GLOCAL

Se débarrasser d’Oskar, ou la quadrature du cercle

Les tambouilles électorales à la valaisanne, mâtinées d’histoires et de régionalismes recuits, sont la meilleure chance du naufragé Freysinger d’éviter la noyade définitive.

«K.O. au premier tour», «Une véritable déculottée», «Présomptueux et aveuglé par l’opinion démesurée qu’il a de lui-même», «Il a eu tout faux», «Il a voulu rafler la mise, mais s’est pris le râteau du bon sens populaire dans le museau».

Autant le dire, les médias de tout ordre et provenance peinaient à cacher leur joie après la sévère et plutôt inattendue contre-performance d’Oskar Freysinger devant les électeurs valaisans. Jusqu’à réhabiliter une notion de «bon sens», d’ordinaire plutôt moquée.

Peu importe les explications, qu’elles s’attachent à découvrir soudain un Valais moins réactionnaire que chacun — et Freysinger le premier — avait fantasmé, ou à constater qu’on ne s’attaque pas frontalement au PDC dans ce canton sans se ramasser quelques féroces retours de fourches.

L’essentiel désormais, c’est ce deuxième tour vers lequel tous les regards convergent. La logique électorale veut que généralement le deuxième tour amplifie le premier. Mais l’on est en Valais, où les paramètres et sous-paramètres abondent, d’ordre historique, clanique, idéologique, linguistique ou régional. De cette joyeuse tambouille, Freysinger pourrait éventuellement en profiter.

Certes, se payer l’insupportable Oskar 10 ans après avoir eu la peau de Blocher, voilà qui ferait bien dans le tableau du chasseur très occasionnel qu’est Christophe Darbellay. Sauf que l’équation, on l’a dit, est des plus compliquées.

Officiellement, le PDC — qui a placé ses trois candidats très nettement en tête et se retrouve en position d’arbitre pour les deux sièges restants — affirme ne pas vouloir jouer ce rôle: «Nous ne nous substituerons pas au peuple et nous ferons avec les élus que les Valaisans choisiront», décrète ainsi le président des démocrates-chrétiens Serge Métrailler. On n’est pas obligé de le croire.

Certains préconisent en interne ou ouvertement le soutien au radical Frédéric Favre, arrivé loin derrière. Au risque d’affaiblir le socialiste Stéphane Rossini, placé cinquième, juste devant Freysinger, et donc de favoriser la résurrection d’Oskar le moribond. Mais plaider pour Rossini, ce serait se résoudre à l’impensable: deux représentants de la gauche au conseil d’État, le siège de la Haut-Valaisanne Esther Waeber-Kalbermatten semblant indéboulonnable du fait du double vote ethnique et féminin.

Revenir à la configuration d’avant le séisme Freysinger, à savoir trois PDC, un radical et un socialiste, serait évidemment le scénario idéal pour le PDC. C’est ce qui explique le mot d’ordre pour le deuxième tour du porte-parole de la police cantonale Jean-Marie Bornet — candidat présumé indépendant mais clairement issu de la galaxie démo-chrétienne — qui préconise de rejeter à la fois les extrêmes et la surreprésentation d’un parti. En clair d’appuyer, outre les membres déjà quasi élus de la sainte famille, le candidat radical. Nuits blanches en perspective dans les carnotzets conservateurs.

Freysinger entend bien profiter de cet embrouillamini en jouant de la peur du péril rouge. N’a-t-il pas soufflé le soir de sa déroute au nouveau roi du canton Darbellay «Tu devras choisir entre Rossini et moi»?

A chaud, le roi en question avait, lui, avoué «regretter l’absence du PLR au gouvernement». Autrement dit appeler aussi au soutien du jeune et inexpérimenté Frédéric Favre, arrivé avec 10’000 voix de retard sur Rossini et 8’000 sur Freysinger. Mais depuis, le grand Christophe fait profil bas. Sollicité sur le sujet, il lâche désormais un sobre et définitif: «J’ai dit tout ce que j’avais à dire.»

Le suspense est donc entier. Impossible de savoir si Freysinger aura droit au même sobriquet, le jeu de mot judiciaire en moins, dont le Canard Enchaîné vient d’affubler un insubmersible candidat à la présidence de la République française: repris de justesse.