«Mon fils est constamment en train de tapoter sur son mobile. Même quand on mange, il envoie des messages discrètement, sous la table, à l’aveugle. Le mois dernier, il a expédié environ 600 messages, soit une vingtaine par jour en moyenne!»
Père d’un garçon de 18 ans, Gérard peut témoigner du succès phénoménal des SMS, ces petits messages textuels envoyés depuis les téléphones mobiles. En Suisse, les 4 millions d’utilisateurs de portables s’envoient chaque mois près de 95 millions de ces missives électroniques, soit 3 millions par jour.
Ce taux de près de 25 messages par mois et par personne est l’un des plus haut d’Europe. La messagerie SMS (short message system) représente une source non négligeable de revenus pour les opérateurs. Orange et Diax facturent 25 centimes par envoi. Swisscom annonçait hier une baisse de son tarif d’expédition, qui passe de 30 centimes à 20 centimes, devenant le plus avantageux du marché.
«Deux millions de SMS circulent chaque jour sur notre réseau, sans compter les messages automatiques relayés par les boîtes vocales, se réjouit Jacques Bettex, porte-parole de Swisscom. Nous n’aurions jamais imaginé que cet outil connaîtrait un succès pareil. En un an, le volume a été multiplié par trois.»
Swisscom réalise un chiffre d’affaire mensuel d’environ 600’000 francs avec les messages courts de ses 2,7 millions d’abonnés. Son concurrent Orange enregistre 10 à 15 millions d’envois par mois pour 700’000 abonnés, une quantité comparable à celle de Diax (660’000 envois par jour pour 675’000 clients).
Ce trafic impressionne les opérateurs des pays limitrophes. Un usager mobile français envoie en moyenne quatre fois moins de SMS qu’un Suisse: «Le réseau Itinéris véhicule chaque mois 60 millions de messages, indique Alexandre Brouillou de France Télécom. Mais nous avons 11 millions d’abonnés, soit 4 fois plus que Swisscom. Notre objectif est d’atteindre 850 millions d’envois sur l’ensemble de l’année 2000.» Les prix français sont comparables (25 centimes suisses par transmission).
L’envoi de SMS n’a pourtant rien de pratique: les claviers minuscules des mobiles sont clairement inadaptés à l’introduction de texte (appuyer quatre fois sur le chiffre 7 pour obtenir la lettre s). Mais ces petits messages de 160 caractères sont en passe de devenir le nouvel art épistolaire de la pop culture: mieux que l’e-mail (parce que vraiment mobile), mieux que le téléphone (parce qu’écrit et donc pensé), et mieux que le télégramme ou la lettre (parce qu’instantané). De plus, l’envoi est discret, personnel et bon marché.
Ce sont certainement les tarifs qui incitent les jeunes à utiliser les SMS plutôt que d’appeler leurs amis. Les opérateurs l’ont bien compris. «En baissant le prix des SMS, nous espérons séduire les jeunes qui seront les gros clients de demain, reconnaît Jacques Bettex. Nous ne voulons par leur vider les poches aujourd’hui, mais plutôt les fidéliser à nos services pour qu’ils restent abonnés chez nous par la suite.» Pour séduire les jeunes, Swisscom a déjà lancé l’an dernier la formule «Natel Skyline», destinée au moins de 22 ans, qui offre notamment 30 SMS gratuits par mois.
Le coût de transmission de messages courts reste pourtant très élevé par rapport à l’utilisation effective du réseau, comme l’explique Jean-Luc Seyer, spécialiste des télécoms:
«Un téléphone mobile reçoit les données informatiques à une vitesse maximale de 9600 bps (bits par seconde). Chaque caractère est codé sur un octet, soit 8 bits. Pour envoyer un SMS de 160 caractères (la taille maximale), le réseau est ainsi occupé pendant 0,13 secondes (160*8/9600). Je compte le double, soit 0,25 secondes, car le protocole de transmission nécessite quelques octets supplémentaires. Pour l’occupation de son réseau pendant ce quart de seconde, l’opérateur facture ainsi 20 centimes. Un montant qui place le tarif de la communication à 48 francs par minute (0,20 * 4 * 60), soit 100 fois plus qu’un appel vocal.»
Une preuve de plus que les tarifs n’ont pas grand chose à voir avec l’utilisation réelle des infrastructures mais dépendent directement des stratégies de marketing des opérateurs…
Pour terminer, voici quelques sites qui permettent d’envoyer gratuitement des messages courts en Suisse et ailleurs depuis son PC:
– Bluewin
– Branchenbuch
– MTNSMS