans le personnage d’Elisabeth (interprété par Jeanne Balibar) que l’on surprend, un masque sur le visage, se livrant à un combat perdu d’avance contre la poussière: «Quand on ouvre la fenêtre, après deux heures, tout est déjà sale», se lamente-t-elle.
Selon le reportage d’ITV, le talentueux footballeur ne porterait que des habits blancs dans son appartement immaculé. Il ne pourrait s’empêcher d’aligner minutieusement les canettes de soda dans son réfrigérateur et passerait beaucoup de temps à combattre la poussière. Ces éléments suffisent-ils à en faire un toqué?
Depuis un peu plus d’un an, le TOC (trouble obsessionnel compulsif, donc) est devenu une maladie à la mode. On trouve sur le Net un site québécois qui lui est entièrement consacré. Les médias en parlent abondamment, et du coup, «chacun croit pouvoir en déceler les symptômes chez lui», m’a dit un psychiatre qui doit parfois faire face à des patients surinformés à ce sujet.
Est-ce vraiment une maladie que de se laver les mains vingt fois par jour, de récurer quatre fois sa cuisine en une matinée, de vérifier à plusieurs reprises si l’on a bien éteint les phares de sa voiture ou les plaques de sa cuisinière électrique? Qui n’a pas ses petites obsessions?
Si elles ne perturbent pas la vie du principal intéressé ou de son entourage, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Si les troubles dépassent une heure par jour, une consultation peut alors se justifier.
Trop de psy nuit, estime la psychanalyste Sylvie Nerson-Rousseau auteur du «Divan dans la vitrine» (paru aux éditions Nil). Elle y montre comment le discours psy vulgarisé et mal digéré a fait irruption dans notre quotidien, et nous alerte sur les dangers de ce qu’elle appelle «la cuisine psy»: «Le matin dans le journal, le soir à la télévision, chaque semaine dans les magazines. Même dans le métro, il suffit de laisser traîner son oreille pour intercepter à coup sûr des propos psy.»
Associer l’œuvre de Freud aux manuels de «vie mode d’emploi» qui font les vitrines du prêt-à-penser relève, pour l’auteur, du sabotage. Selon elle, le champ de la détresse n’est de loin pas le seul domaine soumis aux «prédations» psy. Que ce soit dans le monde du travail, de la politique, des affaires sociales, de la création, des relations humaines, non seulement le dernier, mais quelques fois aussi le premier mot revient au discours psy. Il est l’objet d’une véritable fascination que Sylvie Nerson-Rousseau veut dénoncer.
L’auteur s’insurge contre l’urgence des soins psychologiques proposés par notre société après tout type d’«accident» (le debriefing après le crash d’un avion, par exemple). «Nous avons développé une certaine intolérance aux «difficultés de la vie». Or, il est normal et sain d’avoir besoin de temps pour faire face aux avanies de la vie et de réagir d’abord en souffrant. Nous confondons le pathologique et le difficile.»
Dans le film de Jeanne Labrune, une épouse veut adresser un message de patience à son mari tourmenté. Elle lui dit simplement: «Ça ira mieux demain».
