Cet automne, c’est la supermode chez les journalistes suisses: tout le monde y va de son magazine dédié à la nouvelle économie. On connaissait le projet Swissup de Jacques Pilet, qui devrait voir le jour au printemps prochain. On découvre ces jours-ci la revue d’Alain Fabarez – groupe Agefi – avec ses curieuses parenthèses (Futur(e)s), qui sort simultanément en version suisse et française. Et voici maintenant le premier numéro de The Industry Standard Europe qui arrive dans les boîtes aux lettres.
On trouve derrière cet hebdomadaire anglophone un journaliste tessinois à la carrière passablement diversifiée puisqu’il a écrit successivement pour le Giornale del Popolo, L’Hebdo et le New York Times (chroniqueur européen du CyberTimes, pour être précis).
Ce polyglotte a aussi lancé le site d’information Webdo, le fournisseur d’accès Tinet (racheté par Cablecom/NTL) ainsi qu’une base de données dédiée à l’affaire des fonds en déshérence. Plus récemment, il a été directeur de la stratégie Internet du Forum de Davos.
Aujourd’hui, donc, Bruno Giussani, 37 ans, travaille à Zurich et à Londres. Il est l’un des trois responsables éditoriaux de cet Industry Standard Europe qui vient de sortir de presse, à 120’000 exemplaires pour le premier numéro. Giussani dirige le secteur «commentaires et chroniques» de cette euro-version du plus célèbre hebdo américain dédié à l’économie du Net.
Le Standard Europe, comme on l’appelle, vise entre 40’000 et 50’000 abonnés répartis sur l’ensemble du continent. C’est même sa vocation première que de sauter les frontières: «Notre objectif est de fournir une information paneuropéenne sur la Net économie, dit Giussani. Nous avons remarqué qu’en Europe, les entrepreneurs connaissent généralement très bien leur marché national ainsi que le marché américain. Mais souvent, ils ignorent tout des entreprises actives dans les pays voisins.»
Faire connaître le Web hollandais aux startuppers français; les télécoms italiens aux néo-entrepreneurs danois; la Net économie polonaise aux capital-risqueurs suisses et ainsi de suite: tel est le projet du Standard Europe, symbole plutôt positif d’une Europe connectée qui apprend maintenant à s’intégrer.
Le Standard Europe est détenu à 100% par Standard Media Intenational, compagnie américaine dont les actionnaires sont: le géant IDG (International Data Group, éditeur notamment de Computer World), le puissant groupe Pearson (éditeur notamment du Financial Times), le bulldozer du luxe LVMH ainsi que quelques sociétés actives dans le capital-risque comme la new-yorkaise Flat Iron.
Interview téléphonique de Bruno Giussani, «european editor» du Standard Europe.
Largeur.com: Quelle différence entre le Standard Europe et son modèle américain?
Bruno Giussani: Le contenu du premier numéro, qui est sorti la semaine dernière, était presque à 100% européen. Seuls quatre ou cinq articles provenaient de la version américaine. A terme, notre objectif est de publier deux tiers d’articles européens et un tiers d’articles repris de la version américaine. Notre volonté est d’être aussi européen que possible mais nous ne devons pas oublier que nos lecteurs s’intéressent beaucoup à ce qui se passe aux Etats-Unis. Les gens regardent vers les USA pour y trouver un modèle.
Combien de personnes dans l’équipe?
Une quarantaine. La moitié dans le rédactionnel et l’autre dans l’opérationel. Les employés sont d’origine allemande, anglaise, américaine, suédoise et suisse. Nous avons des bureaux à Londres, Paris, Stockholm et Zurich. En décembre, il y aura encore un bureau à Berlin et bientôt aussi en Europe de l’Est.
Ambition paneuropéenne.
On part du principe que la Net économie ne se développe pas à l’échelle locale. La plupart des entrepreneurs ont des partenaires, des clients ou des fournisseurs en dehors de leur frontières nationales. Notre but est de leur fournir une information qui corresponde à leurs besoins. Faire que l’information circule en Europe.
A propos de circulation, on a de la peine à trouver le magazine dans les kiosques suisses…
C’est compliqué d’assurer une bonne distribution à l’échelle européenne. En Italie, par exemple, le réseau de kiosques n’est pas terrible, contrairement à la Grande-Bretagne, etc. En Suisse, notre magazine devrait au moins être disponible à l’aéroport. Et bientôt dans d’autres kiosques, par effet de capillarité. A côté de ça, il y a évidemment le site Web.
Qui sont vos principaux concurrents?
A ma connaissance, peu de médias ont cette ambition paneuropéenne. Il y a les magazines US comme Business Week, mais ils gardent un point de vue très américain sur l’Europe. Le Tornado Insider, quant à lui, est très axé capital.risque et il est mensuel. Au niveau des quotidiens, il y a le Financial Times et le Wall Street Journal Europe, qui sont nos concurrents directs.
D’où vient The Industry Standard?
Le magazine, dans sa version américaine, a été lancé en 1998 avec un succès exceptionnel. Il tire aujourd’hui à 200’000 exemplaires et jouit d’une excellente réputation (loin devant les mensuels Red Herring ou Business 2.0). La maison-mère, Standard Media International, occupe entre 350 et 400 personnes.
Quelles sont ses activités?
En plus du Standard américain et du Standard Europe, elle édite aussi des suppléments thématiques mensuels et des magazines nationaux en langue locale, notamment en Norvège, en Finlande et bien sûr en Suisse avec l’Internet Standard qui paraît en allemand. Tous ces journaux locaux sont produits sous licence par d’autres compagnies qui reprennent notre nom. Par ailleurs, le groupe va bientôt lancer un magazine mensuel «media and entertainment» aux Etats-Unis. Voilà pour le print.
Et dans le domaine du Web?
Notre compagnie édite une vingtaine de newsletters dans des secteurs ciblés, ainsi que les sites américain et européen du Standard, avec contenu actualisé quotidiennement, offres d’emploi, bases de données, etc. Enfin, la société est active dans les recherches de marché et dans l’organisation des conférences Internet Summit. Le slogan de la compagnie, c’est «Intelligence for the New economy».
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Cet entretien téléphonique avec Bruno Giussani a été réalisé le mardi 31 octobre 2000.
Le site de The Industry Standard Europe:
www.thestandard.com/europe
Le site personnel de Bruno Giussani:
www.giussani.com