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Les prisons se font des cheveux blancs

Le nombre de détenus âgés de plus de 60 ans a triplé dans les établissements suisses de privation de liberté. Plébiscitées par les responsables de l’encadrement de ces prisonniers seniors, les mesures spécifiques peinent à suivre.

En 1985, les prisons helvétiques abritaient quelque 55 détenus âgés de plus de 60 ans. Trente ans plus tard, ce chiffre a plus que triplé, pour atteindre 203, selon l’Office fédéral de la statistique. Et le vieillissement de la population carcérale suisse ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin: en 2030, le nombre de seniors derrière les barreaux pourrait s’élever à pas moins de 600 individus. Si l’on inclut dans la statistique les détenus âgés de 50 ans et plus, les chiffres sont encore plus parlants: en trois décennies, leur nombre a bondi de 236 à 691. Plusieurs facteurs expliquent la forte progression du nombre de détenus âgés dans le pays: hausse de l’espérance de vie moyenne et rebond de la criminalité parmi les seniors, mais aussi restriction des libérations et sévérité accrue des peines (par exemple les mesures d’internement). Une tendance qui se dessine «parallèlement au besoin sécuritaire accru de la société», relève le cialis single pills (CSFPP).

I. Davantage de problèmes psychiques

Sachant qu’une personne de 50 ans en détention se trouve dans le même état de santé qu’une personne de 60 ans en liberté, le vieillissement des détenus a de quoi provoquer des sueurs froides parmi les professionnels responsables de leur prise en charge. C’est la Prof. Bernice Elger, de l’Université de Bâle, qui a établi cette comparaison interpellante dans le cadre d’un projet de recherche financé par le Fonds national suisse.

La chercheuse a par ailleurs constaté que — tout comme leurs codétenus moins âgés –, les prisonniers seniors souffrent de deux fois plus de maladies que la moyenne des habitants du pays. Les plus fréquentes sont celles touchant le système musculo-squelettique, les tissus conjonctifs, la circulation, les glandes endocriniennes et le métabolisme. «Sans oublier les pathologies d’ordre psychique, qui sont elles aussi beaucoup plus nombreuses derrière les barreaux», précise Bruno Gravier, chef du Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires du CHUV.

II. Une vie globalement plus risquée

Pourquoi vieillit-on plus vite en prison? «Une constellation de facteurs explique ce phénomène», répond le Prof. Gravier. On peut notamment citer «la perte des liens sociaux, l’isolement, la restriction des mouvements et la péjoration de l’hygiène de vie». Sans oublier l’exposition au tabac — «en préventive, on partage parfois sa cellule avec un fumeur» –, ainsi que la consommation accrue — même si elle est interdite — d’alcool, voire de stupéfiants. «La prison, c’est un lieu où l’on prend globalement davantage de risques qu’à l’extérieur.» Si l’on ajoute à cela les maladies spécifiquement liées à l’âge, ainsi que la perte progressive de mobilité des détenus seniors, le vieillissement de la population carcérale présente un défi non négligeable. En effet, aussi bien l’équipement des établissements que l’accompagnement des prisonniers ont été conçus pour des personnes relativement jeunes et en bonne santé. «Prenez le cas d’un détenu en fauteuil roulant: la grande majorité des prisons suisses ne dispose pas de douches sans seuil ou de cellules assez spacieuses.» Pour l’heure, une seule prison, celle de Lenzbourg (AG), a inauguré une division spécialisée pour les aînés. La prolifération de ce modèle tarde à se produire à l’échelle nationale (lire l’encadré ci-dessous).

Et l’équipement des prisons ne constitue de loin pas la seule inéquation avec les besoins d’une population carcérale vieillissante. Au niveau de la loi aussi, la Suisse peut mieux faire. Bruno Gravier cite l’exemple du travail: «Le Code pénal l’impose pour l’ensemble des détenus.» Officiellement, il n’y a donc pas de retraite pour les détenus. Dans les faits, certains cantons ont procédé à des aménagements. En terres vaudoises, une règle interne prévoit certes l’encouragement du travail après 65 ans, mais selon des modalités adaptées à l’âge.

III. Mourir dans la dignité

Si la recette miracle pour faire face à cette transformation de la population carcérale n’existe pas (encore), les spécialistes de l’encadrement des détenus s’accordent à dire que séparer ces derniers en fonction de leur âge ne constitue pas une solution. «J’ai visité aux Etats-Unis des prisons hébergeant uniquement des seniors. C’est l’horreur: les gens y vivotent dans l’attente de leur mort», rapporte Bruno Gravier. Le chef de service du CHUV prône plutôt la création au sein des établissements pénitentiaires traditionnels d’espaces spécialement conçus pour les aînés, dotés d’aménagements et d’accompagnements ad hoc. Même son de cloche du côté du CSFPP, qui relève en outre la nécessité de formations spécifiques pour le personnel des prisons.

Reste la délicate question de la fin de vie des détenus très âgés ou malades. Une étude menée par des chercheurs des Universités de Berne et Fribourg, elle aussi financée par le Fonds national suisse, a montré que les établissements pénitentiaires du pays sont très mal préparés à la mort de leurs habitants, ainsi qu’à la prise en charge de la période la précédant. Parallèlement, les personnes incarcérées expriment de fortes craintes de ne pas pouvoir terminer leur vie dignement. La recherche conclut que les prisons helvétiques devraient être en mesure de faire ponctuellement appel à des soignants spécialisés, voire d’avoir recours aux soins palliatifs. Quant aux détenus désireux de mourir hors univers carcéral, leur régime de détention devrait pouvoir être assoupli dans cette dernière phase de vie.
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ENCADRE

Un projet pionnier qui fait (lentement) des émules

Douze cellules légèrement plus spacieuses que la moyenne, des douches accessibles aux fauteuils roulants mais aussi une structure globalement adaptée aux seniors, que ce soit au niveau de l’équipement ou des activités et formations proposées: inaugurée en mai 2011, l’unité «60plus» de la prison de Lenzbourg (AG) a constitué une petite révolution dans l’univers carcéral helvétique.

Depuis, plusieurs établissements de privation de liberté planchent sur des projets similaires. Dans le canton de Zoug, les responsables de la prison de Bostadel évoquent eux aussi depuis quelques années la mise sur pied d’une unité pour détenus âgés. Elle pourrait prendre la forme d’un quartier d’une trentaine de places au sein du complexe existant, voire même d’un nouveau bâtiment comportant pas moins de 60 places ad hoc. Dans le canton de Genève, la future prison des Dardelles pourrait elle aussi accueillir des infrastructures spéciales pour les aînés. Quelque 45 places réparties dans trois quartiers de l’établissement sont évoquées.

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Une version de cet article est parue dans In Vivo magazine (no 11).

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