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Comme au bon vieux temps

Le référendum contre la RIE III, la troisième réforme fiscale des entreprises, rallume des clivages ancestraux qu’on aurait pu croire noyés par la globalisation: le capital contre le travail, ça ne rajeunit personne.

Toujours se méfier de l’emballage. Voyez «RIE III»: sous cette appellation particulièrement indigeste se cache un savoureux morceau de bataille politique à l’ancienne, bien tranchée, avec ses parts gauche et droite aussi juteuses l’une que l’autre. Le tout mijoté à la bonne sauce idéologique qui fleure la cuisine authentique. Loin des brouets d’aujourd’hui où les piments extrêmes se rejoignent, les ingrédients se mélangent, où plus rien n’a le goût de rien, où personne n’ose dire ce qu’il est: rôtisseur révolutionnaire ou confiseur réactionnaire, étatiste enragé ou roi de la jungle.

Grâce à la RIE III, à savoir la troisième Réforme fédérale de l’imposition des entreprises, tout rentre dans l’ordre. Gauche et droite ressortent leurs antiques réflexes, entonnent à nouveau leurs vieux refrains préférés. Et tout ça à propos d’une réforme assez technique, proposant des allégements divers visant à compenser la suppression de l’imposition à taux réduit dont bénéficiaient les sociétés dites à statut spécial. A savoir, en gros, les multinationales qui profitaient jusqu’ici d’une mansuétude très intéressée mais désormais non conforme au droit international.

De quoi faire s’affronter dans la sciure du microcosme politique des gros bras qui peuvent enfin renouer avec leurs fondamentaux. Il suffit pour s’en convaincre de lire les deux tribunes qu’ont consacré au même sujet, dans les colonnes du même journal, au hasard la socialiste Sandrine Salerno, en charge des finances à la Ville de Genève, et le radical Pascal Broulis, grand argentier vaudois.

Pour le radical, fidèle à une indestructible mantra de droite, ces cadeaux aux entreprises auront comme effet automatique la préservation d’emplois menacés: «Une entreprise perdue l’est pour tous.» Par définition ainsi, le fait que les PME paieront moins d’impôts profitera miraculeusement à tous: «Elles auront un ballon d’oxygène pour investir, embaucher, se développer. Ce n’est pas de l’argent qui va disparaître, il sera réinjecté dans le circuit.» On retrouve ici la brave et naïve confiance de la droite dans ce mécanisme mystérieux censé marcher à tous les coups. Au moindre allégement fiscal, chacun le sait, les entreprises n’ont plus qu’une seule obsession, un seul désir incontrôlable et fou: embaucher, investir.

Quant à Sandrine Salerno, elle répète ce que la gauche martèle depuis toujours. Le paquet de la RIE III, comme tous les cadeaux aux entreprises, présente un inconvénient majeur: il «pèse beaucoup trop lourd sur les finances publiques». Un poids que les partisans de la réforme chercheraient traîtreusement à dissimuler: «Personne n’ose des prévisions claires, mais tous minimisent les pertes.»

Et c’est encore, comme à chaque fois, le bon populo qui va trinquer: «Cette réforme s’inscrit dans une tendance observée un peu partout en Europe ces dernières années: on baisse les taux d’imposition des bénéfices des entreprises et on compense les pertes fiscales par une pression accrue sur les personnes physiques.» Une tendance «délétère parce qu’elle déplace l’effort fiscal du capital vers le travail».

Le capital contre le travail, tout est dit. On en revient à cette équation simplissime et vieille comme la politique: qu’est-ce qui est le plus précieux et doit être protégé en priorité, les finances publiques ou la bonne santé des entreprises? Pascal Broulis a beau mettre en garde et suggérer de ne pas faire «de cette réforme un affrontement idéologique». On voit mal face à une matière absconse et complexe, comment le malheureux citoyen pourra se déterminer sans consulter d’abord le catéchisme poussiéreux du camp auquel il appartient.