A la fois communauté virtuelle et label de mode, ce phénomène zurichois veut contaminer le monde. Après un démarrage trop ambitieux, skim.com a trouvé sa vitesse de croisière.
On connaissait les sacs des frères Freitag, faits de bâches de camion recyclées. Ils étaient devenus l’accessoire indispensable des jeunes branchés, d’abord à Zurich puis à Bâle, pour envahir ensuite les milieux techno de toute la Suisse, de l’Autriche et de l’Allemagne. Ils ont maintenant dépassé les frontières européennes et sont devenus un véritable insigne helvétique au même titre que le coucou et la Swatch.
Depuis une année, ces sacs arborent, bien visiblement inscrit, un numéro. Les initiés savent que ce numéro est une adresse e-mail, soit la marque d’appartenance à une communauté née en novembre 1999: skim.com. Si vous repérez dans la rue un(e) bel(e) inconnu(e) qui porte un tel sac, n’hésitez pas à noter son numéro: vous voudrez peut-être le (la) contacter par courrier électronique…
Ce sont les mêmes frères Freitag qui ont lancé ce projet avec quatre autres créateurs dans l’idée de réunir sur un site une communauté virtuelle et des articles à vendre. Un groupe de six designers crée la ligne skim.com, branchée sport mais pas trop technique, qui tente de viser les 18-30 ans.
Pour démarrer, les fondateurs, parmi lesquels le compagnon de Pipilotti Rist, ont réussi à trouver le soutien financier d’une trentaine d’investisseurs venus essentiellement des milieux de la culture et des médias. Ils ont installé leurs bureaux sur le site industriel de Maag, où l’on traite encore l’acier. On est en plein Kreis 5, quartier zurichois où l’on trouve les clubs, les bistrots et les boutiques les plus branchées.
Les débuts de Skim ont été florissants. La startup a trouvé des boutiques dans une vingtaine de pays qui ont commencé à vendre ses produits. Elle a engagé trente collaborateurs fixes, elle a lancé un magazine vendu 15 francs suisses et tiré à 20’000 exemplaires (sorti jusqu’à présent deux fois).
Une centaine de personnes collaborent à ce magazine. On y trouve des créateurs de Sarajevo, Delhi, Los Angeles ou Tel Aviv. Enfin, la marque Adidas est devenue partenaire, et les contacts avec Levi’s sont étroits. Mais si la première livraison des produits skim.com a immédiatement trouvé des diffuseurs sur trois continents, la deuxième s’est révélée décevante. Près de 20% des distributeurs se sont décommandés. Que s’est-il passé?
«Nous n’avons pas pu assurer une livraison ponctuelle, explique Steffen Gaschik, attaché de presse de skim.com. Nous avons visé trop grand, nous avions trop de projets. Aujourd’hui, nous savons que nous devons nous recentrer sur la mode et la communauté avant de multiplier nos activités comme nous en avions l’intention.»
«Il ne suffit pas de livrer des produits marqués d’un numéro pour que ça marche, poursuit Steffen Gaschik. Nous devons assurer la qualité et la beauté du design. De nombreux créateurs allemands et autrichiens voudraient entrer dans notre réseau, mais nous devons leur demander d’attendre. Il nous faut d’abord assurer les processus de production et la livraison.»
Un autre facteur a ralenti l’expansion de skim.com: le capital de démarrage de 25 millions de francs n’a jamais été réuni. Et le financement intermédiaire prévu est arrivé trop tard. «Ce retard est dû au fait que nous relions off et on line. Je m’explique. Nous espérions nous associer à Diesel qui, pour l’instant, hésite: la marque ne comprend pas bien l’intérêt de se retrouver on line sur notre site. A l’inverse, les investisseurs sensibles au virtuel ne comprennent pas l’avantage de la mode.»
Cependant, ces réflexions ne font pas douter les créateurs, bien au contraire. Selon eux, l’union entre communauté virtuelle et mode permet d’adapter les produits à la demande: par e-mail, les cyber-acheteurs peuvent exprimer leurs souhaits. Les designers en tiennent compte et changent les couleurs en fonction des désirs des consommateurs.
Si les produits skim.com sont distribués dans un réseau de boutiques (dont No Way à Fribourg), la société a également ouvert son propre magasin à Davos en février dernier. Une manière de test, dans une ville où les créateurs sont sûrs de trouver une clientèle internationale – et peut-être de futurs investisseurs grâce au Forum économique.
Après une année de vie, la startup veut tirer un bilan positif de son expérience – les six prochains mois et les nouvelles livraisons de ses produits vont être un test important. Mais ses concepteurs, malgré les problèmes, ne renoncent pas à lancer des idées. Ils veulent s’ouvrir au domaine musical en donnant la possibilité à leurs membres de commander sur leur site des CDs personnalisés.
De plus, le système e-mail devrait bientôt pouvoir se passer de l’ordinateur et fonctionner par messages SMS. De sorte que si l’on croise un(e) splendide inconnu(e) tatoué(e) d’un numéro dans la rue, on puisse directement le (la) contacter, sans devoir l’aborder de front. Excitant, non?
