CULTURE

Le Marchand qui va prendre la tête de la TV romande

Gilles «Guy» Marchand va diriger la grande Tour des images qui bougent. Ce matin, l’ex-patron de Ringier Romandie s’adressait pour la première fois à ses nouveaux subordonnés. Largeur.com était là.

Le soleil se lève mais Gilles Marchand est déjà fatigué. Il n’a pas beaucoup dormi. Il sait depuis hier soir qu’il a été choisi pour prendre les commandes de la Télévision suisse romande (TSR). La nouvelle va être annoncée ce matin, il a un peu le trac. Tout à l’heure, il devra s’adresser pour la première fois au personnel de ce «véritable défi managérial», face à Mottaz et à tous les autres. La journée s’annonce animée.

Arrivé à la grande Tour, il frappe au guichet, comme n’importe quel visiteur. L’huissier impassible lui tend une feuille photocopiée. «Inscrivez votre nom et celui de la personne que vous venez voir.» Le brave homme en uniforme sait-il à qui il a affaire? Non, mais… Marchand s’exécute sans ciller. Il inscrit son nom et celui de Guillaume Chenevière. Tiens, tiens. Sur cette feuille blanche sont désormais réunis, côte à côte, le nom du nouveau directeur et celui de l’ancien. La TSR va entrer dans le nouveau siècle.

Il est bientôt 11 heures, une atmosphère électrique envahit la Tour. «Il paraît qu’ils ont nommé le nouveau dirlo…» Une jeune femme scotche un communiqué sur les ascenseurs, juste au dessus d’un étrange tableau luminescent (dans cette TSR qui ne fait décidément rien comme les autres, les employés doivent sélectionner l’étage où ils se rendent avant d’entrer dans l’ascenseur). Gilles, ou plutôt «Guy» Marchand comme on l’appelle ici, descend maintenant au rez-de-chaussée. C’est là qu’on l’attend pour sa première allocution. Inutile de lui demander s’il a les choquottes.

Le plateau du studio 1 est bondé. Guillaume Chenevière, juché sur une petite estrade, prie la centaine de personnes présentes de s’approcher de la scène. A ses côtés, Gilles Marchand et le directeur de l’audiovisuel public Armin Walpen paraissent très tendus. On dirait une procession: les employés de la TSR se déplacent de quelques pas vers leur ancien patron, leur nouveau patron et le patron du nouveau patron.

Jean Cavadini est là aussi, au titre de président du directoire de la Radio-Télévision suisse romande. C’est lui, avec son comité de «sages entre guillemets», qui a eu la charge de nommer le nouveau directeur. Silence dans la salle. Hmmm, hmmm.

Cavadini s’éclaircit la voix, saisit un morceau de papier et commence à réciter son communiqué en baissant les yeux: «…remercions Guillaume Chenevière pour sa disponibilité et son sens du service… nouveau directeur Gilles Marchand… 38 ans… directeur de Ringier Romandie, qui est un groupe qui édite six publications… date d’entrée en fonction encore l’objet d’une discussion… premier semestre 2001… directoire a dû choisir parmi d’excellents candidats dont certains de la maison… service public… regard neuf sur l’entreprise…»

Armin Walpen prend maintenant la parole («… un bon directeur partira, un bon directeur arrivera… choix était difficile…») puis la donne enfin à celui qu’on attend. Tous les cous sont tendus pour apercevoir un petit jeune homme au teint hâlé qui se met à parler à la vitesse d’une kalachnikov.

Quand il blabla, Gilles Marchand paraît plus souriant que lorsqu’il se tait. C’est son arme secrète. Dans ce studio 1, il évoque la «nuit très courte» qu’il vient de passer et mentionne brièvement une certaine «offre programmatique» qui doit être mise en rapport avec la fameuse «demande des téléspectateurs». Puis il s’arrête brusquement. «Je vous laisse maintenant la parole, posez-moi des questions». Bien joué. Ce type sait communiquer.

Silence gêné dans la salle. C’est Massimo Lorenzi qui ouvre les feux. «Je vais faire human touch: est-ce que vous avez la trouille?» «Oui, j’ai la trouille», répond Marchand. La salle se met à rire. Ça y est: il a mis le public dans sa poche. Pour ce matin en tout cas.

Dans quelques minutes, Jean Cavadini sera très, très embarrassé.

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