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La grande frousse

Les OGM font peur au parlement. Normal, la peur désormais est partout. De Trump comme de l’Islam, de Freysinger comme des migrants, suivant la chapelle d’où partent les chocottes.

La peur est à la mode. Peur de ci, peur de ça. Peur de Trump, peur des islamistes. Peur de l’effondrement du deuxième pilier, peur de la retraite à 67 ans. Peur d’Oskar, peur des migrants. Peur du burn-out, peur du chômage. Peur des augmentations d’impôt — pour soi –, peur des baisses d’impôts — pour les autres. Peur du nucléaire, peur de la pénurie énergétique.

Bref, chacun la sienne. Il y a des peurs de gauche (peur de la police) et des peurs de droite (peur des voyous). L’époque est à la grande trouille et l’homme du XXIe siècle arbore assez fréquemment une méchante gueule de froussard. Des peurs qui semblent dues plutôt à des réflexes idéologiques qu’à de froides analyses. C’est ainsi que ceux qui ont peur du méchant Donald n’ont pas peur des gentils salafistes, et vice versa.

Le parlement par exemple, a la trouille des OGM. Après le Conseil national, voilà le Conseil des Etats qui prolonge un moratoire de quatre années supplémentaires. Ça fout tellement les jetons les OGM que contre l’avis du Conseil fédéral nos tremblotants élus ont refusé de tempérer cette interdiction par des zones mixtes d’essais, de tester une coexistence des cultures. La société multiculturelle, c’est bon pour les gens, mauvais pour les plantes, basta. Tant pis si un parfum de sanctions pour entrave à la liberté de commerce flotte déjà du côté de l’OMC.

La peur guide, commande et inspire tout. Le Temps peut bien se désoler que «la Suisse, si grande dans l’univers des biotechnologies, se trouve soudain trop petite pour accueillir des parcelles OGM avec toutes les mesures de précaution qui s’imposent», rien n’y fait: des cantons se sont déjà déclarés sans OGM et les consommateurs se montrent, dans leur majorité, plus que réticents, à 66% même, selon un sondage.

Le conseiller national Fathi Derder, l’an dernier lors du débat au National, s’était gaussé de cet appui sur la volonté populaire pour dire niet aux OGM: «Interdisons tous les produits dont les Suisses ne veulent pas, sur la base de sondages. 90% de consommateurs n’achètent pas de produits ‘bio’? Interdit, le bio. 30% de Suisses aiment les kiwis? Interdits, les kiwis. Trop minoritaires. Sans parler des choux de Bruxelles, et leurs misérables 12%.» On aura beau l’habiller dans l’élégant costard du «principe de précaution», c’est la peur toute nue qui n’en a pas moins gagné.

Contre cette arme absolue, même les bons sentiments se cassent les dents. Le radical Ruedi Noser a ainsi suggéré, en vain, que les OGM pouvaient être un instrument efficace et crédible de la lutte contre la faim dans le monde, surtout dans un contexte avéré de désertification et d’explosion démographique. La peur, c’est bien connu, ferme les cœurs aussi efficacement qu’elle bouche les oreilles et essore les têtes, ne laissant plus travailler que la bouche et ses grands cris d’orfraies.

En plus, il ne suffit pas toujours de vouloir se prémunir des craintes et tremblements inutiles, par la prise d’information et un examen rationnel. La preuve par la Mosquée de Genève qui semble changer d’imam comme de chaussettes. Le dernier en date a une réputation de modéré, ce qui change de ses prédécesseurs fichés S. A lire pourtant l’interview que Noureddine Ferjani a donné à un quotidien autrefois genevois, pas sûr que chacun arrivera à se garder de tout soupçon anxiogène.

Que pense-t-il, ce nouvel imam, des vrais patrons de la Mosquée, les wahhabites saoudiens? «J’ai ma foi propre, je ne cherche à satisfaire ni un courant de pensée, ni une autorité en particulier.» Même pugnacité face aux Frères musulmans: «Je suis un homme libre, il peut m’arriver d’être d’accord avec eux, d’autres fois non.»

Il peut arriver que ce genre de discours un peu torve fasse peur. D’autres fois non. Mais de moins en moins.