LATITUDES

Quand la science crée la vie

Grâce à la médecine et à l’assouplissement de la loi, les couples infertiles ont aujourd’hui plus de chance de concevoir un enfant. Mais le parcours reste sinueux et extrêmement éprouvant.

Le 25 juillet 1978, tous les regards étaient braqués sur l’hôpital d’Oldham, au nord-est de Manchester (UK). Ce jour-là est née Louise Brown, le premier «bébé-éprouvette» au monde, c’est-à-dire conçu par fécondation in vitro (FIV). Depuis, des millions d’enfants ont vu le jour aux quatre coins du monde grâce à cette technique de procréation médicalement assistée (PMA), qui s’est progressivement sophistiquée. En 2009, c’est à Genève que la première naissance par fécondation assistée in vivo a eu lieu. Très médiatisés, ces événements ont redonné espoir aux couples infertiles. Au point, parfois, de leur laisser croire qu’il suffit de consulter pour enfanter.

Or, selon l’Office fédéral de la statistique, en 2014 seuls 37,1% des femmes traitées en Suisse sont tombées enceintes. Dans 72% des cas, cette grossesse a abouti à une naissance. «Le taux de succès d’une FIV se situe aux environs des 30% en moyenne, précise Nicolas Vulliemoz, responsable de l’Unité de médecine de la reproduction (UMR) au CHUV. Ce chiffre dépend grandement de l’âge maternel: il atteint 40 à 50% avant 30 ans et retombe à 10-15% au-delà de la quarantaine.»

Pour le spécialiste, la démocratisation de la FIV a également eu un impact négatif sur la recherche dans le domaine: «Son succès limite les investissements pour développer d’autres techniques et raréfie les fonds de recherche attribués à la médecine reproductive», déplore-t-il.

Car, malgré son efficacité dans de multiples cas, elle ne permet pas de répondre à tous les problèmes de fertilité. D’autres avancées sont aujourd’hui attendues, notamment celles qui concernent la production «artificielle» de spermatozoïdes et d’ovocytes (lire point 2 ci-dessous).

Parallèlement aux progrès de la science, la loi évolue aussi en la matière: en juin 2016, les Suisses ont accepté la modification de la loi sur la procréation médicalement assistée (LMPA), assouplissant les contraintes et augmentant les chances de mener une grossesse à terme (voir lexique ci-dessous). Des voix s’élèvent également pour améliorer l’encadrement psychologique des patients et des patientes tout au long d’une prise en charge qui reste coûteuse d’un point de vue financier, mais aussi sur le plan émotionnel.

1. DES CAUSES PLURIELLES
ELLE, LUI ET LE COUPLE

Contrairement aux idées reçues, l’infertilité ne touche pas que les femmes. «L’infertilité féminine est en cause dans seulement 30% des cas, indique Nicolas Vulliemoz. Les hommes sont responsables d’un autre tiers et l’infertilité dite «de couple» du troisième tiers. Quant aux 10% restants, ils échappent pour l’instant à nos connaissances.»

Chez les femmes, le réservoir d’ovocytes (les cellules sexuelles qui deviennent des ovules) est déterminé à la naissance. Leur maturation prend fin à la ménopause. L’âge est donc un facteur d’infertilité. «Le dysfonctionnement des ovaires, l’obstruction des voies d’entrée des spermatozoïdes à destination de l’ovocyte ou encore l’endométriose sont d’autres causes courantes de difficulté à concevoir», précise Nicolas Vulliemoz. C’est l’absence, le nombre insuffisant ou l’anomalie des spermatozoïdes qui sont les causes principales de l’infertilité chez l’homme. «Un spermogramme définit si la morphologie, la mobilité et le nombre des spermatozoïdes sont satisfaisants, précise Laurent Vaucher, urologue à l’UMR et à la Clinique de Genolier (VD). Toutefois, cet examen ne renseigne pas sur la fécondité des spermatozoïdes, c’est un simple indicateur.»

Les partenaires d’un couple peuvent avoir des analyses dans la norme et pour autant être en situation d’infertilité. «Dans ce cas, il y a probablement un cumul de facteurs négatifs, indique l’urologue. Deux résultats d’analyse moyens chez les deux partenaires sont souvent plus problématiques que des éléments forts chez l’un uniquement. Pour l’heure, nous ne comprenons pas totalement ces phénomènes d’infertilité de couple.»

Quand soigner rend infertile

Des traitements peuvent aussi anéantir les possibilités de procréer. Les produits de chimiothérapie ou de radiothérapie par exemple, toxiques pour les cellules reproductrices, peuvent induire une infertilité transitoire ou définitive chez les deux sexes. En Suisse romande, le Réseau romand de cancer et fertilité (RRCF) soutient les patients concernés. Des techniques sont aujourd’hui disponibles pour préserver la fertilité, notamment celles de la congélation des gamètes (ovules et spermatozoïdes) avant les traitements.

Pour les femmes, la congélation d’ovocytes par vitrification est un progrès majeur, estime Sébastien Adamski, responsable de la banque de sperme de l’UMR. «Grâce à elle, le succès des grossesses après congélation atteint les mêmes taux que ceux obtenus avec des ovocytes frais. La vitrification prévient la formation de cristaux qui endommage l’ovocyte.» La congélation de spermatozoïdes est proposée depuis longtemps, mais reste problématique pour les jeunes garçons. «Ils n’ont pas encore de spermatozoïdes matures, indique Sébastien Adamski. En cas de traitement toxique, il est toutefois possible de prélever du tissu testiculaire immature et de le préserver en attendant l’arrivée hypothétique d’un protocole de maturation des cellules reproductrices.»

Contraception en cause

Certaines méthodes de contraception peuvent également être impliquées. La vasectomie, qui consiste à couper les canaux permettant aux spermatozoïdes de migrer, est une technique contraceptive très fiable, qui ne change en rien la faculté érectile ni l’éjaculât chez l’homme. L’éjaculât ne contient juste plus de cellules reproductives. «Il faut toujours considérer une vasectomie comme irréversible, prévient Laurent Vaucher. Dans les faits, on arrive facilement à relier les canaux aux testicules, ce qui permet à nouveau le passage des spermatozoïdes. Par contre, la vasectomie peut avoir des conséquences sur la spermatogenèse, qui n’est plus garantie à 100%.»

Quant à la pilule contraceptive féminine, elle a à de nombreuses reprises été accusée de favoriser la stérilité féminine. Pour Nicolas Vulliemoz, il est clair qu’elle ne péjore pas la fertilité des femmes. Il faut simplement observer une période sans contraception.

Laurent Vaucher indique «qu’une augmentation des œstrogènes (une hormone sécrétée par les ovaires et contenue dans certaines pilules contraceptives) est clairement observée dans les nappes phréatiques — car véhiculée par l’urine des femmes. Si la dose est trop élevée, cela peut poser des problèmes chez l’homme, car ce sont des perturbateurs endocriniens qui agissent sur la production de spermatozoïdes.»

2. AVANCÉES TECHNOLOGIQUES: AU-DELÀ DE LA FIV
DES PROGRÈS SOUS LE COUP DE LA LOI

Pour répondre aux défauts de fertilité, la médecine possède un arsenal qui s’orchestre autour de la FIV. Dans certains cas, les troubles de la spermatogenèse ou de l’ovulation peuvent être corrigés par la prise de médicaments; pour induire l’ovulation chez la femme, des hormones lui sont administrées. Une insémination artificielle de spermatozoïdes dans l’utérus est dans certains cas nécessaire.

En Suisse, les assurances remboursent trois inséminations. En cas d’échec, une FIV (non remboursée) est tentée dans la majorité des scénarios. Les ovocytes imprégnés sont mis en culture pour obtenir des embryons. Trois sont choisis aléatoirement (standards suisses actuels) pour être transférés dans l’utérus. En cas d’infertilité masculine, les ovocytes ne sont plus incubés, mais injectés avec un seul spermatozoïde (injection intracytoplasmique d’un spermatozoïde, ICSI). La nouvelle loi sur la LPMA, votée en 2016, va permettre, une fois son application effective, la culture de 12 embryons, de les congeler et de pouvoir effectuer un diagnostic préimplantatoire, sous des conditions strictes. «Nous préserverons les futurs bébés de certaines maladies génétiques, mais surtout nous pourrons sélectionner les embryons avant leur transfert, ce qui rendra les traitements plus efficaces et diminuera le taux de grossesses multiples. Cette nouvelle loi permettra d’atteindre les standards internationaux de la PMA en Suisse, tout en restant un garde-fou nécessaire», se réjouit Nicolas Vulliemoz.

A l’international, la recherche avance et pourrait offrir à terme des solutions complémentaires. Une avancée attendue est la production de cellules génératrices de spermatozoïdes in vitro. «Plusieurs groupes de recherche internationaux ont annoncé avoir reproduit des spermatozoïdes de souris, qui ont donné naissance à des souriceaux», indique Laurent Vaucher.

Un domaine de recherche moins avancé vise à générer des spermatozoïdes à partir de cellules souches de la moelle ou de la peau chez l’animal. «Certaines de ces techniques pourraient bien aboutir dans quelques années. Néanmoins, le processus de maturation est plus complexe chez l’homme que chez la souris», précise Sébastien Adamski.

La production de gamètes artificiels permettrait de ne plus dépendre des dons. «Les donneurs de sperme ne sont pas assez nombreux, regrette Sébastien Adamski. Quant à ceux d’ovocytes, ils sont tout simplement interdits en Suisse.» Une situation qui contraint de multiples couples helvétiques à se rendre à l’étranger pour bénéficier d’un tel don.

3. ENTENDRE LA SOUFFRANCE
UN ENCADREMENT PSYCHOLOGIQUE NÉCESSAIRE

Au-delà de la prise en charge médicale, les spécialistes recommandent vivement aux couples de suivre un encadrement psychologique. C’est d’ailleurs une prestation imposée par la LPMA avant, pendant et après les traitements. «Le chemin n’est pas simple, prévient Danièle Besse, conseillère en santé sexuelle à l’UMR. Lors de la recherche des causes de l’infertilité, l’un ou l’autre des partenaires peut se sentir responsable, voire coupable, ce qui peut questionner le couple.» De plus, une fois le diagnostic posé, un traitement plus ou moins complexe va être proposé. «Les couples ne s’attendent pas forcément aux effets des traitements sur leur corps et leur sexualité. Ils sous-estiment l’éventualité d’un échec. La PMA est une succession d’attente, d’espoir et de revers qui, telles des montagnes russes, mettent le psychisme à rude épreuve», précise-t-elle.

«Souvent, les couples se sentent mal écoutés, voire pas soutenus par la médecine», indique Estelle Métrot, spécialiste de l’accompagnement en préconception entre Genève et Paris, et auteure de l’ouvrage 1001 fécondités. Il est crucial d’associer à l’innovation médicale des espaces d’écoute.»

La souffrance peut affecter les deux membres du couple. «Certaines ne se sentent femmes que si elles peuvent être mères», indique Danièle Besse. Les hommes associent plus facilement la fertilité à la virilité, et de ce fait, peuvent mal vivre l’infertilité.» Estelle Métrot précise que malgré tout la médecine reproductive sollicite beaucoup plus le corps de la femme. «Beaucoup plus d’examens sont proposés à la femme lors de l’exploration et du traitement. C’est elle que l’on va stimuler, ponctionner et qui ouvre son corps au regard des autres régulièrement.»

Face, entre autres, à un soutien inapproprié, la Genevoise Pascale de Senarclens a d’ailleurs choisi de mettre fin aux traitements (lire témoignage ci-dessous). «La technologie ne comble pas l’impact émotionnel.»
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INTERVIEW

«Envisager une vie sans enfants est moins stigmatisé que par le passé»

La baisse de la fécondité dans les pays occidentaux est en constante progression. La sociologue à l’université de Lausanne Laura Bernardi en explique les causes.

Les comportements en matière de fécondité ont énormément évolué au cours du XXe siècle. Dès 1900, le nombre moyen d’enfants par femme résidant en Suisse a fortement diminué, passant de 3,7 à 1,8 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. A partir de 1938, ce taux remonte pour atteindre 2,6 en 1945. Depuis 1975, il est stable, fluctuant entre 1,5 et 1,6 pour l’ensemble des femmes. Les explications de Laura Bernardi.

Un nombre grandissant de couples ne réalise pas leurs souhaits de fécondité. Quelles en sont les raisons?
Les couples reportent souvent leur parentalité à plus tard, car elle est perçue comme difficilement conciliable avec la formation ou l’entrée dans le marché du travail. Une des raisons de ce report est l’augmentation de la durée des formations supérieures et le fait que de plus en plus de femmes les suivent. A cela, il faut ajouter la précarité prolongée avant le premier emploi susceptible d’assurer les moyens pour créer une famille.

Quelle est la situation en Suisse?
Elle n’est pas bonne! Ici, c’est surtout le coût par enfant qui limite leur nombre par famille.

L’évolution des normes et des comportements est-elle aussi responsable?
Envisager une vie sans enfants est moins stigmatisé que par le passé. Les individus attachent plus d’importance à la réalisation personnelle qu’à la famille. Depuis la normalisation de la contraception, la sexualité est moins associée à la reproduction. Décider d’avoir un enfant passe donc par le choix d’interrompre un comportement par défaut, la contraception, pour pouvoir procréer. C’est une révolution copernicienne dans le processus de décision menant à la parentalité.

La solution est-elle politique?
Oui, la politique peut améliorer la compatibilité entre parentalité, formation, travail et loisirs. Les limites d’âge pour les emplois et la formation doivent s’assouplir, salaires et congés parentaux doivent être rendus équitables entre les genres. De plus, les frais et horaires de garde et de scolarité doivent demeurer compatibles avec ceux des deux parents qui travaillent.
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TEMOIGNAGE

«Nous avons opté pour le don d’ovocytes à l’étranger»

P. et B.*, un couple de Genevois, s’est rendu en Espagne pour bénéficier d’un don d’ovocytes. Ils racontent leur parcours, qui a abouti à la naissance d’un petit garçon.

Dans le berceau, le bébé de 8 mois tente ses premiers retournements sous l’œil attentif de ses parents. Le bonheur régnant contraste avec la décennie semée d’embûches qui a mené à cet instant. «Ça a duré une éternité, raconte la jeune maman. Après trois ans de tentatives sans tomber enceinte, mon compagnon et moi avons consulté un spécialiste de la médecine reproductive en Suisse. Nos tests étaient corrects, hormis un nombre restreint de spermatozoïdes. Trois inséminations artificielles plus tard, nous n’avions toujours pas d’explications médicales. C’est lorsque nous sommes passés aux FIV que le biologiste a découvert la faiblesse de mes ovocytes. Comme le médecin restait positif, nous avons retenté une FIV, sans succès. Le manque d’explications nous a poussés à consulter ailleurs.»

Leur nouveau médecin a proposé des alternatives: «Il a découvert que je souffrais d’endométriose et m’a opérée. Les espoirs étaient alors réels, mais lorsqu’il a vu l’état de mes ovocytes lors de la troisième FIV, il a été très clair: adoption ou don d’ovocytes. Après sept années de combat, nous voulions nous laisser encore une chance et avons opté pour l’Espagne.»

Là-bas, le plus déroutant a été l’exposition à la «médecine business». «Pour nous faire traiter, nous avons fait la queue comme chez le boucher.» L’organisation relative à ce type de déplacement est compliquée. «Il faut prendre congé, subir les effets secondaires des traitements hormonaux et gérer le quotidien avec le travail sans pouvoir en parler. D’autant plus que les deux premiers transferts se sont soldés par un échec puis, enfin, le troisième a fonctionné!»

Après un important travail sur elle-même, la mère a bien vécu le don, puis la grossesse. Le couple a investi plus de 60’000 francs pour l’ensemble des traitements. Ce n’est pas l’absence de prise en charge financière qui l’interroge: «Mais pourquoi donc le don de sperme est-il autorisé en Suisse alors que celui d’ovocytes ne l’est pas?»

*Noms connus de la rédaction
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VRAI / FAUX

«Les dons de sperme sont anonymes»
FAUX. En Suisse, les enfants issus de dons peuvent obtenir l’identité du donneur dès l’âge de 18 ans. Avant la conception, un donneur est attribué en fonction de l’ethnicité, la couleur des cheveux et des yeux. Chaque pays dispose de sa législation: certaines banques de sperme étrangères proposent des photos, voire les pages Facebook des donneurs, en fonction du prix payé par les receveurs.

«La fertilité mondiale est en baisse»
FAUX. C’est la fécondité qui est en baisse, soit la réalisation du désir d’enfant. Bien qu’il soit reconnu que les hormones et les pesticides causent une baisse du nombre de spermatozoïdes chez les hommes, «leurs taux restent néanmoins largement au-dessus de la valeur pour parler d’infertilité», précise Laurent Vaucher. Une étude publiée dans la revue PLOS en 2012 le confirme. Réalisée entre 1990 et 2010, elle indique qu’il n’y a pas de baisse de fertilité mondiale, sauf en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne.

«La greffe d’un utérus est possible»
VRAI. En 2015, le premier enfant issu d’une mère ayant reçu une greffe d’utérus est né en Suède. L’étude, publiée dans The Lancet, rapporte que la mère a été transplantée d’un utérus ménopausé donné par une amie de 61 ans. Un an après la transplantation, la mère a recouru à une FIV avec ses propres ovocytes et les spermatozoïdes de son mari. «C’est une technique très complexe, qui comporte de nombreux risques. On doutait de sa faisabilité, ce qui rend cette première médicale importante», précise Nicolas Vulliemoz.

«Un donneur de sperme peut être le père biologique de centaines d’enfants»
FAUX. En Suisse, les dons sont limités à huit enfants par donneur afin de ne pas favoriser la consanguinité.
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CHIFFRES

La fécondité en suisse

85’648
Le nombre de naissances en 2016. Il s’agit de 43’759 garçons et 41’889 filles.

31,9
L’âge moyen de la mère à la naissance de l’enfant en 2016.

6’269
En 2014, le nombre de couples ayant eu recours à la fécondation in vitro. Cela a permis la naissance de 1’955 enfants.

28’483
Le nombre d’accouchements par césarienne en 2015, ce qui équivaut à plus d’un accouchement sur trois.

Source: Office fédéral de la statistique
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ENCADRES

«La médecine ne soigne pas la difficulté émotionnelle»

La Genevoise Pascale de Senarclens est directrice de l’association genevoise Bloom and Boom qui œuvre notamment pour l’émancipation des femmes. Elle livre un témoignage issu de son expérience personnelle et des conférences-débats consacrées au désir d’enfant menées par son association.

«C’est mon compagnon de l’époque qui avait un fort désir d’enfant — plus que moi, je le reconnais. Quelque part, c’est la découverte de ma situation d’infertilité qui m’a donné envie de procréer. Cette envie est vite devenue problématique, une sorte de frustration causée par des performances féminines non accomplies, je ne me sentais plus femme, comme handicapée. Ça a été très dur de subir l’omniprésence de quelque chose que je ne désirais pas vraiment.» Une première consultation auprès d’un spécialiste a lieu en 2013. Pendant un an, la jeune femme enchaîne les traitements. «Ce fut un processus émotionnel compliqué fait de solitude, d’incompréhensions et de souffrances auxquelles la médecine n’a absolument pas pallié.»

Dans ces conditions, le couple décide de ne pas s’acharner et stoppe tous traitements. «C’est un choix rare, que j’attribue à mon très modéré désir d’enfant, car il est tout autre pour la majorité des femmes. Enfanter est si central qu’elles sont prêtes à tout. S’il y a arrêt des traitements, il survient après énormément de souffrances, d’argent dépensé, parfois de séparation, voire de dépression. A travers mon association, j’ai organisé de nombreux cercles de femmes sur ce thème et régulièrement les participantes parlaient des attitudes inappropriées des médecins. J’entends par là, un manque d’empathie et de la dureté, cette impression que l’on est des voitures qui passent chez le garagiste. C’est une forme de maltraitance émotionnelle qui fait presque systématiquement partie des parcours et cela me révolte.»
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Ovulation connectée
Les smart technologies peuvent aussi aider à procréer. C’est un bracelet connecté conçu en Suisse qui se démarque sur le marché: basé sur des mesures physiologiques corrélées aux variations du taux d’hormones (pouls, sommeil, température, etc.), l’accessoire de la start-up zurichoise Ava prédit les périodes d’ovulation. Validé par la FDA, il sera prochainement commercialisé en Suisse. La société Ava a par ailleurs levé 9,7 millions de dollars en novembre 2016. Le montant sera principalement investi dans la recherche et les études cliniques. Il y aurait déjà huit bébés Ava amenés à naître en 2017.
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Don d’ovocytes: une interdiction qui fait débat
Autorisé dans 20 pays européens, le don d’ovocytes demeure à ce jour interdit en Suisse. Voilà pourquoi plusieurs centaines de couples helvétiques se rendent chaque année à l’étranger pour y recourir (lire témoignage plus haut). Plusieurs parlementaires ont déjà soulevé la question, qui n’a pour l’heure pas trouvé de réponse: pourquoi interdire le don d’ovocytes alors que le don de sperme a été légalisé en 2001 avec l’entrée en vigueur de la première Loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA)?

En 2014, l’ancien conseiller national Jacques Neirynck (PDC/VD) déposait une initiative parlementaire afin d’autoriser la pratique. Le projet sera finalement abandonné en 2016. «Il n’y avait pas d’opposition sur le fond, commente Isabelle Chevalley (PVL/VD). Mais pour donner accès au don d’ovocytes, il faut modifier plusieurs lois. Certains parlementaires ont estimé à l’époque que c’était trop compliqué. Ce n’est pas un argument valable de mon point de vue.» En mars dernier, la conseillère nationale cosignait une motion pour demander au Conseil fédéral de légaliser le don d’ovocytes. S’il y consent, l’entrée en vigueur pourrait avoir lieu dans deux ans au plus tôt. «Un scénario très optimiste», selon Isabelle Chevalley.
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LEXIQUE

Endométriose
Il s’agit d’une maladie gynécologique qui tient son nom de l’endomètre, tissu qui tapisse l’intérieur de l’utérus. Chez certaines femmes, un tissu semblable à l’endomètre s’étend à l’extérieur de la cavité utérine, provoquant de fortes douleurs, des saignements, des adhérences, des kystes ovariens, augmentant ainsi le risque d’infertilité.

Fécondation in vitro
Lors de cette procédure médicalement assistée, la fécondation entre l’ovocyte et le spermatozoïde a lieu hors du corps de la femme, dans une éprouvette, en laboratoire, soit in vitro. L’embryon issu de cette manipulation est ensuite implanté dans l’utérus de la mère.

Fécondation in vivo
Lors de cette procédure médicalement assistée, un ovocyte et un spermatozoïde sont prélevés avant d’être directement implantés dans l’utérus. La fécondation a ainsi lieu au sein du corps de la femme, soit in vivo et non en laboratoire.

Ovocyte
Cellule féminine produite par les ovaires. Les ovocytes deviennent des ovules après maturation.

Spermatogenèse
Ce processus désigne la production de spermatozoïdes. Il débute à la puberté et s’effectue au sein des testicules.

LPMA
La Loi sur la procréation médicalement assistée réglemente les méthodes — telles que la FIV — permettant d’induire une grossesse artificiellement. En Suisse, cette loi date de 1998, mais a été modifiée en 2016. Elle permet aujourd’hui de prélever jusqu’à 12 ovocytes et d’effectuer un diagnostic préimplantatoire (DPI) sur les embryons afin de détecter une possible anomalie avant de les implanter dans l’utérus. Le DPI a pour but de n’implanter que des embryons sains et d’optimiser ainsi les chances de grossesse pour les couples en difficulté.
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Une version de cet article est parue dans In Vivo magazine (no 11).

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