TECHNOPHILE

Guider les citoyens en douceur

L’incitation discrète, ou le «nudge», démontre aujourd’hui son potentiel pour la mise en œuvre de politiques publiques.

Un «nudge» est un coup de pouce — parfois si subtil que la personne visée ne le remarque pas. La pratique a été reconnue par le monde universitaire en 2008 avec la publication de Nudge, La méthode douce pour inspirer la bonne décision par Richard Thaler et Cass Sunstein, professeurs à l’Université de Chicago. Depuis, des équipes de chercheurs en sciences du comportement ont fleuri dans plusieurs pays, notamment en Europe du Nord.

La Behavioural Insights Team britannique, ou «nudge unit», créée en 2010 par le premier ministre David Cameron, a lancé une centaine d’initiatives avec la quasi-totalité des ministères. Selon le rapport 2015–16, cette équipe a réussi à diminuer la résistance bactérienne de la population en incitant les médecins britanniques à réduire leurs prescriptions d’antibiotiques. Ils ont aussi diminué les retards de paiements d’impôts en notifiant les contribuables de manière différente.

Au Danemark, l’équipe iNudgeyou dirigée par Katrine Lund Skov a géré un supermarché l’an dernier, en plein débat national sur la responsabilité de la grande distribution face aux mauvaises habitudes alimentaires.

En remaniant la présentation des produits et en leur ajoutant des labels — vert: sain, rouge: malsain — les ventes de fruits et légumes ont augmenté d’un quart, tandis que celles des boissons gazeuses, chips et bières ont baissé de 15%. Cette initiative du Ministère de l’alimentation danois a par la suite été adoptée par Coop, une enseigne locale.

Pourtant, l’impact de ces mesures comportementales demeure limité. L’équipe britannique estime les économies possibles grâce au nudging à quelques centaines de millions de livres sterling, une goutte d’eau par rapport aux 20 milliards de livres de coupes budgétaires prévues dans le domaine des services publics ces trois prochaines années.

Si quelques voix se sont élevées en Europe contre les dérives du nudge, Katrine Lund Skov affirme cependant que ces craintes sont en recul. Beaucoup de pays «veulent s’assurer que leurs citoyens sont à l’aise» avec le mouvement. Elle ajoute: «Chaque nudge sera évalué au cas par cas en termes d’éthique et de manipulation.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 11).

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