KAPITAL

Et si vous sous-traitiez la gestion de vos réseaux sociaux?

Confier la gestion de sa présence digitale à une agence permet d’assurer une présence régulière et pertinente sur les différentes plateformes. Pour autant que la société s’implique dans la stratégie et réagisse adéquatement aux interpellations des clients.

Six personnes se sont relayées 24h/24 pendant trois jours pour animer les réseaux sociaux de la Fête fédérale de lutte. Vidéos à 360 degrés, revues de presse, photographies des affrontements, conférence de presse live: tout a été fait pour que l’événement, qui s’est déroulé à Estavayer-le-Lac au mois d’août dernier, puisse être également vécu de l’extérieur. Près de 400’000 personnes ont réagi aux publications pendant la manifestation et plus d’un million de vues ont été comptabilisées sur sa page Facebook.

Pourtant, les réseaux sociaux de la Fête fédérale de lutte n’ont pas été gérés par les organisateurs de l’événement, mais par une agence de communication externe. Basée à Lausanne, Mondays élabore pour les PME une stratégie numérique, crée du contenu et gère la présence d’une marque ou d’une organisation sur les réseaux sociaux (ce que les professionnels appellent le «community management»). Elle propose également des conseils aux entrepreneurs. But affiché: «Aider les sociétés à accroître leur notoriété et conserver une longueur d’avance.»

A l’image de la Fête fédérale de lutte, de plus en plus d’entreprises choisissent de confier la gestion de leurs comptes Facebook, Twitter ou Instagram à des prestataires spécialisés. Mondays compte par exemple parmi ses clients l’Interprofession du Vacherin Fribourgeois, le Sel des Alpes, ou encore les centres romands de Manor. En tout, elle s’occupe d’environ 50 comptes différents.

Stratégie adaptée

Les entreprises prennent aujourd’hui de plus en plus en compte les moyens de communications numériques: plus de 70% des PME suisses disent trouver les réseaux sociaux importants, selon une étude de l’Institut Entreprenariat et PME de l’Université de Fribourg. «Ces nouveaux canaux font aujourd’hui partie intégrante des moyens de communication usuels, remarque Patrick Chareyre, responsable de la formation en marketing digital à l’Ecole de Management et de Communication ESM à Genève. Il y a cinq ans, on devait se battre pour essayer de convaincre les entrepreneurs d’y investir. Cela n’est quasiment plus le cas aujourd’hui.»

Une aubaine pour les sociétés de sous-traitance qui fleurissent un peu partout en Suisse romande. buy cialis online en fait partie. Basée à Neuchâtel, elle emploie deux personnes et collabore avec des travailleurs indépendants. «Avant de nous lancer, nous travaillions tous dans des PME, raconte Cédric Fischer, le fondateur. Le constat était le même partout: par effet de mode, les entrepreneurs savent qu’ils doivent être présents sur les réseaux sociaux, mais n’ont par contre aucune stratégie adaptée. C’est pourtant un élément essentiel.»

Avant de commencer à «faire vivre» un réseau social, Cédric Fischer analyse la manière de travailler de ses clients, et élabore avec lui une stratégie digitale: que veut-on faire passer comme message, quel public souhaite-on viser, à quelle fréquence faut-il publier? «Autant de questions auxquelles il est primordial de répondre avant de créer son compte», analyse Cédric Fischer.

Raconter une histoire

Lors de cette phase de préparation, l’intégration du client est primordiale. «Les PME doivent participer à l’élaboration de la stratégie, dit Vincent Bifrare, fondateur et CEO de Mondays. Elles nous expliquent leur manière de fonctionner pour que nous puissions nous imprégner de la marque, de ses produits et de la culture d’entreprise.» Il se peut aussi que l’une d’elles ait déjà une stratégie digitale. «Dans ce cas, notre rôle est de la mettre en question pour savoir si elle peut être améliorée, poursuit Vincent Bifrare. Nous proposons également de nouvelles idées qui viennent s’ajouter aux bases déjà existantes.»

Car les recettes d’une bonne communication digitale ne sont pas les mêmes que celles d’une communication d’entreprise traditionnelle: «Pour capter l’attention et fidéliser les internautes, il faut raconter une histoire, c’est le fameux principe du ‘storytelling’», indique Cédric Fischer. L’entrepreneur a par exemple choisi de présenter le spa Villa Florius, dans le Val-de-Travers, par le biais de ses employés. En marge de messages promotionnels plus conventionnels, Douglas & Douglas publie des vidéos dans lesquelles la masseuse ou la responsable de la boutique racontent leur parcours professionnel. «Sur les réseaux sociaux, le public n’exige pas une ‘qualité cinéma’, explique Cédric Fischer. Il veut plutôt de la sincérité. Nous nous attelons donc à nous éloigner des discours publicitaires attendus pour proposer une véritable histoire.» Cédric Fischer prend ainsi pour modèle Nespresso ou Nike, qui «vendent un état d’esprit plus qu’un objet».

Cette spontanéité sur les réseaux sociaux différencie les PME des plus grandes entreprises. C’est également un avantage: «Les plus petites sociétés peuvent se permettre de montrer leur personnalité, d’être authentiques et plus proches des internautes, explique Anna Jobin, sociologue et spécialiste du numérique à l’EPFL et à l’UNIL. Cela correspond d’ailleurs plus aux réseaux sociaux et permet aussi de fidéliser la clientèle.»

Compétences multimédia

Pour les PME pratiquant le B2B, la personnalisation des publications s’avère souvent plus compliquée. Pour son client Ascenseurs Menétrey, l’agence Mondays a opté pour des publications à la première personne: «Je suis encore bien jeune, mais vous n’imaginez pas à quel point ma vie est déjà riche et extraordinaire», lit-on sur une publication se mettant dans la peau de l’ascenseur de l’hôtel Royal, à Evian. «L’idée était de raconter l’histoire de chaque réalisation sans être trop technique, explique Vincent Bifrare. Qui de mieux que l’ascenseur lui-même pour le faire? Ces textes originaux et décalés ont suscité de la curiosité sur Facebook, déclenchant des clics vers le site internet du client.»

Le client est une fois de plus sollicité dans la phase de création des publications et de leur mise en ligne. Après validation, Mondays publie le contenu, la plupart du temps deux fois par semaine et à des horaires stratégiques (notamment le dimanche et le lundi soir). Chez Douglas & Douglas, la procédure varie: Cédric Fischer organise une réunion avec ses clients une fois par mois pour décider du contenu des pages pour plusieurs semaines.

Faire appel à une société de communication digitale présente un autre avantage: l’assurance pour les PME d’être toujours à la pointe des nouveaux services. «Nous effectuons une veille et cherchons constamment la nouveauté car les réseaux sociaux évoluent à toute vitesse, explique Vincent Bifrare. En trois mois, Facebook développe par exemple une quinzaine de nouvelles fonctionnalités. Impossible de toutes les connaître si vous n’êtes pas un professionnel.» Sous-traiter la gestion des réseaux sociaux permet également aux PME d’avoir à leur disposition des compétences diverses: Mondays emploie par exemple des media designers et des rédacteurs web. Elle travaille aussi avec des partenaires externes, notamment pour les créations audiovisuelles. Pour la page Facebook de l’Interprofession du Vacherin Fribourgeois AOP, elle a par exemple conçu une vidéo accélérée présentant une recette de fondue sur le modèle de celles qui circulent beaucoup sur Facebook. Résultat: plus de 800’000 vues.

30’000 francs par an

Mais pourquoi ne pas engager une personne au sein même de l’entreprise pour faire ce travail? Le coût que représente un salarié est le principal frein. Pour la gestion d’une page Facebook d’une PME voulant publier deux fois par semaine, Douglas & Douglas facture 1’000 francs par mois. A ce tarif, la réalisation de photos et vidéos est comprise. S’agissant de l’élaboration d’une stratégie digitale, il faut compter 2’500 francs pour une petite entreprise (avec suivi sur un mois). Ce montant peut atteindre 10’000 francs si l’analyse est plus poussée. Mondays estime quant à elle qu’une enveloppe de 30’000 francs par an est nécessaire pour assurer à une société active en Suisse romande un service de qualité. Un investissement considérable mais qui, selon le spécialiste en marketing digital Patrick Chareyre, est indispensable: «Sans budget alloué à la création de contenu ou à la promotion des publications, la stratégie digitale est vouée à l’échec. Penser que la gestion des réseaux sociaux ne coûte rien est une aberration.»

Patrick Chareyre considère pour autant qu’il est beaucoup plus pertinent de former des personnes à l’interne pour gérer cette tâche: «Une agence ou un indépendant ne saura pas aussi bien qu’un salarié la façon dont fonctionne une société ou une marque.» Selon lui, c’est également au sein de l’entreprise qu’on réagira mieux aux demandes des clients: «S’il faut l’accord de la direction sur une réponse à donner à un internaute, il sera toujours plus simple et rapide de le faire via un employé que par une agence externe. Le délai de réponse est un facteur important pour les clients.»

Toutes les PME n’ont pourtant pas intérêt à être présentes sur les réseaux sociaux. «J’ai souvent dû refuser des demandes de chefs d’entreprise qui voulaient à tout prix créer un compte Facebook pour leur société, raconte Cédric Fischer. Dans certain domaine, le contenu disponible est trop faible pour être efficace en ligne.» Dans ce cas, Anna Jobin conseille aux chefs d’entreprises de «profiter d’autres fonctionnalités qu’offrent les réseaux sociaux, par exemple en dynamisant leur profil LinkedIn, ou en s’y informant des tendances et actualités».
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TÉMOIGNAGES

«L’agence se glisse dans notre peau»

Mondays alimente la page Facebook «Quartier du Flon» pour la société immobilière Mobimo depuis plus d’une année.

«A priori, rien ne laisse penser qu’une société externe gère notre compte Facebook.» Jan Tanner a fait appel à l’agence Mondays il y a un peu plus d’un an pour s’occuper de la page du quartier du Flon, à Lausanne. L’équipe de management du quartier, dont la société immobilière Mobimo est propriétaire, souhaitait déléguer à des professionnels la gestion des médias sociaux. «Il aurait été possible de le faire en interne, mais ce n’est pas notre cœur de métier.»

Mobimo a fixé le ton général qu’elle souhaitait donner au compte Facebook, mais l’agence possède une grande marge de manœuvre. Avant publication, Jan Tanner et son équipe valident toujours ce que Mondays propose. «Nous sommes entièrement satisfaits: l’agence a une grande capacité de compréhension de l’identité ainsi que des valeurs du quartier et se glisse parfaitement dans notre peau. Le fait que Mondays soit basée à Lausanne est également un avantage.» Il met, en outre, en avant la capacité de l’agence à «proposer des idées originales». En juillet 2016, elle avait notamment organisé un vote interactif invitant les internautes à se prononcer sur le futur revêtement du sol de l’Esplanade du Flon.
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«Nous disposons d’une visibilité continue»

Julien Badet a décidé de faire appel à Douglas & Douglas pour promouvoir le spa Villa Florius sur les réseaux sociaux.

Lorsqu’il a repris la direction du spa Villa Florius en mai 2016, Julien Badet gérait lui-même les réseaux sociaux de sa PME. «Avec les quelques conseils que l’on peut trouver sur internet, j’arrivais à me débrouiller. Mais j’étais toujours dans la réaction plutôt que dans l’action. J’ai décidé de me décharger de cette tâche.» Depuis le mois d’octobre 2016, il a confié les accès de ses comptes à Douglas & Douglas. Le directeur du spa situé dans le Val-de-Travers fournit un mois à l’avance le contenu à publier «et l’agence s’occupe du reste».

«J’aurais pu confier cela à un collaborateur qui a parfois du temps mort, mais encore faut-il qu’il ait les compétences.» Douglas & Douglas publie environ deux fois par semaine des offres promotionnelles et des informations générales sur la page Facebook. L’agence promeut également certaines publications — en ciblant les internautes qui pourraient être intéressés par la page selon leur âge, sexe ou intérêts — et organise des concours. «Nous disposons grâce à cela d’une visibilité continue.»
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ENCADRE

Comment se prémunir en cas de problème?

Confier la gestion de ses réseaux sociaux à un tiers comporte des risques. Le premier touche à la propriété du contenu des comptes. «S’il venait à avoir un litige entre une PME et une agence de sous-traitance sans qu’un contrat n’ait été au préalable conclu entre les deux parties, les droits de propriété intellectuelle sur le contenu créé n’appartiendraient pas à la PME, mais à l’agence», met en garde Juliette Ancelle, associée chez id est avocats et spécialiste du droit des technologies. Il faut donc s’assurer qu’un contrat réglant la titularité des droits de propriété intellectuelle soit correctement signé.

Autre danger: si une publication sur les réseaux sociaux viole les droits d’un tiers, comme par exemple la marque d’un concurrent ou reprend sans droit une image copyrightée. «Juridiquement, la responsabilité appartient à l’agence, indique Juliette Ancelle. Mais la PME risque tout de même de voir son image écornée.» Que faire pour limiter la casse? L’avocate propose de mettre en place un «guide» de gestion de crise et déterminer qui doit être impliqué en cas d’erreur: faut-il l’annoncer directement au directeur ou coordonner d’abord avec le service de communication? «Anticiper permet d’avoir une meilleure réaction sur le moment et ainsi éviter d’aggraver le problème.» Dernier conseil: fixer à l’avance avec l’agence la politique de modération des commentaires (comment répondre, que supprime-t-on et qui décide en cas de doute).
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.