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Swisscom risque de déraper sur l’autoroute ADSL

En matière d’accès à Internet, c’est l’événement le plus important de l’année: on l’attendait depuis le printemps, ADSL sera enfin commercialisé en Suisse à partir du mois d’octobre, annonçait hier Swisscom.

ADSL, c’est le Net à haut débit sur les fils du téléphone. Cette technologie, utilisée depuis longtemps aux Etats-Unis et depuis plusieurs mois en Europe, consiste à transmettre les communications informatiques au moyen de hautes fréquences – inaudibles – sur l’infrastructure existante, soit les lignes en cuivre utilisés pour la téléphonie traditionnelle.

Avec ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line), les données «descendent» vers l’usager plus vite qu’elles ne «montent» sur le réseau, d’où l’appellation asymétrique (un internaute télécharge habituellement beaucoup plus de données qu’il n’en envoie, raison pour laquelle on exploite des débits différents). Pour se brancher avec ADSL, il suffit de raccorder un boîtier spécial (le «splitter») à la prise du téléphone et un modem à haute fréquence à son PC. Les communications téléphoniques ne sont pas perturbées par l’utilisation du Net et on peut sans problème parler et surfer en même temps.

Outre la vitesse, l’avantage réside dans la permanence de la connexion au tarif forfaitaire: l’internaute peut surfer en paix, aussi longtemps qu’il le souhaite.

L’élément décisif de cette technologie est bien sûr son prix. A environ 100 francs suisses par mois, ADSL deviendrait un concurrent très sérieux du câble TV: il offre des liaisons de meilleure qualité (le débit n’est pas perturbé par les autres surfeurs reliés au même brin de réseau) et un niveau plus élevé de sécurité.

Des accès rapides et moins chers pour les particuliers, les PME et les indépendants agiraient comme un produit dopant de la nouvelle économie.

On s’achemine cependant vers des tarifs de 50% plus élevés, voire davantage. Il faut savoir que Swisscom ne commercialisera pas directement ce service aux particuliers. Dès le 9 octobre, l’opérateur proposera les alternatives suivantes aux fournisseurs d’accès :

– Une ligne à 256/64 kbps (soit 4 fois plus rapide qu’un modem 56 kbps en descente et légèrement plus rapide en montée) pour 69 francs par mois.

– Une ligne à 512/128 kbps pour 114 francs par mois.

Des frais uniques de mise en service de 400 francs s’ajouteront à cette location. Au début, ADSL ne sera proposé que dans les villes de Genève, Lausanne, Zurich, Berne, Bâle, Lucerne et St-Gall. La couverture sera étendue dans le courant 2001 à l’ensemble du pays, et des débits plus élevés seront proposés.

«Nous avons conçu notre tarification pour qu’ADSL puisse offrir une alternative intéressante aux liaisons par le câble TV», se félicite Jacques Bettex, porte-parole de Swisscom. Dans tous les cantons romands sauf à Genève, les raccordements par le câble offrent un débit variable de maximum 512 kbps pour 85 à 95 francs par mois tout compris.

Les fournisseurs d’accès ne partageaient pas mercredi l’enthousiasme de l’opérateur national. «Ce matin, quand Swisscom a annoncé les prix, nous étions satisfaits: à 69 francs pour la ligne de 256 kbps, on aurait pu plus ou moins rivaliser avec le câble en ajoutant la location du modem – vingt francs – et notre tarif d’accès, explique Francis Cobi, directeur du fournisseur d’accès romand VTX. Mais on a vite déchanté en lisant les détails de l’offre dans l’après-midi. En fait, il y a énormément de frais cachés que l’opérateur s’est bien gardé de mentionner à la presse. Par exemple, le fournisseur doit payer 25’000 francs pour chaque ville qu’il désire couvrir. En plus, il y a une facturation au débit pour la liaison entre le central de Swisscom et notre infrastructure: 750 francs par mois pour chaque ligne de 1 Mbps (le débit nécessaire pour relier 4 clients simultanés au Net, ndlr). On est habitués à ce genre de mauvaise surprise avec notre cher opérateur national mais là, il ne fait vraiment pas de cadeau. A ce prix là, le tarif pour le particulier sera proche des 150 francs par mois. Impossible d’aller plus bas.»

Même chez Bluewin, dont Swisscom est actionnaire majoritaire, on trouve la pilule difficile à avaler. «Nous allons encore discuter de ces tarifs avec Swisscom, notamment concernant les frais de mise en service de 400 francs», dit Mélanie Schneider, porte-parole du fournisseur d’accès.

L’idée d’une action groupée des ISP destinée à faire pression sur Swisscom pour faire baisser les prix était évoquée dans la journée d’hier après lecture des petits caractères de l’offre. Tout le monde veut profiter de l’occasion pour porter le coup fatal au monopole de Swisscom sur le dernier kilomètre (ce qu’on appelle le «dégroupage de la boucle locale»). Les politiques s’y mettent.

Georges Theiler (PRD/LU) a déposé une initiative parlementaire en ce sens, tandis que la commission des télécommunications du National étudie les modalités d’une ouverture rapide du marché à la concurrence. Récemment, Fulvio Caccia, président de la Commission fédérale de la communicaiton, confiait à Largeur.com: «On fait pression depuis un an pour une libéralisation du dernier kilomètre. Mais il faut une modification de la loi, ce qui n’est pas de notre ressort. Il faut un nombre plus important de plaintes pour que le dossier avance plus vite au niveau politique.»

Avec ADSL, la digue risque bien de céder.