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Ogi parti, Couchepin doit filer à l’armée

Maintenant qu’Adolf Ogi a annoncé son départ du gouvernement, un seul homme est en mesure transformer les soldats suisses en sapeurs-pompiers comme le recommande le bon sens. Et cet homme, c’est PC.

Ceux qui ont suivi son allocution présidentielle du 1er janvier à la télévision ne l’ont pas oubliée. Face au tunnel du Lötschberg, les pieds plantés dans la neige, Adolf Ogi s’adressait à son pays en boxant les flocons, haussant la voix et martelant la première syllabe de chacun de ses mots. «Il faut a-ller de l’a-vant!»

Sa prestation semblait surnaturelle. La planète entrait dans l’an 2000 et là, sur les ondes de la télévision suisse, le nouveau président utilisait un langage des années 50, enfilant les métaphores ferroviaires avec la souplesse d’une locomotive à vapeur. Un homme face à son pays.

Mais voilà que trois cents jours plus tard, cet homme bifurque à l’aiguillage et annonce sa démission. Il était donc moins vissé à sa fonction qu’on pouvait le croire. «Je pars comme un sportif au sommet», a-t-il déclaré sans modestie mercredi matin. Du coup, la Berne fédérale se remet à bruisser d’interrogations et de folles hypothèses.

Qui succédera à Ogi le 6 décembre prochain? Le siège ministériel de l’Union démocratique du centre (UDC) est-il menacé? Et surtout: qui prendra la charge du délicat département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports?

Cette dernière question devrait agiter un homme en particulier, un autre homme de granit, actuellement à la tête du département fédéral de l’économie où il s’ennuie ferme. Pascal Couchepin est face à son destin. Il sait que lui seul pourrait mener à bien le projet Armée XXI. Personne, au gouvernement, n’est doté d’une autorité suffisante pour tenir tête à la hiérarchie militaire et forcer les réformes qui s’imposent. Personne, sinon lui.

Couchepin sait bien que le département de la défense a besoin non seulement d’un homme à sa tête, mais d’un officier qui connaisse son fonctionnement intime. Il sait aussi pour l’avoir déjà dit publiquement que l’armée suisse est d’une taille absurde, démesurée. Il ne sera pas possible d’éviter une importante diminution des effectifs. Les infrastructures ne sont pas adaptées à la nouvelle donne.

Il s’agit de fermer des places d’armes et des arsenaux, de liquider des aéroports et des casernes, de solder non seulement les fortifications mais le corps même des garde-fortifications, ces GF dont la mission en plein cœur de l’Europe unie n’a plus de sens. Il s’agit de vendre des terrains, des immeubles, de reconvertir des milliers de travailleurs.

Et cela sans pour autant mettre en cause l’existence de l’armée: la population ne le supporterait pas. C’est dire que le défi est de taille. La transition vers l’armée nouvelle est aussi importante que celle qui marqua, vers 1860, le passage d’une armée faite de la juxtaposition de milices cantonales à la première armée fédérale. L’opération, alors, fut douloureuse et provoqua quelques traumatismes.

Avec Armée XXI, dont le contour n’est pas encore complètement dessiné vu qu’il dépend de la votation du 26 novembre, de nouvelles incertitudes vont assaillir la caste militaire. Depuis une vingtaine d’années, elle est sans cesse obligée de se remettre en question. Or l’armée est un corps lourd qui manque de souplesse. Une réforme est à peine achevée que la suivante pointe le bout de son nez. Nous parlons d’Armée XXI alors même qu’Armée 95 n’est pas encore digérée.

Pour un homme politique aussi déterminé que Pascal Couchepin à servir la patrie, cette réorganisation de l’armée représente le vrai défi. On ne voit pas un néophyte empoigner cette tâche. En revanche, le petit nouveau ou la petite nouvelle pourrait sans autre reprendre les rênes de l’économie publique. D’autant que nous sommes en pleine période de croissance.