Sans aucune publicité, Hotmail, Napster ou le film «Blair Witch Project» sont devenus des succès planétaires. Comment le bouche à oreille électronique propage les bonnes idées comme des épidémies.
Comment le site Hotmail est-il passé de zéro à 12 millions d’usagers en 18 mois? Comment Napster a-t-il pu réunir 26 millions d’internautes en moins d’un an? Lorsqu’un produit est porté par le «buzz», cela relève d’un processus mystérieux qui n’a plus rien à voir avec la publicité classique. A l’heure d’Internet, l’hégémonie du spot télévisé a vécu. Les pros de la pub en ont fait une nouvelle science: le «marketing viral».
Le principe de base: cibler en priorité les individus qui forment les goûts de la communauté des internautes. Une fois les précurseurs conquis par un nouveau produit, les utiliser pour propager le mouvement, simplement par bouche à oreille. Dans l’économie traditionnelle, on considère qu’un individu peut influencer le comportement d’achat de deux autres consommateurs. Sur le web, un internaute acquis à un produit en parle à jusqu’à huit personnes qui, à nouveau, sont susceptibles d’en convertir huit autres. Une progression de type épidémique.
L’expression «marketing viral» est apparue en 1997 pour qualifier la stratégie du site Hotmail. Chaque e-mail envoyé par l’intermédiaire de la messagerie gratuite comprend un lien qui permet de devenir à son tour client du site. Une publicité qui s’auto-reproduit.
Résultat: le nombre d’utilisateurs de Hotmail a suivi une courbe exponentielle. Le long-métrage «The Blair Witch Project», évoqué à l’époque de sa sortie par Largeur.com, a bénéficié du même type de phénomène.
Film d’horreur artisanal, «The Blair Witch Project» sort en juillet 1999 dans un nombre de cinémas dérisoires, à peine 27 salles dans tous les Etats-Unis. A la surprise générale, il fait instantanément un malheur. Produit pour 35’000 dollars (56’000 francs suisses), il en rapportera 140 millions (220 millions de francs suisses) en deux mois d’exploitation.
Les distributeurs du film n’ont pas financé d’affiches, ni de spots publicitaires. Ils ont tout juste pu allouer 15’000 dollars au financement d’un site Internet, devenu aujourd’hui un modèle.
«The Blair Witch Project» est un vrai faux documentaire sur la disparition de trois étudiants dans une forêt du Maryland. Le site restitue scrupuleusement le contexte d’un fait divers, avec les rapports de la police, l’interview de la mère de l’héroïne, les journaux télévisés… Le tout totalement fictif mais diablement prenant. L’adresse s’est répandue comme un traînée de poudre et, au total, le site a reçu 75 millions de visites.
Preuve que le concept de marketing viral est dans l’air, deux livres sur ce sujet sortent cet automne. Seth Godin est l’auteur d’un opuscule nerveux, «Unleashing the Ideavirus». Emanuel Rosen signe un ouvrage plus académique: «The Anatomy of Buzz».
Pour les deux auteurs, ceux qui propagent le virus sont des célébrités, les acteurs proéminents d’une industrie autant que les gens ordinaires qui connaissent beaucoup de monde et passent le mot.
Afin d’atteindre cette clientèle, quelques trucs simples: être large en échantillons et en rabais, offrir un cadeau à ceux qui amènent de nouveaux clients, publier les avis de consommateurs satisfaits sur le site. Et surtout, distribuer le produit le plus largement possible. Microsoft a par exemple offert 450’000 copies de Windows 95 avant même que le logiciel ne soit sur le marché.
Godin applique à la lettre ces principes à sa promotion personnelle. Sur son site ideavirus.com, il a mis à disposition le contenu de son manifeste avant que le livre n’arrive en libraire. Et il encourage les visiteurs à s’approprier le texte et à l’envoyer à des amis.
Les consultants en communication Burson-Marsteller et Ropers Starch Worldwide ont étudié le profil de ces individus au pouvoir exponentiel sur le Net. Ils les ont baptisées les «e-fluentials», des multiplicateurs d’opinion de différents types.
Il y a par exemple le «Communicateur», qui reçoit et envoie deux fois plus de e-mails que la moyenne des internautes. L’ «Eponge» est celui qui absorbe une quantité d’informations et les répercute. Le «Fan» de technologie fonctionne comme un expert d’internet, scotché au réseau plus de deux heures par jour. Enfin, le «Découvreur» est un maniaque qui essaye tout ce qui sort sur le marché et en parle. Et vous, de quel type êtes-vous?
