En tant que Romande installée à Zurich, j’ai longtemps eu de la compassion pour ces Alémaniques qui parlent une langue si dissonnante, alors que le français est tellement beau… D’ailleurs, chez nos compatriotes germanophones, personne ne vous dira le contraire. Le français, c’est beau. Seulement, c’est pas très «trendy» pour les jeunes, les fans de Britney Spears ou du rappeur Eminem.
Certes, beaucoup d’Alémaniques ont pris la peine d’étudier l’accord du participe passé: la génération soixante-huitarde maîtrise le français de façon tout à fait spectaculaire. Mais si ces intellectuels se sont accrochés aux conjugaisons irrégulières, ce n’est pas par fascination pour Genève ou Neuchâtel mais hypnotisés par les lumières de Paris. Pour ceux-là, la Suisse romande avait les attraits d’un avant-poste du Quartier Latin, avant les restaurants grecs.
C’est que la France de ces années n’était pas en mal de grands esprits. Malraux, Sartre ou Camus chez les écrivains… Baudrillard, Bourdieu, Barthes en sciences humaines… Au cinéma, la nouvelle vague avec Truffaut, Godard, Louis Malle… Et les actrices: Jeanne Moreau, Catherine Deneuve, Romy Schneider. Et Belmondo ou Delon en jeunes premiers.
Dans les années 60, Brigitte Bardot créait l’émeute en se baignant nue à St-Tropez. Aujourd’hui, Vanessa Paradis chante en anglais et vit exilée à Los Angeles avec l’américain Johnny Depp, son joli fiancé. Les kids et teenies d’aujourd’hui se reconnaissent dans le cinéma du Français Luc Besson. Un réalisateur qui tourne en anglais à Hollywood, des films avec Bruce Willis.
Côté romans-culte, Georges Pérec, Marguerite Duras ou Nathalie Sarraute ont laissé la place à Alex Garland («Beach »), Bret Easton Ellis («American Psycho») ou Nick Hornby («High Fidelity»).
L’influence de la France était internationale, lorsque les événements de mai 68 insufflaient aux Etats-Unis un vent de révolte. Aujourd’hui, c’est une vague bien moins idéaliste qui revient d’outre Atlantique. La nouvelle économie déferle sur le Vieux Continent avec son world wide web, ses CEOs en baskets et ses success-stories.
Il y a trente ans, la série «Sex in the City» se serait déroulée sur les grands boulevards, entre le Flore et la Coupole. Ou au Louvre, comme «Belphégor». Maintenant, c’est à New York qu’il faut parler séduction et états d’âme. La bodybuildée Sarah Jessica Parker a succédé à la mystérieuse Juliette Greco.
Bref, l’anglais, c’est la langue de ce qui est à la fois hot et cool. Mais, même si le français paraît désespérement «out», il reste une consolation aux francophones que nous sommes. Notre accent est toujours le plus sexy du monde.