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La Chaux-de-Fonds, carrefour horloger

De nombreuses marques horlogères sont intimement liées à la ville neuchâteloise. Elles y trouvent une tradition de savoir-faire et de l’inspiration.

La Chaux-de-Fonds est depuis longtemps connue sous un autre nom: «Métropole horlogère.» La pratique de l’art horloger y remonte à la fin du XVIIe siècle. Au fil des ans, l’artisanat des débuts se mue en industrie. Aujourd’hui, l’ensemble des activités horlogères y trouvent leur berceau et la ville vit à leur rythme. C’est donc tout naturellement que de nombreuses marques s’y sont établies.

«L’horlogerie a modelé le visage de La Chaux-de-Fonds», souligne Willy Schweizer, conservateur du musée Girard-Perregaux. Dès le début du XIXe siècle, après le grand incendie qui a ravagé la ville en 1794, un plan d’urbanisme innovant est imaginé: les rues doivent être larges et droites, orientées d’est en ouest, suivant la course du soleil. La hauteur des maisons est réglementée. Tout est calculé pour que même le 21 décembre, au moment où le soleil est au plus bas sur l’horizon, l’astre éclaire toutes les façades du matin au soir, aucune maison ne faisant d’ombre à une autre.

«À une époque où la lumière artificielle était inefficace, les horlogers disposaient du meilleur éclairage qui soit, celui du soleil», confirme Willy Schweizer. Cette particularité, unique au monde, a valu à la ville d’être inscrite dans la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. On le voit, s’il est une ville dont le destin est intimement lié à l’horlogerie, c’est bien La Chaux-de-Fonds. Au début du XXe siècle, plus de la moitié des montres de la planète y étaient produites. On y comptait pas moins de 3’000 ateliers dans lesquels des ouvriers spécialisés œuvraient.

Le retour de Breitling

Girard-Perregaux a grandi avec sa ville: les artisans horlogers de l’époque ont fait place à des spécialistes réunis sous un même toit, au cœur de la cité. «Plutôt que de loger la manufacture dans une construction neuve et sans âme, Girard-Perregaux l’a installée dans un bâtiment du début du XXe siècle, soigneusement restauré, note le conservateur. Édifié entre 1905 et 1918, il a retrouvé ses décors en trompe-l’œil typiques de cette période.»

De son côté, Breitling a fait un retour remarqué au sein de la Métropole horlogère en 2012. La marque a inauguré aux portes de la ville, non loin de l’aéroport des Éplatures, un nouveau complexe baptisé Breitling Chronométrie. Objectif: fabriquer ses calibres manufacture haute performance et réussir le pari fou du «100% chronomètres». Breitling Chronométrie permet à la société de s’assurer le contrôle de toutes les opérations essentielles, de l’usinage des ébauches au réglage final. Le complexe est situé à deux pas du bâtiment historique de la ruelle Montbrillant, qui abrita de 1892 à 1979 les ateliers Breitling — le siège de la marque se trouve aujourd’hui à Granges (SO).

Une nature inspirante

Pour sa part, Jaquet Droz a installé sa première manufacture à La Chaux-de-Fonds, en 1738. Son fondateur, Pierre Jaquet Droz, y était originaire. C’est également dans les Montagnes neuchâteloises que les trois célèbres automates l’Écrivain, le Dessinateur et la Musicienne sont présentés au public. L’horloger du XVIIIe siècle était particulièrement fasciné par le panorama typique de La Chaux-de-Fonds et sa nature environnante. Une source d’inspiration qui l’a amené à développer divers pendules, automates et montres de poche ornées d’oiseaux, plus précisément de mésanges bleues, espèce typique de la région. De nombreuses pièces antiques sont encore aujourd’hui conservées dans le canton, notamment au sein des différents musées — Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel (MAHN), Musée international d’horlogerie, Musée d’horlogerie du Locle — ainsi que dans les locaux des Ateliers de Haute Horlogerie Jaquet Droz.

«Notre marque a ses racines à La Chaux-de-Fonds et fait partie intégrante du patrimoine historique neuchâtelois, résume Christian Lattmann, CEO de Jaquet Droz. C’est donc une évidence pour nous d’avoir notre siège en ces terres.» Les horlogers et artisans de la société continuent aujourd’hui de puiser leur inspiration dans le paysage de la région, notamment pour la conception des montres automates, telles que la Charming Bird ou encore la Bird Repeater, qui reprennent les scènes naturelles que sont le Saut du Doubs et le Creux du Van.

«La proximité de l’École d’art appliqué de La Chaux-de-Fonds représente également un atout pour découvrir de nouveaux talents en termes de métiers d’art, poursuit Christian Lattmann. Nous travaillons aussi en collaboration avec divers musées, fournisseurs et artisans de la région. Il est important pour nous de sauvegarder ce patrimoine historique horloger. C’est pourquoi nous développons des partenariats avec différentes entités telles que l’Association Automates et Merveilles pour la restauration de pièces antiques Jaquet Droz ou le MAHN pour la conservation des trois automates.»

Réseau de fournisseurs dense

Cet attachement se lit également dans le choix du bâtiment qui abrite le siège de l’entreprise. Moderne, il reflète les codes esthétiques minimalistes et épurés de la maison, tout en s’intégrant en harmonie au paysage. Ses grandes façades vitrées laissent entrer la lumière naturelle nécessaire au travail des artisans et horlogers, et permettent d’admirer le paysage. On relèvera que lors de la construction de l’Atelier de Haute Horlogerie en 2010, Jaquet Droz a acheté 2500 m2 de terrain, ce qui laisse encore une possibilité d’extension à l’entreprise dans le futur.

De son côté, Cartier part dès le début des années 1970 à la recherche de partenaires en Suisse afin de proposer à sa clientèle une collection d’objets de luxe à un prix abordable. Fabriquées jusque-là en France, les montres de la marque trouvent en La Chaux-de-Fonds un bassin d’emploi spécialisé et un réseau de fournisseurs dense.

La montre symbole Tank Louis Cartier est parmi les premières à naître des mains d’horlogers helvétiques. Peu à peu, le périmètre des activités s’élargit et la société commence son processus de verticalisation, intégrant progressivement le savoir industriel de ses partenaires en les rachetant. La construction d’une nouvelle manufacture en périphérie de La Chaux-de-Fonds, en 2001, et la création de Cartier Horlogerie en 2003 ont permis de rassembler sur un site tous les métiers du développement, de la fabrication et du service clients. Ce site pilote l’activité globale de l’horlogerie de la marque et comprend 10’000 m2 de production et 33’000 m2 de bâtiments. Un chapitre récent de l’histoire de la manufacture s’est écrit en 2014 : la création de la Maison des Métiers d’art, un espace de 1500 m2 — réunissant une trentaine de collaborateurs — que Cartier consacre à la rencontre entre les métiers d’art et le savoir-faire horloger.

Tradition d’innovation et de savoir-faire

«Une longue tradition d’innovation et de savoir-faire est concentrée dans cette région unique, souligne Stephen Forsey, cofondateur de la marque Greubel Forsey. Notre implantation dans ce paysage empli d’histoire est spécifiquement due à cette source brute de diversité de talents qui ne demande qu’à être cueillie.» Autrefois installée dans l’Ancien Manège de La Chaux-de-Fonds et sur une dizaine de sites, Greubel Forsey a pris racine dans son nouvel environnement aux Éplatures en 2009.

Le site compte deux bâtiments distincts mais reliés. L’Atelier, dessiné par l’architecte neuchâtelois Pierre Studer, abrite la manufacture. Tel un soulèvement de terrain doté d’un toit végétal, il s’ouvre sur la région et s’intègre avec douceur au paysage. Le second édifice, la Ferme neuchâteloise, est une antique bâtisse horlogère du XVIIe siècle rénovée par Gilles Tissot, expert en restauration de vieilles fermes. Elle incarne concrètement cet attachement au patrimoine régional. «La symbiose des deux bâtiments, à l’image des garde-temps de notre marque, représente de manière physique notre enracinement dans la tradition et ce dynamisme contemporain», ajoute Stephen Forsey.

Aujourd’hui, la marque s’investit dans des projets comme Time Æon Foundation ou Naissance d’une Montre, qui s’attachent à la protection et à la transmission des techniques traditionnelles et du savoir-faire horloger pour le futur. Greubel Forsey a également annoncé, lors du SIHH 2017, avoir élaboré une nouvelle technologie permettant de fabriquer de minuscules pièces mécaniques. Développée dans le cadre du projet «mechanical nano», elle permettra de réduire de 90% la taille des composants mécaniques. Conséquence: 60 fois moins d’énergie sera nécessaire que pour une montre traditionnelle. La première pièce «mechanical nano» est prévue pour 2019.

Un engagement pour le futur

Autre marque intimement liée à La Chaux-de-Fonds, TAG Heuer s’y est installée en 2000. L’entreprise cherchait alors à déménager de Marin (NE) afin de pouvoir réunir dans un seul et même bâtiment toutes les équipes, des services généraux à la production en passant par la recherche et développement, le développement produits et les stocks. «Le choix de La Chaux-de-Fonds, l’un des berceaux horlogers, s’est fait tout naturellement», relève Catherine Eberle-Devaux, responsable du patrimoine pour la marque. Elle rappelle par ailleurs que le tout premier atelier Heuer était basé à Brügg (BE), petit village près de Saint-Imier (BE), d’où la famille Heuer était originaire. On relèvera pour terminer que, depuis 2017, la nouvelle ligne d’assemblage de microprocesseurs de la montre connectée de la marque se trouve également dans la ville horlogère. Un signe additionnel qui témoigne de l’engagement fort du secteur horloger pour le futur de la ville.
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Une version de cet article est parue dans le magazine L.A Magazine (no 20).